Freud, la dernière confession

Freud, la dernière confession
Titre original:Freud's Last Session
Réalisateur:Matthew Brown
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:04 juin 2025
Note:
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Sigmund Freud s'est réfugié à Londres, en compagnie de sa fille Anna. Sous l'effet de l'âge et de la maladie, la star mondiale de la psychanalyse s'est changée en un vieillard aigri et capricieux. Mais la curiosité du professeur est piquée au vif lorsqu'un certain C.S Lewis, romancier et chrétien revendiqué, le mentionne dans l'une de ses publications. Leur rencontre autour de la question de Dieu va tourner au duel...

Critique de Mulder

Freud, la dernière confession tente d'allier profondeur intellectuelle et attrait cinématographique, une tâche intimidante compte tenu de ses origines théâtrales et du poids philosophique de ses personnages principaux. Réalisé par Matthew Brown et coécrit avec Mark St. Germain, le film imagine une rencontre fictive entre deux figures emblématiques du XXe siècle : le psychanalyste Sigmund Freud (Anthony Hopkins) et l'auteur C.S. Lewis (Matthew Goode). Se déroulant à Londres à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, le film repose sur le choc entre la raison et la foi, mais malgré son concept ambitieux, il peine finalement à maintenir la vigueur intellectuelle que l'on pourrait attendre d'une rencontre aussi passionnante. Si le fondement du film est indéniablement intrigant, le résultat final manque de l'intensité nécessaire pour laisser une impression durable.

Dès le début, le film se positionne comme une bataille d'esprit entre Sigmund Freud, athée malade, et C.S. Lewis, chrétien converti. Le postulat est indéniablement fascinant : que se passerait-il si deux hommes aux idéologies diamétralement opposées s'asseyaient pour discuter des questions les plus profondes de l'existence ? Pourtant, malgré son riche potentiel, la structure du film dilue plutôt qu'elle n'intensifie la tension dramatique. La décision de Brown de sortir du cadre du bureau de Freud, en incorporant des flashbacks et des intrigues secondaires, donne lieu à un récit décousu et parfois confus. Ces digressions, bien que visuellement attrayantes, détournent l'attention du cœur de l'histoire : le dialogue intense et intime entre Sigmund Freud et C.S. Lewis. On ne peut s'empêcher de penser que la décision d'ouvrir la pièce, un piège courant dans les adaptations théâtrales, sacrifie l'engagement intellectuel soutenu qui aurait pu être la plus grande force du film. Malgré ces efforts pour ajouter des couches narratives, le résultat est plus dispersé que profond, laissant les spectateurs regretter la précision de la pièce originale.

L'un des aspects les plus fascinants du film est sans aucun doute l'interprétation de Sigmund Freud par Anthony Hopkins. À 86 ans, celui-ci apporte une vitalité remarquable au rôle, équilibrant le scepticisme caustique de Sigmund Freud avec des éclairs de vulnérabilité. Il y a une honnêteté brute dans son jeu, en particulier dans les moments où Freud, atteint d'un cancer de la bouche, est confronté à sa propre mortalité. La maîtrise de Hopkins réside dans sa capacité à transmettre la complexité d'un homme à la fois farouchement intellectuel et profondément humain, et ses scènes crépitent d'une tension subtile mais palpable. Face à lui, Matthew Goode incarne un C.S. Lewis plus réservé, dont la contemplation silencieuse est souvent éclipsée par le caractère théâtral de Freud. Si Matthew Goode livre une performance compétente, son C.S. Lewis manque de la conviction ardente que l'on pourrait attendre d'un homme qui a trouvé la foi après une vie de doutes. Ce déséquilibre entre les protagonistes nuit à la dynamique du film, qui ressemble davantage à une conférence qu'à un débat. Bien que les deux acteurs livrent des performances solides, l'alchimie entre eux reste quelque peu tiède, ne parvenant pas à déclencher les étincelles intellectuelles que le scénario promet.

Mais là où Freud, la dernière confession pèche le plus, c'est dans sa tentative d'intégrer des histoires personnelles dans le dialogue philosophique. Les flashbacks sur le traumatisme de C.S. Lewis pendant la guerre et les difficultés de l'enfance de Sigmund Freud sont riches en images, mais pauvres en émotions. Ces moments, bien qu'ils apportent un contexte, semblent détourner l'attention du duel intellectuel central. Plus déroutante encore est l'intrigue secondaire impliquant la fille de Sigmund Freud, Anna (Liv Lisa Fries), dont les luttes personnelles avec sa sexualité et sa relation complexe avec son père ne sont que partiellement explorées. Ces éléments, bien qu'intrigants, sont trop fragmentés pour trouver un écho, et leur inclusion semble davantage relever d'une obligation narrative que d'un enrichissement délibéré de l'histoire. Le film semble hésiter entre l'envie d'élargir l'univers de ses personnages et celle de rester fidèle à l'intimité de son débat central, sans parvenir à convaincre pleinement sur aucun des deux plans.

Malgré ses problèmes structurels, le film comporte des moments d'une brillance indéniable. Une scène en particulier, où Sigmund Freud s'insurge contre le concept du plan divin face à la souffrance humaine, est à la fois poignante et provocante. Hopkins imprègne ce moment d'une ironie cinglante qui continue de résonner longtemps après la fin de la scène. De même, la juxtaposition du débat philosophique et de la menace extérieure de la guerre constitue une métaphore puissante du conflit entre la croyance et la raison. Cependant, ces moments sont éphémères, éclipsés par la tendance du film à s'égarer dans des digressions biographiques et des intrigues secondaires. C'est dans ces moments de confrontation directe entre Sigmund Freud et C.S. Lewis que le film trouve sa voix, pour la perdre à nouveau lorsqu'il est détourné par des fils narratifs moins convaincants.

Visuellement, le film est une réussite. La photographie de Ben Smithard capture la beauté sombre du bureau de Freud, avec son bureau encombré et son fauteuil en cuir usé, juxtaposé au paysage londonien tentaculaire et inquiétant. La conception artistique est également méticuleuse, plongeant le spectateur dans l'atmosphère tendue de l'Angleterre d'avant-guerre. Cependant, cette réussite esthétique ne compense que partiellement les lacunes narratives du film. La musique de Coby Brown souligne subtilement l'atmosphère contemplative du film, ajoutant de la profondeur à des scènes qui pourraient autrement sembler statiques. L'élégance visuelle et sonore du film ne parvient toutefois pas à masquer le rythme inégal et le flou thématique occasionnel qui nuisent à son impact potentiel.

Au final, Freud, la dernière confession est un film aux intentions contradictoires. Il veut être à la fois un traité philosophique et une étude de personnages, mais en essayant de concilier les deux, il perd de sa précision. Si la performance de Hopkins vaut à elle seule le détour, la réticence du film à s'engager pleinement dans son propos le rend inégal. Au lieu des joutes intellectuelles électrisantes auxquelles on pourrait s'attendre, le public se retrouve face à une série d'échanges réfléchis mais décevants. Au final, l'ambition du film d'étendre l'intimité de la pièce à une expérience cinématographique aboutit à un récit dilué qui ne trouve jamais vraiment ses marques. En tant que réflexion sur la foi, la raison et la mortalité, il offre des moments de perspicacité, mais manque de l'intensité soutenue qui aurait pu le rendre vraiment mémorable.

Freud, la dernière confession (Freud's Last Session)
Réalisé par Matthew Brown
Écrit par Mark St. Germain, Matthew Brown
D'après Freud, la dernière confession de Mark St. Germain
Produit par Alan Greisman, Rick Nicita, Meg Thomson, Hannah Leader, Tristan Orpen Lynch, Robert Stillman, Matthew Brown
Avec Anthony Hopkins, Matthew Goode, Liv Lisa Fries, Jodi Balfour, Jeremy Northam, Orla Brady
Directeur de la photographie : Ben Smithard
Montage : Paul Tothill
Musique : Coby Brown
Sociétés de production : Fís Éireann / Screen Ireland, Last Session Productions, Subotica Productions, 14 Sunset
Distribué par Sony Pictures Classics (certains territoires), Vertigo Releasing[1] (Royaume-Uni et Irlande)
Dates de sortie : 27 octobre 2023 (AFI), 22 décembre 2023 (États-Unis), 4 juin 2025 (France)
Durée : 110 minutes

Vu le 3 mai 2025 (VOD) (Prime Video)

Note de Mulder:

Critique de Cookie

Une pièce, un bureau au décor suranné défile sous nos yeux, encombré de statuettes, de livres et un divan, nous voici quelque part à Londres le 3 septembre 1939, 2 jours après l’invasion de la Pologne par les troupes d’Hitler. Nous sommes dans l’appartement du Professeur Freud qui est en compagnie de sa fille Anna Freud, doit recevoir un universitaire d’Oxford, C.S. Lewis, Anna s’inquiète beaucoup de cette visite pour son père fatigué et diminué avec l’âge. 

La rencontre entre ces deux hommes aux parcours diamétralement opposés promet d’être conflictuelle, ou du moins assez animée. Le professeur Freud est pressé et ne tient pas trop à perdre son temps avec son interlocuteur, il est âgé, miné par la maladie, Lewis plus posé sait qu’il faut s’armer de patience pour entamer le dialogue. Ce film nous permet de suivre pas à pas cette conversation intime, le professeur Freud avec son arrogance mène les discussions.

Leur débat s’articule principalement autour du roman de John Bunyan le voyage du pèlerin que tous les deux ont parcouru, c’est dans ce but que C.S. Lewis rend visite au professeur Freud pour s’entretenir de la foi chrétienne. Ouvrage qui interpelle le professeur un athée convaincu, contrairement à Lewis récemment converti qui s’éloigne de l’athéisme. Freud fervent incroyant, est paradoxalement obsédé par les mythes, les cultes, comme d’ailleurs le montre son intérieur rempli de statuettes de dieux. Chacun distille les mots qui fâchent parfois, mais qui font mouche. Freud malade doit parfois arrêter leur conversation.  Ces deux êtres si différents vont au fil du temps apprendre à s’écouter et s’apprécier, conscients de tenir en leurs mains une parcelle de vérité. Leur rencontre à tous les deux est en quelque sorte un long cheminement spirituel, le doute de tout être humain. Ils évoluent dans un mutuel respect dans ce partage intellectuel et ésotérique.

Cette conversation pourrait sembler longue, monotone, austère puisque la majeure partie du film se déroule dans une même pièce, dans un temps donné mais le réalisateur Matt Brown a su parsemer sa mise en scène, de nombreux flash-back qui permettent de s’évader du bureau et de mieux appréhender et suivre le parcours des deux personnages, ces retours en arrière sont à bon escient et égayent ce film dramatique..

Anthony Hopkins dans son costume de Freud vieillissant nous captive par sa pugnacité, sa verve poussées à l’excès dans ses paroles, force est de l’imaginer au crépuscule de sa vie encore prêt à tous les combats. Son invité C.S. Lewis interprété avec justesse par Matthew Goode est à l’opposé plus serein dans ses certitudes, plus patient capable de capter les instants d’émotion du professeur, mais aussi intimidé par le psychanalyste. L’élément féminin important dans ce long métrage Anna Freud, jouée avec ferveur par Liv Lisa Fries est puissante de sincérité, d’amour filial envers son père, de dévotion et d’abnégation.

Certes cette rencontre imaginée entre les deux hommes par le réalisateur est fortuite mais reste tout à fait plausible, on aime à y croire, entrer dans leur univers mystérieux, voir jusqu’où peut aller leur quête de Dieu ou de non Dieu. La durée du film de 110 minutes est confortable, les retours en arrière essentiels permettent de quitter l’instant présent, de voyager dans leur passé mais aussi de pouvoir se reposer des moments de tension et d’intensité de l’entretien. C’est un film dramatique rempli d’émotion, de force et qui donne une certaine envie de se plonger dans les écrits de Freud et de Lewis.  

Freud, la dernière confession (Freud's Last Session)
Réalisé par Matthew Brown
Écrit par Mark St. Germain, Matthew Brown
D'après Freud's Last Session de Mark St. Germain
Produit par Alan Greisman, Rick Nicita, Meg Thomson, Hannah Leader, Tristan Orpen Lynch, Robert Stillman, Matthew Brown
Avec Anthony Hopkins, Matthew Goode, Liv Lisa Fries, Jodi Balfour, Jeremy Northam, Orla Brady
Directeur de la photographie : Ben Smithard
Montage : Paul Tothill
Musique : Coby Brown
Sociétés de production : Fís Éireann / Screen Ireland, Last Session Productions, Subotica Productions, 14 Sunset
Distribué par Sony Pictures Classics (certains territoires), Vertigo Releasing[1] (Royaume-Uni et Irlande)
Dates de sortie : 27 octobre 2023 (AFI), 22 décembre 2023 (États-Unis), 4 juin 2025 (France)
Durée : 110 minutes

Vu le mercredi 7 mai 2025 Club Marbeuf

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