Titre original: | Elio |
Réalisateur: | Madeline Sharafian, Domee Shi, Adrian Molina |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 98 minutes |
Date: | 18 juin 2025 |
Note: |
Elio, le 29e long métrage des studios Pixar Animation, n'arrive pas avec la force d'une nouvelle découverte interstellaire, mais plutôt comme une anomalie curieuse : visuellement attrayant, charmant par moments, mais finalement décevant dans son ambition émotionnelle et narrative. Réalisé par Adrian Molina, Domee Shi et Madeline Sharafian, et né d'une idée profondément personnelle imaginée à l'origine par Adrian Molina, Elio porte les marques d'une histoire qui a subi trop de changements de cap pendant sa production. Il en résulte un film pris dans le vide entre une narration sincère et des calculs commerciaux, un voyage spatial aux couleurs pastel qui manque de la propulsion existentielle qui définissait autrefois les œuvres les plus transcendantes de Pixar. Ce n'est en aucun cas un crash, mais cela ne trace certainement pas de nouvelles frontières dans l'univers Pixar. C'est un film qui flirte avec la profondeur émotionnelle, mais qui ose rarement s'engager dans ses thèmes, préférant des métaphores sûres et des allégories largement acceptables.
Au centre de cette histoire se trouve Elio Solis, un garçon de 11 ans solitaire et émotionnellement complexe, interprété avec sincérité et vulnérabilité par Yonas Kibreab. Elio est présenté comme un rêveur aux yeux écarquillés qui aspire profondément à s'échapper. Le chagrin causé par la perte de ses deux parents l'a isolé émotionnellement et socialement, et sa nouvelle vie avec sa tante Olga (interprétée avec une compassion lasse par Zoe Saldaña), débordée, ne lui offre que peu de réconfort. Son cri passionné vers les étoiles, griffonné dans le sable, « Aliens, enlevez-moi », est à la fois littéral et symbolique, et ce postulat, celui d'un enfant marginal pris pour le leader de la Terre par un groupe d'extraterrestres bien intentionnés, est intrinsèquement prometteur. Le Communiverse, une fédération de civilisations extraterrestres qui prennent Elio pour l'ambassadeur de l'humanité, est un terrain de jeu éblouissant aux visuels psychédéliques et aux créatures au design original. Mais malgré le spectacle, le cœur du film semble perdu dans les étoiles. Alors que Inside Out explorait la complexité des émotions adolescentes avec une profondeur chirurgicale et que Coco rendait hommage aux liens familiaux à travers une spécificité culturelle vibrante, Elio reste superficiel, son cœur émotionnel ne parvenant jamais à percer sa surface lumineuse.
Le conflit central – l'identité erronée d'Elio et sa mission diplomatique auprès de Lord Grigon, un seigneur de guerre fanfaron doublé par Brad Garrett – est censé faire écho au voyage intérieur d'Elio. Et dans une certaine mesure, cela fonctionne, surtout lorsque Glordon, le fils sensible, potelé et tout à fait adorable de Grigon (doublé par Remy Edgerly), entre en scène. Le design de Glordon, mélange de tardigrade, de larve et de peluche, est le rêve de tout merchandiser de Pixar, et sa manière douce et son innocence extraterrestre offrent les rares moments vraiment émouvants du film. Leur amitié, née d'une aliénation commune et du besoin d'être vu au-delà des attentes, est ce qui se rapproche le plus d'une résonance émotionnelle pour Elio. Mais même ce fil conducteur, aussi tendre soit-il, semble étrangement marginalisé dans un scénario qui semble constamment en contradiction avec lui-même, tiraillé entre comédie interstellaire, allégorie politique et drame familial. C'est un film fait de morceaux, intéressant pris isolément, mais qui ne vaut pas la somme de ses parties.
Il y a un sentiment palpable qu'il manque quelque chose dans la relation entre Elio et Olga, qui devrait être la colonne vertébrale émotionnelle du film. Si Zoe Saldaña apporte son professionnalisme à son interprétation, le scénario ne lui donne que peu de profondeur à explorer. On nous dit qu'elle a renoncé à son rêve de devenir astronaute pour élever Elio, mais le film ne s'attarde jamais assez longtemps sur leurs interactions pour que ce sacrifice ait un impact. Son rôle est finalement réduit à un simple élément scénaristique, son arc émotionnel étant précipité dans le dernier acte, où elle est intégrée de force dans le climax communiversel. Une intrigue secondaire mettant en scène un clone d'Elio vivant sa vie sur Terre ajoute une touche d'humour éphémère, mais peu de poids narratif, ce qui est emblématique de la structure dispersée du film. C'est un gag astucieux – faire jouer un clone mielleux et sympathique d'Elio qui tente d'agir « normalement » –, mais comme une grande partie du film, cela ressemble plus à un remplissage qu'à une véritable trame narrative. La présence du clone sur Terre relève davantage de la commodité que du développement du personnage, un raccourci scénaristique qui reflète les difficultés plus générales du film.
Visuellement, Elio n'est jamais ennuyeux. Le Communiverse éblouit par ses structures scintillantes et ses êtres bizarres, ses décors faisant écho aux paysages oniriques cosmiques de Soul et Inside Out. Pourtant, si la conception artistique impressionne, la narration est rarement à la hauteur de cette créativité. Les extraterrestres sont inventifs mais largement interchangeables au-delà de leurs excentricités, et les enjeux de la diplomatie interplanétaire semblent abstraits et injustifiés. Le film aborde les notions d'inclusion, d'identité et d'estime de soi, mais il s'arrête souvent avant de les explorer de manière significative. Une citation de Carl Sagan clôt le film, clin d'œil à la merveille cosmique et au besoin profond de l'être humain de ne pas se sentir seul. Et pourtant, l'ironie est qu'Elio donne l'impression d'être un film profondément seul dans son intention, un film qui ne sait pas à quel public il s'adresse, oscillant entre l'évasion enfantine et la sentimentalité adulte, sans satisfaire pleinement ni l'un ni l'autre.
L'histoire mouvementée de la production, initialement dirigée par Adrian Molina, puis restructurée sous la houlette de Domee Shi et Madeline Sharafian à la suite de bouleversements internes chez Pixar, semble expliquer le manque d'uniformité du ton du film. La perte des éléments plus culturels et personnels du concept original d'Adrian Molina se ressent dans le cadre générique du film et dans l'émotion diluée. La chaleur et la richesse qui caractérisaient Coco sont absentes ici, remplacées par des traits généraux et un récit qui semble plus artificiel qu'inspiré. Il est révélateur que Elio semble plus intéressé par imiter les succès passés de Pixar que par trouver sa propre voix. On retrouve des échos de Finding Nemo, Luca et Turning Red, mais sans la même conviction. Le personnage le plus mémorable du film, Glordon, semble appartenir à une version meilleure et plus cohérente de l'histoire, où son lien avec Elio aurait eu le temps et la profondeur nécessaires pour s'épanouir.
À la fin d'Elio, avec ses résolutions bien ficelées, ses réconciliations émotionnelles et son vague sentiment de conclusion, il est difficile de ne pas se sentir un peu vide. Le film fait tout ce qu'il est censé faire : il offre des univers colorés, quelques rires et un message rassurant sur la recherche de sa place. Mais il donne rarement l'impression de croire en lui-même. Pour un film qui vise à dire aux marginaux qu'ils ne sont pas seuls, Elio semble paradoxalement avoir peur de se démarquer, s'appuyant lourdement sur des métaphores plutôt que d'affronter ses thèmes de front. Il y a une frustration sous-jacente à regarder quelque chose qui a tous les ingrédients pour être génial, mais qui se contente de la médiocrité. C'est comme si on vous donnait un télescope et qu'on ne vous laissait regarder que par le mauvais bout.
Elio nous a déçu car il représente un potentiel manqué. C'est un film plein de bonnes intentions et de plaisirs visuels, gâché par un scénario trop prudent, des personnages qui manquent de profondeur et un univers qui, malgré ses couleurs et sa créativité, ne semble jamais vraiment vivant. La force de Pixar a toujours été de raconter des histoires spécifiques et émouvantes qui transcendent leur médium. Ici, ils proposent une histoire qui veut relier les étoiles, mais qui ne parvient qu'à tourner en rond.
Elio
Réalisé par Madeline Sharafian, Domee Shi, Adrian Molina
Écrit par Julia Cho, Mark Hammer, Mike Jones
Produit par Mary Alice Drumm
Avec Yonas Kibreab, Zoe Saldaña, Remy Edgerly, Brad Garrett, Jameela Jamil, Shirley Henderson
Directeur de la photographie : Derek Williams, Jordan Rempel
Montage : Anna Wolitzky, Steve Bloom
Musique : Rob Simonsen
Société de production : Pixar Animation Studios
Distribué par Walt Disney Studios Motion Pictures
Dates de sortie : 10 juin 2025 (El Capitan Theatre), 18 juin 2025 (France), 20 juin 2025 (États-Unis)
Durée : 98 minutes
Vu le 19 juin 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 16 place A18
Note de Mulder: