Exterritorial

Exterritorial
Titre original:Exterritorial
Réalisateur:Christian Zübert
Sortie:Netflix
Durée:109 minutes
Date:30 avril 2025
Note:
Le fils d'un ancien soldat des forces spéciales disparaît lors d'une visite au consulat des États-Unis à Francfort.

Critique de Mulder

Dans Exterritorial, le réalisateur Christian Zübert livre un thriller haletant qui se déroule dans le cadre singulière et surréaliste du consulat américain en Allemagne, mais qui déborde d'une paranoïa, d'une tension cinétique et d'une instabilité émotionnelle dignes d'un véritable champ de bataille. Le film commence dans un calme trompeur : Sara (jouée avec une intensité remarquable par Jeanne Goursaud), une ancienne soldate des forces spéciales portant des cicatrices visibles de son passage en Afghanistan, arrive au consulat avec son jeune fils Josh (Rickson Guy da Silva) pour demander un visa. En quelques minutes, le réalisateur Christian Zübert introduit l'énigme centrale : Sara s'éloigne un instant, puis revient et constate que Josh a disparu. S'ensuit alors une descente tendue et délibérément désorientant dans un labyrinthe psychologique et physique, où les frontières entre réalité, traumatisme et manipulation s'estompent.

Dès les premières images, Exterritorial affiche clairement ses intentions : il ne s'agit pas seulement d'un thriller sur la disparition d'un enfant, mais d'une étude de personnages à plusieurs niveaux, habillée des atours du genre thriller d'action. Le syndrome de stress post-traumatique de Sara n'est pas un gadget narratif, mais un élément crucial qui contribue à façonner le regard peu fiable du film. Lorsque les images de vidéosurveillance semblent montrer qu'elle est arrivée seule, ce ne sont pas seulement les personnages à l'écran qui s'interrogent sur sa santé mentale ; nous, le public, sommes également contraints de naviguer dans cette réalité à ses côtés. Josh est-il le fruit de son traumatisme, ou quelque chose de plus sinistre est-il à l'œuvre ? Cette ambiguïté alimente les moments les plus suspensifs du film, donnant à chaque pièce, chaque couloir et chaque confrontation au sein du consulat l'impression d'être un piège.

Le réalisateur Christian Zübert exploite habilement le sentiment de claustrophobie du consulat, un espace traditionnellement associé à la sécurité et à la procédure, et le transforme en un antagoniste à part entière. L'architecture devient un labyrinthe oppressant de portes fermées, de bureaux éclairés par des néons et de salles d'attente stériles, où quelque chose semble toujours légèrement décalé. Tout comme le récit, l'environnement est impitoyable et stérile, et c'est dans ce microcosme étouffant que Sara passe du statut de mère anxieuse à celui de guerrière implacable. La décision de Christian Zübert d'ancrer une grande partie de l'action du film dans ces espaces confinés renforce l'enjeu et l'immédiateté, tout en soulignant la métaphore la plus marquante du film : Sara est piégée, non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement.

Les séquences d'action sont nettes, sans fioritures et intensément physiques, clairement chorégraphiées pour refléter l'entraînement militaire de Sara. Dans une scène particulièrement captivante, tournée en un long plan séquence qui rappelle Atomic Blonde, Sara affronte deux agresseurs dans un combat brutal et réaliste, où il s'agit autant de survie que d'instinct maternel. Il y a un désespoir presque primitif dans ses mouvements, et Goursaud le rend avec une conviction totale. Elle incarne Sara non pas comme une héroïne invincible, mais comme une personne animée par la peur et la détermination, qui se maintient à flot grâce à un mince fil émotionnel. C'est ce mélange de force et de fragilité qui ancrent le film. Et dans ces moments où Sara essuie le sang de son visage ou ramène ses cheveux en un chignon serré avant le combat, Exterritorial marque des points rares pour son réalisme dans le genre action.

Les seconds rôles soutiennent habilement l'histoire. Dougray Scott, souvent cantonné à des rôles moraux, incarne Erik Kynch avec une menace discrète. Il est calme, calculateur et cache clairement quelque chose, mais le film ne se précipite pas pour révéler quoi. Kayode Akinyemi ajoute du poids au personnage du sergent Donovan, même si son rôle aurait mérité d'être plus approfondi. Plus frustrant encore est le personnage d'Irina (Lera Abova), une intrigante nouvelle venue qui arrive au milieu de l'histoire en tant qu'alliée potentielle avec ses propres motivations complexes. Si Lera Abova apporte un charisme discret à l'écran, son arc narratif finit par s'essouffler, ne tenant jamais vraiment les promesses de son entrée mystérieuse.

S'il y a un défaut structurel dans Exterritorial, c'est dans son dernier acte. Après une heure d'escalade constante – montage serré, échanges laconiques et mouvement quasi constant –, Christian Zübert change de vitesse et commence à trop expliquer. À mesure que les motivations sont dévoilées et les complots décodés, le scénario se penche vers l'explication, ce qui fait retomber la tension soigneusement construite. Ce n'est pas que les réponses ne soient pas plausibles, mais elles manquent du punch que le film semblait vouloir créer. C'est un étrange changement de ton, comme si Christian Zübert était plus à l'aise pour suggérer le chaos que pour le résoudre. Néanmoins, l'élan et l'enjeu émotionnel du film le rendent captivant, même si la conclusion est plus douce que prévu.

On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec The Lady Vanishes d'Alfred Hitchcock, où l'horreur ne réside pas seulement dans la disparition, mais dans son déni. Ce classique du genre, mêlant manipulation psychologique et complot, trouve un descendant spirituel dans Exterritorial, bien que celui-ci ait été adapté à un public moderne habitué aux thrillers militaires et aux jeux psychologiques. Ici, la véritable horreur ne réside pas seulement dans l'idée qu'un enfant ait pu être enlevé, mais aussi dans l'indifférence institutionnelle et la froideur bureaucratique qui accueillent une telle crise. Par moments, le personnel du consulat se comporte moins comme des diplomates que comme des manipulateurs, serrant subtilement la vis d'un protagoniste déjà à bout.

Netflix s’est imposée comme un refuge pour les thrillers européens à budget moyen, aux prémisses ambitieuses et à la réalisation soignée, et Exterritorial se distingue comme l'un des films les plus aboutis de cette tendance croissante. Il ne réinvente peut-être pas le genre, mais son engagement envers les personnages, l'atmosphère et l'action réaliste le place bien au-dessus de la formule habituelle. La mise en scène de Christian Zübert est intentionnelle, et même dans ses moments les plus faibles, le film conserve un rythme captivant. C'est un film d'action rare qui ne se contente pas de demander ce qui s'est passé, mais ose explorer pourquoi nous croyons certaines personnes et pas d'autres lorsque les choses tournent mal.

Exterritorial réussit là où de nombreux thrillers échouent : il respecte l'intelligence et le traumatisme de son protagoniste. Le combat de Sara est autant contre une conspiration obscure que contre ses propres doutes, et c'est dans cette lutte intérieure que le film trouve sa charge émotionnelle la plus puissante. C'est un voyage claustrophobe et haletant qui peut vaciller dans ses derniers instants, mais qui ne perd jamais de vue l'histoire humaine qui le sous-tend. Porté par une Jeanne Goursaud magnétique et renforcé par une conception élégante et une mise en scène solide, Exterritorial est un thriller intelligent et plein de suspense qui comprend le prix de la survie dans un monde qui manipule les femmes et enterre la vérité sous la bureaucratie.

Exterritorial
Écrit et réalisé par Christian Zübert
Produit par Kerstin Schmidbauer, Götz Marx, Franziska Suppee, Verena Vogl
Avec Jeanne Goursaud, Dougray Scott, Lera Abova, Kayode Akinyemi, Annabelle Mandeng, Lara Babalola, Nina Liu, Jeremy Schuetze, Samuel Tehrani, Kris Saddler, Samia Selina Hofmann, Melissa Holroyd, Ivan Forlani, Susanne Michel, Michael Rogers, Emanuel Fellmer
Musique de Sara Barone
Directeur de la photographie : Matthias Pötsch
Montage : Ueli Christen
Sociétés de production : Constant
Distribué par Netflix (États-Unis, France)
Date de sortie : 30 avril 2025
Durée : 109 minutes

Vu le 30 avril 2025 sur Netflix

Note de Mulder: