Vacances forcées

Vacances forcées
Titre original:Vacances forcées
Réalisateur:François Prévôt-Leygonie, Stéphan Archinard
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:11 juin 2025
Note:
Suite à une erreur de réservation, deux familles que tout oppose, accompagnées d'un éditeur un peu snob et de l'influenceur qu'il souhaite publier, se retrouvent contraintes de partager une magnifique maison de vacances. Le choc des cultures est immédiat, avec des habitudes incompatibles et des personnalités bien trempées. Cependant, malgré les tensions et les malentendus, ces vacances forcées prennent une tournure inattendue et se révèlent être une aventure pleine de surprises et de rires.

Critique de Mulder

Il est des films dont l’intitulé pourrait laisser penser à une simple comédie de vacances, pleine de gags attendus et de personnages caricaturaux. Vacances forcées, signé par le duo complice François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard, s’inscrit pourtant bien au-delà de cette première impression. Adaptation française du film italien Odio l’estate, cette comédie chorale prend pour point de départ une situation que n’importe quel vacancier redouterait : une erreur de réservation qui pousse trois familles, radicalement différentes, à cohabiter dans une même villa paradisiaque sur la côte atlantique. Ce qui s’annonçait comme une suite de conflits et de malentendus va peu à peu révéler un récit profondément humain, délicieusement nuancé, aussi drôle qu’émouvant. En digne production estivale, Vacances forcées ne se contente pas de faire rire. Il nous rassemble.

Dès les premières minutes, les réalisateurs installent les personnages avec une efficacité redoutable : un père cheminot au grand cœur, fan de Gérard Lenorman, joué par un Clovis Cornillac, une épouse naturelle et bienveillante (Aure Atika), un couple bourgeois en crise, incarné par Bertrand Usclat et Pauline Clément, dont les échanges respirent l’irritation feutrée et la tension sociale, et un éditeur imbu de lui-même (Laurent Stocker), contraint de supporter une influenceuse déterminée et attachante (Claïna Clavaron), qu’il cherche à publier. On pourrait croire à une galerie de clichés. Mais très vite, les cinéastes jouent une autre carte : celle de l’érosion progressive des archétypes, au profit de la tendresse, de la transformation, et d’un regard sincère sur nos travers contemporains. Et c’est peut-être là que réside le cœur vibrant de cette comédie : dans sa capacité à faire évoluer ses personnages sans jamais les trahir.

À la manière d’un metteur en scène de théâtre, Archinard et Prévôt-Leygonie laissent à leurs acteurs une grande liberté d’appropriation. Sur le plateau, Clovis Cornillac n’hésitait pas à rester dans son personnage entre les prises, lançant avec humour des piques improvisées à ses partenaires, instaurant une atmosphère complice et stimulante. Pauline Clément, quant à elle, évoquait une expérience de tournage comme une troupe, où chaque comédien laissait de l’espace à l’autre. Ce climat de confiance et de créativité infuse littéralement l’écran. Le film, tout en fluidité, semble se dérouler avec la spontanéité d’une conversation entre amis, même si son écriture est en réalité très maîtrisée. C’est là toute la finesse de cette réalisation : rendre naturel ce qui, dans d’autres mains, aurait pu paraître mécanique.

Visuellement, Vacances forcées s’appuie sur le talent du chef opérateur Thierry Pouget pour sublimer la villa de rêve qui devient, le temps d’un été, le théâtre d’un joyeux chaos. Chaque plan baigne dans une lumière dorée, presque nostalgique, qui accentue la transformation des personnages autant que l’apaisement progressif des tensions. La musique de Matthieu Gonet, tout en douceur, vient souligner ces moments de grâce, jusqu’à culminer dans un final porté par La balade des gens heureux, comme un clin d’œil assumé à l’hymne populaire d’une époque plus insouciante, mais aussi comme un rappel que le bonheur naît souvent de la rencontre avec l’autre.

Ce qui impressionne réellement dans Vacances forcées, c’est aussi son refus du cynisme. Même les personnages les plus irritants, comme l’éditeur manipulateur ou l’adolescent pédant (Lucas Ponton, très juste dans son rôle de petit génie insupportable), bénéficient d’arcs de rédemption touchants. Le film n’excuse pas les comportements, il les éclaire. Il montre que l’on peut désamorcer les conflits non pas en les évitant, mais en les habitant avec patience et curiosité. Et dans cette maison Rêve d’été  qui semblait au départ incarner le malentendu et l’inconfort, naît peu à peu un espace de liberté, de lâcher-prise, où les identités se frottent, s’entrechoquent et finissent par s’enrichir mutuellement.

Le choc des générations et des cultures numériques, thématique souvent caricaturée au cinéma, est ici traité avec une finesse inattendue. Claïna Clavaron, dans son premier rôle au cinéma, incarne une influenceuse bien loin des stéréotypes : lucide, directe, mais surtout pleine de profondeur. Sa confrontation avec le personnage incarné par Laurent Stocker débouche sur une relation évolutive, parfois drôle, souvent tendre. Loin d’un conflit stérile entre ancien monde et nouvelle génération, Vacances forcées opte pour une forme d’écoute, de pédagogie mutuelle. Le rire naît alors moins du jugement que de la maladresse sincère, des décalages involontaires qui nous renvoient à nos propres difficultés d’adaptation.

Il y a dans ce film une foi rare dans la capacité de l’individu à changer, à évoluer au contact des autres. À une époque où les comédies se contentent souvent de reproduire des formules efficaces ou de flatter les antagonismes sociaux, Vacances forcées prend le pari de l’élévation. Il nous montre que derrière les identités sociales figées – le cadre, l’ouvrier, l’influenceuse, l’intello – il y a toujours un être humain en attente de reconnaissance, de répit, de partage. Et c’est précisément dans cette reconnaissance que naît l’humour du film : celui qui rit avec, jamais contre.

Distribué par Sony Pictures Releasing France, produit avec soin par WY Productions, le film a bénéficié d’un accompagnement solide, et cela se ressent à chaque plan. Rien n’est laissé au hasard, mais tout semble porté par un souffle de liberté. Vacances forcées réussit à incarner ce qu’il raconte : une comédie collective, généreuse, traversée par des moments de sincérité pure qui nous laissent avec le sourire et le cœur un peu plus léger. Un film qui, à l’image de ses personnages, nous invite à poser nos valises, à faire tomber nos barrières, et à vivre – même l’espace d’un été – au rythme des autres.

A la fin du film, difficile de ne pas avoir en tête ce refrain un peu désuet, devenu soudain terriblement actuel : "c’est la balade, la balade des gens heureux…". Oui, Vacances forcées est bien cette balade-là. Celle qui, sous couvert de comédie légère, nous rappelle à notre capacité de lien, d’écoute, de transformation. Une comédie comme on les aime: humaine, tendre, intelligente. Un vrai bol d’air dans la production comique française. A voir et revoir, on a été totalement conquis par cette comédien dramatique qui nous montre une fois de plus que Clovis Cornillac est bien l’un des meilleurs comédiens français actuels. 

Vacances forcées
Réalisé par François Prévôt-Leygonie, Stéphan Archinard
Produit par Wassim Béji
Écrit par François Prévôt-Leygonie, Stéphan Archinard, Martin Darondeau
Avec Clovis Cornillac, Laurent Stocker, Bertrand Usclat, Aure Atika, Pauline Clément, Claïna Clavaron, Lucas Ponton, Thibault Bonenfant
Musique de Matthieu Gonet
Directeur de la photographie : Thierry Pouget
Montage : Hervé Schneid
Sociétés de production : WY Productions, Sony Pictures Entertainment
Distribué par Sony Pictures Releasing France (France)
Date de sortie : 11 juin 2025 (France)
Durée : 100 minutes

Vu le 07 juin 2025 (Screener presse)

Note de Mulder: