UFO Sweden

Dans un paysage cinématographique de plus en plus saturé de superproductions franchisées et de remakes à gros budget, il est rafraîchissant de voir un film comme UFO Sweden émerger de nulle part, apportant avec lui non seulement un sentiment d'émerveillement et de mystère, mais aussi une histoire sincère, ancrée à la fois dans la nostalgie et l'innovation. Réalisé par Victor Danell dans le cadre du collectif Crazy Pictures, ce film d'aventure et de science-fiction suédois (initialement sorti sous le titre UFO Sweden en 2022) est une bouffée d'air frais pour les amateurs du genre, mêlant à la perfection la curiosité enfantine des classiques de Spielberg et une sensibilité typiquement européenne. Le parcours du film aux États-Unis est en soi une histoire qui mérite d'être mentionnée, car il utilise une technologie de doublage de pointe basée sur l'IA appelée TrueSync, qui synchronise méticuleusement les mouvements des lèvres des acteurs avec les dialogues anglais nouvellement enregistrés. Si l'utilisation de l'IA au cinéma suscite un débat considérable, il est difficile de nier l'efficacité de cette technique dans ce cas précis : la plupart des spectateurs qui ne connaissent pas le film original ne se douteraient probablement pas qu'il s'agit d'un doublage. Cette innovation ne plaira peut-être pas aux puristes qui préfèrent les sous-titres, mais elle ouvre indéniablement la voie à un public plus large pour le cinéma international, ce qui est en soi une idée séduisante.

Au cœur de UFO Sweden se trouve le personnage de Denise, interprété avec un mélange impressionnant de vulnérabilité et de détermination par Inez Dahl Torhaug. L'histoire de Denise est marquée par la perte et le désir : une jeune fille abandonnée par son père dans des circonstances mystérieuses, devenue une adolescente rebelle qui a grandi dans des familles d'accueil, s'accrochant à la conviction inébranlable que son père a été enlevé par des forces extraterrestres. L'intrigue du film démarre lorsque la voiture de son père, que l'on croyait disparue avec lui, surgit soudainement à travers le toit d'une grange des années plus tard, diffusant Forever Young d'Alphaville sur son vieux lecteur de cassettes, comme si l'on était encore en 1988. Cet événement étrange relance la quête de réponses de Denise, qui la conduit à rejoindre UFO Sweden, un groupe hétéroclite de théoriciens du complot et de passionnés d'OVNI, chacun avec ses propres excentricités et convictions. Au début, les méthodes dépassées et le manque de direction claire du groupe semblent risibles, mais la passion de Denise ravive rapidement leur motivation collective, déclenchant une série d'événements qui remettent en question tout ce qu'ils pensent savoir sur les phénomènes extraterrestres.

Ce qui distingue vraiment UFO Sweden, c'est sa capacité à équilibrer des moments émouvants entre les personnages et des séquences d'action intenses et bien exécutées. Une scène marquante montre le groupe tentant de récupérer un ovni submergé au fond d'un lac à l'aide d'un dispositif magnétique de fortune. C'est un moment qui résume parfaitement le charme du film : un mélange d'ingéniosité populaire, d'anticipation tendue et de l'émerveillement brut de découvrir l'inconnu. Les effets spéciaux du film ont un côté pratique et concret qui rappelle l'époque pré-CGI, ajoutant un réalisme tactile qui rend ces moments encore plus captivants. Le réalisateur Victor Danell sait comment créer du suspense sans sacrifier le développement des personnages, en créant des scènes où les enjeux semblent véritablement personnels plutôt que purement cosmiques. Le cœur thématique du film réside dans la relation entre Denise et Lennart (Jesper Barkselius), un vieil ami de son père et ancien physicien dont l'implication dans l'enquête initiale lui a coûté sa carrière. Leur dynamique est complexe et fascinante, enracinée dans une perte commune et un optimisme prudent. Au fur et à mesure qu'ils s'enfoncent dans le mystère, il devient clair que leur quête vise autant à panser de vieilles blessures qu'à trouver des réponses.

L'un des aspects les plus fascinants de UFO Sweden est la manière dont il aborde les implications éthiques de l'utilisation de la technologie de l'IA, tant dans son récit que dans sa production. On peut peut voir l'utilisation de l'IA pour le doublage comme une pente glissante vers le compromis artistique, le film lui-même présente des arguments convaincants en faveur de l'accessibilité et de la préservation des performances originales. En conservant les voix des acteurs tout en ajustant leurs mouvements labiaux, le film parvient à créer un sentiment d'authenticité qui évite la dissonance souvent discordante typique du doublage traditionnel. Cette approche fait écho à la quête de vérité et de perception qui anime l'histoire : dans quelle mesure ce que nous voyons est-il façonné par notre volonté d'y croire ? Ce méta-récit ajoute une dimension inattendue qui invite les spectateurs à remettre en question leurs propres préjugés en matière d'authenticité et de narration.

Au fur et à mesure que l'intrigue se déroule, la frontière entre science-fiction et réalité s'estompe, en particulier lorsque Denise et l'équipe UFO Sweden découvrent un complot impliquant l'Institut suédois de météorologie et d'hydrologie (SMHI), qui semble dissimuler quelque chose de bien plus sinistre que de simples phénomènes météorologiques. L'histoire mêle habilement des éléments de mystère propres aux petites villes et de grands concepts de science-fiction, présentant un monde où la vie quotidienne et des phénomènes extraordinaires coexistent, souvent de manière inconfortable. La cinématographie reflète cette dichotomie, contrastant la lueur chaleureuse des relations humaines avec les teintes froides et stériles de l'enquête scientifique. Le parcours de Denise ne consiste pas seulement à découvrir la vérité sur son père, mais aussi à accepter le passé et à se forger une nouvelle identité dans l'incertitude.

UFO Sweden transcende les codes de son genre pour devenir une œuvre unique et émouvante. C'est un film qui ose poser la question de ce qu'il advient de ceux qui restent lorsque la quête de l'inconnu devient une obsession. Dans son dernier acte, le film livre un plaidoyer poignant en faveur du pouvoir de la communauté et des liens humains, suggérant que parfois, les réponses que nous cherchons importent moins que les relations que nous construisons en chemin. Le climax, émouvant et visuellement saisissant, laisse le public non seulement s'interroger sur la nature de la vie extraterrestre, mais aussi réfléchir à sa propre place dans l'univers.

Avec ses personnages captivants, son récit réfléchi et ses scènes visuellement réuissies, UFO Sweden se distingue comme une lettre d'amour à la science-fiction classique tout en se forgeant avec assurance sa propre identité. C'est un film qui reste longtemps dans l'esprit après le générique, nous rappelant l'attrait intemporel des histoires qui mêlent le fantastique et le profondément humain. À une époque dominée par les suites et les univers cinématographiques, ce joyau suédois ose se démarquer, prouvant que même dans l'immensité de la science-fiction, il y a toujours de la place pour le cœur et l'âme.

UFO Sweden
Réalisé par Victor Danell (sous le nom Crazy Pictures)
Produit par Crazy Pictures
Écrit par Jimmy Nivrén Olsson, Victor Danell (sous le nom de Crazy Pictures)
Avec Inez Dahl Torhaug, Jesper Barkselius, Sara Shirpey, Eva Melander, Håkan Ehn, Isabelle Kyed, Mathias Lithner, Niklas Kvarnbo Jönsson
Musique : Oskar Sollenberg, Gustaf Spetz
Directeur de la photographie : Hannes Krantz
Montage : Victor Danell (sous le nom de Crazy Pictures), Fredrik Morheden
Sociétés de production : Crazy Pictures, Film i Väst, SF Studios, Sveriges Television (SVT)
Distribué par Falling Forward Films (États-Unis), Wild Bunch (France)
Date de sortie : 24 mai 2023 (France), 9 mai 2025 (États-Unis)
Durée : 116 minutes

Vu le 4 mai 2025 (screener presse)

Note de Mulder: