Titre original: | Screamboat |
Réalisateur: | Steven LaMorte |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 102 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
De temps à autre, un film qui ne devrait pas fonctionner selon les critères traditionnels parvient pourtant à réaliser l'impossible en misant tellement sur son absurdité que toute résistance devient vaine. Screamboat, le dernier né de l'univers toujours plus vaste de l'horreur dans le domaine public, est exactement ce genre de film : un film qui, selon toute logique, ne devrait être qu'une nouveauté, un mème éphémère sur pellicule, mais qui finit par offrir un voyage follement divertissant et sanglant dans les bas-fonds obscurs de la nostalgie de l'enfance. C'est désordonné, inégal et grossier mais c'est aussi joyeux, engagé et, surtout, conscient de lui-même, ce qui le distingue véritablement de ses pairs qui pillent la propriété intellectuelle.
Pour comprendre pourquoi Screamboat fonctionne, il faut d'abord comprendre la tendance cinématographique dont il est issu. La récente vague d'horreur dans le domaine public, avec des films comme Winnie-the-Pooh: Blood and Honey, Peter Pan's Neverland Nightmare et The Mouse Trap, s'est souvent appuyée uniquement sur son caractère choquant. Ils se vendent avec un titre accrocheur : Et si Winnie l’ourson était devenu un tueur en série ? Mais la nouveauté de ce concept s'estompe rapidement lorsque la réalisation manque d'art, d'esprit ou même de compétences cinématographiques de base. Blood and Honey a été critiqué pour son manque de saveur, sa misogynie et son absence d'humour. Screamboat, en revanche, prend son postulat ridicule et le traite avec une irrévérence affectueuse qui transforme le mauvais goût en célébration.
Réalisé et co-écrit par Steven LaMorte, déjà tristement célèbre pour avoir transformé le Grinch en un tueur en série dans The Mean One, Screamboat ne perd pas de temps pour donner le ton. Après un bref prologue qui établit la légende maudite du ferry de Staten Island et le mal ancien qui se cache sous le pont (un flashback en noir et blanc de style cartoon ajoute une touche charmante), l'action commence avec un groupe de passagers très new-yorkais qui embarquent pour la dernière traversée nocturne de l'Hudson. Parmi eux se trouve Selena (Allison Pittel), une aspirante créatrice de mode du Minnesota qui, comme souvent dans les films de ce genre, se retrouve prise dans une lutte pour sa survie et une histoire d'amour avec Pete (Jesse Posey), un employé du ferry. Ils sont rejoints par une troupe de figurants qui comprend des filles bruyantes habillées comme des princesses Disney bon marché, un opérateur radio épuisé (Tyler Posey, dans un caméo à ne pas manquer), une ambulancière pragmatique (Amy Schumacher) et une foule de personnages caricaturaux qui attendent leur mort créative.
Le méchant principal est bien sûr Screamboat Willie, une version tordue de Mickey Mouse dans sa version originale de 1928, avec ses grandes chaussures, son short à boutons et son sifflet emblématique. Interprété par David Howard Thornton en pleine forme, mieux connu sous le nom d'Art le Clown dans la franchise Terrifier, ce rongeur est une petite boule d'énergie qui se livre à des actes de violence pantomimiques. Contrairement à Pooh dans Blood and Honey, qui apparaissait comme un homme portant un masque bon marché, Willie est présenté comme un mélange dérangeant de marionnette, de perspective forcée et d'effets numériques à petit budget qui créent une énergie étrange et inquiétante. Il est moins une brute qu'un gremlin sous amphétamines, un agent chaotique du meurtre qui saute, virevolte et siffle tout en semant la mort parmi ses victimes. La physicalité de David Howard Thornton contribue grandement au succès de Screamboat. Son jeu est muet mais riche en détails, un mélange d'animation burlesque et de joie sadique qui rappelle à la fois Bugs Bunny et Freddy Krueger. Un instant, il décapite le capitaine d'un ferry avec du fil de pêche, l'instant d'après, il danse sur la barre comme si c'était le gouvernail d'un bateau à vapeur en enferEn fait, c'est cette logique caricaturale, où la violence est exagérée, improbable et bizarrement charmante, qui donne à Screamboat son identité unique et mémorable.
Le film bénéficie également de son cadre. Tourné sur un véritable ferry de Staten Island désaffecté (propriété de Colin Jost et Pete Davidson, l'une des anecdotes les plus surréalistes de l'histoire récente du cinéma indépendant), Screamboat dégage une atmosphère tangiblement réaliste que la plupart des films d'horreur du domaine public n'ont pas. Les couloirs sombres et les machines rouillées confèrent au film une authenticité claustrophobe. Pour ceux qui connaissent New York, l'idée d'être piégé sur ce ferry la nuit est déjà un scénario d'horreur ; l'ajout d'un rongeur tueur ne fait que le rendre plus littéral. Les amateurs de gore seront ravis d'apprendre que Screamboat tient toutes ses promesses. Les effets spéciaux sont délicieusement excessifs, des électrocutions aux empalements, en passant par une mort à la Bobbitt en plein coït, si joyeusement vulgaire qu'elle en devient emblématique. Une scène particulièrement mémorable montre un homme déguisé en Statue de la Liberté poignardé avec sa propre torche, une métaphore on ne peut plus évidente de l'excès américain. Ces moments sont caricaturaux, extrêmes et sans complexe, évoquant l'énergie des débuts de Peter Jackson ou de Sam Raimi à l'apogée du splatstick.
Mais là où Screamboat surpasse clairement l'univers de Pooh, et on ne le soulignera jamais assez, c'est dans le ton. Alors que Blood and Honey prenait son concept étrangement au sérieux, avec une palette terne et un fond de cruauté authentique, Screamboat penche vers l'absurde. Ce n'est pas seulement une blague, c'est une blague qui s'assume. Les références à Disney sont rapides, furieuses et parfois excessives (oui, il y a beaucoup trop de moments Let It Go qui font grincer des dents), mais l'engagement dans le gag est impressionnant. Les scénaristes, LaMorte et Matthew Garcia-Dunn, connaissent manifestement la Maison de Mickey sur le bout des doigts. Des clins d'œil spécifiques aux parcs, comme les blagues sur le Dole Whip, aux références musicales qui frôlent les limites de la légalité en matière de droits d'auteur, le film est parsemé de clins d'œil destinés aux connaisseurs de Disney. Il s'agit moins d'une parodie que d'une lettre d'amour dérangée à la culture Disney, une fan fiction gore née à parts égales de l'affection et de la rébellion.
Cela dit, Screamboat n'est pas sans défauts. Le milieu du film traîne en longueur. Trop de personnages sont introduits pour mourir, ce qui est certes courant dans un slasher, mais le scénario peine à maintenir son élan une fois que le nombre de morts commence à stagner. Les effets visuels, en particulier la taille incohérente de Willie, peuvent être dérangeants, et certains décors numériques semblent avoir été rendus sur un Commodore 64. Toutes les blagues ne font pas mouche non plus ; certaines tombent à plat, surtout lorsqu'elles semblent trop méta ou auto-congratulatoires. Et avec ses 100 minutes, le film est probablement 15 minutes trop long. Une durée plus courte aurait fait des merveilles pour le rythme. Pourtant, même dans ses moments les plus faibles, Screamboat n'est jamais ennuyeux. Il se dégage de ce film un enthousiasme brut et contagieux. On sent que le réalisateur Steven LaMorte s'amuse à chaque scène ridicule. Le film sait qu'il est un film de série B et il porte cette étiquette comme un badge d'honneur. On a envie de lever les yeux au ciel, mais il offre quelque chose de tellement divertissant – une marionnette lançant un organe sectionné, une référence à Disney livrée avec un poker face parfait – qu'on se surprend à rire malgré soi.
La comparaison avec l'univers de Pooh est inévitable, mais finalement injuste pour Screamboat. Il ne s'agit pas simplement d'une énième adaptation sans âme destinée à faire de l'argent. C'est l'un des rares cas où un film d'horreur du domaine public comprend le poids culturel de son matériau d'origine et choisit de jouer avec plutôt que de l'exploiter. Il a du caractère. Il a du style. Et, bien qu'il mette en scène une souris démoniaque de 60 cm de haut, il a une âme. Screamboat est un excellent divertissement de genre. C'est le genre de film que l'on regarde à minuit entre amis, un bol de pop-corn dans une main, un verre dans l'autre, prêt à rire, à grimacer et à applaudir à chaque rebondissement macabre. C'est chaotique, cathartique et complètement déjanté. Et franchement, dans un paysage cinématographique de plus en plus dominé par des productions studio sans risque et aseptisées, ce genre de chaos semble presque révolutionnaire.
Screamboat
Réalisé par Steven LaMorte
Écrit par Matthew Garcia-Dunn, Steven LaMorte
Histoire de Steven LaMorte
Basé sur Steamboat Willie de Walt Disney, Ub Iwerks
Produit par Steven LaMorte, Amy Schumacher, Martine Melloul, Steven Della Salle, Michael Leavy
Avec David Howard Thornton, Allison Pittel, Amy Schumacher, Jesse Posey, Kailey Hyman, Jesse Kove, Jarlath Conroy
Directeur de la photographie : Steven Della Salle
Montage : Patrick Lawrence
Musique : Yael Benamour, Charles-Henri Avelange
Sociétés de production : Sleight of Hand Productions, Kali Pictures
Fuzz on the Lens Productions
Distribué par Iconic Events Releasing
Date de sortie : 2 avril 2025 (États-Unis)
Durée : 102 minutes
Vu le 28 avril 2025 (press screener)
Note de Mulder: