De l'univers de John Wick : Ballerina

De l'univers de John Wick : Ballerina
Titre original:From the World of John Wick: Ballerina
Réalisateur:Len Wiseman
Sortie:Cinéma
Durée:125 minutes
Date:04 juin 2025
Note:
Se déroulant pendant John Wick : Parabellum, Ballerina suit la vengeance implacable d'Eve Macarro la nouvelle tueuse de l’organisation Ruska Roma.

Critique de Mulder

Il y a quelque chose d’exaltant à voir un univers cinématographique tenter de s'étendre tout en conservant son ADN intact. De l’univers de John Wick : Ballerina, le spin-off tant attendu de la saga John Wick, arrive enfin sau cinéma après de nombreuses réécritures et de remaniements en coulisses. Malgré quelques imperfections structurelles et le poids inévitable des attentes, ce qui ressort de ce ballet explosif de balles et de vengeance est bien plus captivant qu'une simple note en marge d'une franchise bien-aimée. Réalisé par Len Wiseman, recalibré sous l'œil vigilant de l'architecte de la franchise Chad Stahelski, et porté avec un engagement viscéral par la sublime comédienne Ana de Armas fascinante, De l’univers de John Wick : Ballerina rend non seulement hommage au mythe John Wick, mais ose également y introduire une nouvelle texture émotionnelle, ancrée dans la rage, le chagrin et la résilience féminines. Le résultat est un film d'action généreux, ambitieux et visuellement réussi qui insuffle une nouvelle vie à cet univers cinématographique souterrain.

Se déroulant entre les événements de John Wick : Chapitre 3 – Parabellum et Chapitre 4, De l’univers de John Wick : Ballerina nous présente Eve Macarro, un personnage brièvement aperçu dans Parabellum, mais qui prend ici toute son ampleur en tant que force de la nature. Les origines d'Eve sont tragiques : enfant, elle a été témoin de l'assassinat de son père par un groupe clandestin dirigé par l'énigmatique Chancelier (joué avec un détachement glacial par Gabriel Byrne). Prise sous l'aile des Ruska Roma et entraînée par l'austère et intransigeante Directrice (jouée à la perfection par Anjelica Huston), Eve devient une tueuse redoutable, alliant élégance et brutalité. La métaphore du ballet n'est jamais loin : chaque mouvement est calculé, chaque mort exécutée avec l'aisance d'une danseuse qui a répété mille fois avant de monter sur scène. Ce qui rend De l’univers de John Wick : Ballerina particulièrement captivant, c'est qu'il résiste à la tentation de simplement cloner John Wick. Au contraire, le film façonne Eve comme un miroir : blessée, déterminée, mais beaucoup moins invincible. Là où Wick évoluait comme un mythe, Eve se bat comme une femme faite de douleur et d'os, apprenant au fur et à mesure, endurant, s'adaptant, évoluant.

Ana de Armas est, sans exagération, l'âme de De l’univers de John Wick : Ballerina. Sa performance est un mélange étonnant de physicalité et d'introspection, une dualité rarement atteinte dans les films d'action grand public. Son Eve est vulnérable, brûlante de rage, mais jamais réduite à un archétype vengeur. Ana De Armas lui insuffle des nuances : le regard hanté, les moments de doute, le chagrin silencieux qui éclate en une fureur violente et gracieuse. Ayant apparemment réalisé la plupart de ses cascades, y compris des séquences complexes impliquant un lance-flammes, elle apporte à son rôle une authenticité impossible à feindre. Une scène en particulier, une bagarre explosive dans un couloir avec une porte piégée et des grenades, ne se contente pas de divertir, elle étonne par la façon dont elle met en valeur à la fois le développement du personnage et la prouesse technique. Si John Wick était un fantôme errant dans le monde qu'il a connu, Eve est une flamme qui embrase tout autour d'elle. De l’univers de John Wick : Ballerina offre à Ana de Armas la toile qu'elle mérite, et elle la peint avec sang et élégance.

Visuellement, le film est une réssite indéniable. La photographie de Romain Lacourbas est parmi les meilleures de la saga cinématographique John Wick, avec des ombres profondes, des compositions d'une précision chirurgicale et des éclats de néon qui donnent une impression d'opéra sans tomber dans l'autoparodie. Des intérieurs baroques des installations d'entraînement des Ruska Roma aux rues hantées de Hallstatt, chaque lieu semble être le théâtre d'une violence soigneusement chorégraphiée. L'action est implacable, mais jamais monotone. L'intervention tardive de Chad Stahelski est clairement perceptible, en particulier dans quelques séquences prolongées tournées en une seule prise qui élèvent le film bien au-delà du film d'action classique. Wiseman, souvent critiqué pour la platitude de ses précédents films, trouve ici un rythme plus clair et un sens des proportions plus réaliste. L'action n'est pas seulement là pour impressionner le public, elle sert les personnages, l'ambiance et la résonance thématique. Tous les combats ne sont pas destinés à rester gravés dans les mémoires, mais s'accumulent pour prendre de l'importance, comme les pas d'une danse vers la rédemption.

Le récit, bien que simple dans sa structure – une histoire de vengeance poursuivie dans un paysage d'une beauté sombre –, est ponctué de moments émotionnels qui donnent au film une plus grande résonance. Les rencontres d'Eve avec Winston (le toujours aussi habile Ian McShane) et Charon (le regretté Lance Reddick, dans une dernière apparition poignante) ne servent pas seulement à assurer la continuité. Elles contribuent à définir la topographie émotionnelle du monde, en ancrant le mythe dans la loyauté, la trahison et l'héritage. L'inclusion de John Wick, incarné par Keanu Reeves, est traitée avec subtilité et retenue. Plutôt que d'éclipser la nouvelle protagoniste, sa présence s'intègre naturellement dans l'histoire. Il n'est pas là pour voler la vedette, mais pour refléter ce que Eve est en train de devenir. Il y a un moment particulièrement chargé entre eux qui fonctionne moins comme un clin d'œil aux fans que comme un passage de flambeau, une scène imprégnée de reconnaissance mutuelle et de compréhension silencieuse.

La musique du film, composée par Tyler Bates et Joel J. Richard, est un autre point fort. La bande originale mêle des cordes lyriques à des rythmes industriels, en parfaite harmonie avec les oscillations tonales du film entre grâce et destruction. Le morceau original « Hand That Feeds » de Halsey et Amy Lee, dévoilé avant la sortie du film, résume l'essence émotionnelle de De l’univers de John Wick : Ballerina : mélancolique, brute et féroce. C'est une bande-son qui sublime chaque scène, imprégnant même les moments les plus calmes de tension et de pathos. On retiendra aussi l’excellente chanson Hand That Feeds de Halsey et Amy Lee (on, vous conseille d’aller voir l’excellent vidéoclip illustrant celle-ci).

L'aspect le plus impressionnant de De l’univers de John Wick : Ballerina réside peut-être dans la façon dont il élargit l'univers de John Wick sans le diluer. Trop souvent, les spin-offs et les préquelles ressemblent davantage à des exercices de marque qu'à des nécessités narratives. Ici, l'expansion est réfléchie. Le film soulève de nouvelles questions sur les Ruska Roma, sur les intrigues politiques invisibles entre les guildes d'assassins et sur le rôle des femmes dans cet écosystème hypermasculin. Le personnage mystérieux de Norman Reedus, dont les motivations restent délicieusement floues, promet des développements fascinants pour les prochains opus, et la fin ouverte laisse juste assez d'ambiguïté pour alimenter les spéculations tout en clôturant le récit. On imagine déjà un nouvel arc narratif centré sur Eve, un personnage suffisamment charismatique et complexe pour porter à elle seule une franchise.

 Bien sûr, De l’univers de John Wick : Ballerina n'est pas parfait. Le premier acte souffre de quelques problèmes de rythme, et certains personnages secondaires semblent sous-écrits, réduits à des archétypes dans un monde qui se nourrit habituellement de personnages complexes. Mais ces défauts ne gâchent en rien l'expérience. Ils sont compensés par le rythme effréné du film, sa maîtrise esthétique et sa volonté d'imprégner la brutalité d'émotion. La principale force du film réside dans son ton : De l’univers de John Wick : Ballerina sait exactement quel genre de film il veut être. Il ne cherche pas à imiter John Wick à la lettre, mais l'élargit, le réfracte et parfois le remet en question. C'est à la fois un hommage et une évolution, un requiem et une renaissance.

Au final, De l’univers de John Wick : Ballerina s'impose comme une réinvention marquante. Ce qui n'était au départ qu'une note de bas de page dans Parabellum devient aujourd'hui un chapitre à part entière, avec sa propre voix, son propre rythme et sa propre héroïne. Ana de Armas livre une performance qui restera sans doute dans les mémoires comme un tournant dans sa carrière. Et le film lui-même, malgré les retards, les reprises et les coulisses dramatiques, atterrit avec une grâce et une force surprenantes. C'est l'un de ces rares spin-offs qui non seulement justifie son existence, mais suggère aussi une toute nouvelle mythologie qui ne demande qu'à être écrite. Dans un univers cinématographique construit sur les balles et le ballet, De l’univers de John Wick : Ballerina est la pirouette qui transperce le bruit.

De l’univers de John Wick : Ballerina (Ballerina)
Réalisé par Len Wiseman
Écrit par Shay Hatten
D'après les personnages créés par Derek Kolstad
Produit par Basil Iwanyk, Erica Lee, Chad Stahelski
Avec Ana de Armas, Anjelica Huston, Gabriel Byrne, Lance Reddick, Norman Reedus, Ian McShane, Keanu Reeves
Directeur de la photographie : Romain Lacourbas
Montage : Jason Ballantine
Musique : Tyler Bates, Joel J. Richard
Sociétés de production : Summit Entertainment, Thunder Road Films, 87North Productions
Distribué par Lionsgate
Date de sortie : 4 juin 2025 (France),  6 juin 2025 (États-Unis)
Durée : 125 minutes

Vu le 28 mai 2025 au Grand Rex 

Note de Mulder:

Critique de Sabine

Février 2024, la date de sortie du film Ballerina est reportée. De nouvelles scènes d'action sont  tournées par Len Wiseman, sous la supervision de Chad Stahelski, le réalisateur originel de la saga John Wick et co-producteur de Ballerina. Les fans et les critiques craignent le pire. Que ces craintes soient dissipées, Ballerina est digne de la franchise John Wick, avec Ana de Armas crédible en héroïne de film d'action. Critique garantie sans spoiler.
L'histoire de Ballerina se déroule entre le troisième et quatrième film de la saga John Wick. Ana de Armas joue le rôle d'Eve Maccaro, une danseuse de ballet, initiée à la tradition de tueurs à gages de la Ruska Roma. Elle décide de partir se venger du clan qui a tué son père. C'est donc comme pour le premier John Wick, l'histoire d'une vengeance, quelqu'en soit le prix à payer.

Le scénario de Shay Hatten intègre habilement ce récit dans l'univers de la saga et son monde souterrain de tueurs, tout en s'inspirant du film Gloria de John Cassavetes. Anjelica Huston reprend son rôle de directrice de l'école de danse très spéciale de la Ruska Roma. Ian McShane, celui de Winston Scott, le directeur de l'hôtel de New-York. Ce fut un moment d'émotion de revoir Lance Reddick dans le rôle de Sharon, le concierge. Ce comédien a interprété ces scènes durant l'hiver 2022, avant de décéder brutalement en Mars 2023, soit une semaine avant la sortie de John Wick 4. Keanu Reeves est de retour. Le Baba Yaga est toujours aussi cool et en forme. Les nouveaux venus, tous talentueux, s'intègrent parfaitement à ce casting solide. Gabriel Byrne excelle en chef de clan mafieux, ainsi que Norman Reedus en tueur à gage. Dans le James Bond, Mourir peut attendre, Ana de Armas avait déjà montré un talent pour l'action. Dans Ballerina, elle interprète avec intensité ce personnage de tueuse, vengeresse acharnée, qui se bat avec ses armes. Elle est pratiquement de toutes les scènes. Elle combine le charme et la détermination, apportant de l'émotion dans ce monde sanguinaire. 

Depuis ces dix dernières années, le réalisateur Len Wiseman (Underworld, Die Hard 4) a plutôt produit des séries et réalisé leur pilote. Il revient au cinéma en intégrant les codes de la saga. Mais la direction de Chad Stahelski, et le travail de son équipe de cascadeurs 87Eleven se ressentent dans toutes les scènes d'action. Cet ancien cascadeur, devenu réalisateur, et son équipe réussissent à se renouveler avec des scènes de cascades formidablement chorégraphiées, utilisant des armes inédites. Après ce film, vous ne verrez plus les patins à glace de la même manière. Fidèle à ses équipes, Chad Stahelski a donné un petit rôle au cascadeur français Vincent Bouillon, qui fut la doublure de Keanu Reeves dans John Wick 4. 

L'action du film se situe dans les paysages enneigés de l'Europe de l'Est. L'esthétique du film est toujours aussi soignée, avec cette lumière froide, toujours empreinte de rouge et bleu. Le directeur de la photographie est d'ailleurs un français: Romain Lacourbas. Les décors fourmillent de références à la saga et des hommages. Un indice, Chad Stahelski adore Buster Keaton. 

En conclusion, Ballerina ravira les amateurs de films d'action et nul doute que ce film sera suivi d'une suite.

De l'univers de John Wick : Ballerina (From the World of John Wick: Ballerina)
Réalisé par Len Wiseman
Écrit par Shay Hatten
D'après les personnages créés par Derek Kolstad
Produit par Basil Iwanyk, Erica Lee, Chad Stahelski
Avec Ana de Armas, Anjelica Huston, Gabriel Byrne, Lance Reddick, Norman Reedus, Ian McShane, Keanu Reeves
Directeur de la photographie : Romain Lacourbas
Montage : Jason Ballantine / Nicholas Lundgren
Musique : Tyler Bates, Joel J. Richard
Sociétés de production : Summit Entertainment, Thunder Road Films, 87North Productions
Distribué par Lionsgate
Date de sortie : 4 juin 2025 (France),  6 juin 2025 (États-Unis)
Durée : 125 minutes

Vu le 21 mai 2025 chez Metropolitan FilmExport

Note de Sabine: