Titre original: | A working man |
Réalisateur: | David Ayer |
Sortie: | Prime Video |
Durée: | 116 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Dans le paysage du cinéma d'action moderne, où les images lisses et hyper stylisées éclipsent souvent le réalisme et le travail sur les personnages, A Working Man se distingue comme un film old school obstiné et sans prétention, le genre de film qui affiche fièrement ses racines et ne s'excuse jamais d'être ce qu'il est. Il réunit le réalisateur David Ayer et Jason Statham après très réussi The Beekeeper, mais alors que ce film poussait l'absurdité à des niveaux presque mythiques, A Working Man s'installe dans quelque chose de plus mesuré, d'émotionnellement ancré et même de plus profond. Ce n'est pas simplement un film d'action et de vengeance, c'est le portrait d'un homme meurtri qui cherche un sens à sa vie et la rédemption dans un monde qui ne sait plus quoi faire des hommes comme lui.
Dès les premières images, David Ayer donne le ton, à la fois épique et intimiste. Le film s'ouvre sur un montage dramatique qui alterne des flashs du passé militaire de Levon Cade – balles tombant au ralenti, drapeaux pliés, silhouettes assombries par les traumatismes du champ de bataille – et le rythme banal de sa nouvelle vie de contremaître sur un chantier de construction à Chicago. Une bétonnière tourne dans un plan, et dans le suivant, on voit le rituel douloureux d'un homme qui dort dans sa camionnette, économisant chaque centime pour récupérer la garde de sa jeune fille. Ces images ne servent pas seulement à mettre en place l'intrigue, elles établissent une dichotomie entre violence et normalité, passé et présent, guerre et travail. C'est un film sur un homme qui tente de reconstruire, non seulement des bâtiments, mais aussi sa vie.
Jason Statham, qui approche désormais la soixantaine mais bouge toujours avec l'énergie d'un homme deux fois plus jeune, livre l'une des performances les plus abouties de sa carrière. Dans le rôle de Levon Cade, il dégage ce mélange familier d'intensité mortelle et de retenue qui définit son personnage d'action, mais ici, il y a quelque chose de plus profond sous la surface. Cade n'est pas seulement un commando à la retraite ou un ouvrier du bâtiment au passé mystérieux, c'est un homme qui cherche encore à déterminer quel genre de père, quel genre de personne il a le droit d'être. Il est hanté, certes, mais il n'est pas brisé. Quand il dit à quelqu'un, avec une finalité stoïque, « Ce n'est plus qui je suis », on le croit – et pourtant, on sait aussi que ce film va remettre en question cette affirmation et qu'à la fin, il aura trouvé quelque chose d'essentiel en revenant à ses anciennes habitudes, non pas comme une régression, mais comme une catharsis réticente.
L'intrigue de A Working Man peut sembler familière sur le papier – une fille kidnappée, des gangsters russes, un justicier solitaire –, mais tout réside dans l'exécution. Le scénario, coécrit par Sylvester Stallone et David Ayer et adapté du roman de Chuck Dixon Levon's Trade, connaît son genre et ne cherche pas tant à subvertir les attentes qu'à les élever. Il n'y a ici ni cynisme, ni clin d'œil ironique au public. Chaque réplique, chaque coup de poing, chaque acte de vengeance est livré avec une sincérité totale. L'arc émotionnel du film est d'une pureté presque rafraîchissante par son absence d'ironie. Ce n'est pas une question de rebondissements, mais de courage, d'engagement et de cohérence émotionnelle.
Ce qui distingue ce film des autres films d'action mettant en scène des justiciers, c'est la texture de ses personnages. Michael Peña, dans le rôle de Joe Garcia, l'employeur compatissant de Levon, ajoute de la chaleur et du poids à l'intrigue. Leur amitié semble authentique, et non pas artificielle. Arianna Rivas, dans le rôle de Jenny, la jeune fille kidnappée, défie le stéréotype de la demoiselle en détresse passive en faisant preuve d'une résilience et d'une intelligence qui enrichissent l'enjeu émotionnel. Et David Harbour vole presque la vedette dans le rôle de Gunny, un vétéran aveugle et expert en armes qui apporte à la fois un peu de comique et une résonance thématique. Gunny n'est pas seulement l'acolyte de Cade, il est le symbole du soldat abandonné par la société, survivant grâce à sa mémoire musculaire et à sa loyauté sans faille. Leur lien, forgé par la guerre, rude et profondément respectueux, donne au film une âme rare dans ce genre.
Visuellement, A Working Man présente une esthétique brute et tactile. David Ayer s'appuie sur les ombres et les textures des zones industrielles de Chicago, contrastant les poutres d'acier et les reflets néons avec l'atmosphère bizarre et décadente du monde souterrain dans lequel Cade doit s'infiltrer. Les méchants sont habillés comme des mannequins rejetés d'une semaine de la mode post-apocalyptique : l'un porte une cape en velours froissé, un autre un costume à motifs cachemire assorti d'un bob, mais cette absurdité visuelle joue en faveur du film. Le contraste entre les bottes de travail de Cade et leurs chaussures de créateurs est éloquent : cet homme vient d'un autre monde, un monde où la moralité était définie par le devoir, et non par l'excès. Le dernier acte du film, éclairé par la lune, est absurdement grandiose, avec une confrontation finale illuminée par une lune de la taille d'un panneau d'affichage, qui parvient à évoquer quelque chose de presque mythique. L'action est élevée au rang de conte populaire, avec Cade comme dernier homme honnête face à un carnaval de corruption.
La chorégraphie des scènes d'action est également remarquable. Si certains pourraient souhaiter des plans plus longs ou des séquences plus chorégraphiées, A Working Man offre une physicalité brutale et impitoyable. Jason Statham se bat comme un homme entraîné et déterminé : chaque mouvement est efficace, chaque impact est ressenti. Qu'il se batte à l'arrière d'une camionnette en pleine course ou qu'il fasse irruption dans un bordel éclairé par des néons, son jeu dégage une férocité réaliste qui rend la violence crédible, même lorsque le monde qui l'entoure tend vers le surréel.
Mais sous les balles et la bravade, il y a une profondeur émotionnelle surprenante qui persiste longtemps après le générique. Lorsque Cade se sépare enfin de son fusil M14, vestige de son ancienne vie, qu'il tient comme un amant et à qui il fait des adieux solennels, ce n'est pas seulement un moment d'action. C'est un geste symbolique qui marque la fin d'un cycle. Voici un homme qui a dû recourir à la violence pour protéger l'innocence, certes, mais qui ne glorifie jamais le sang versé. Dans un monde où le traumatisme est souvent considéré comme un super-pouvoir, A Working Man s'arrête, brièvement, pour en montrer le prix.
C'est cette sincérité qui élève A Working Man au-dessus de ses pairs. Ce n'est pas une parodie du cinéma d'action à l'ancienne, c'est un hommage. Un film qui n'a pas besoin de subversion intelligente pour gagner sa place, car il sait que parfois, lorsqu'elle est faite avec cœur, l'histoire familière d'un homme qui fait ce qui est juste – non pas pour l'argent, ni pour la vengeance, mais par pur sens moral – peut encore trouver un écho. Il y a quelque chose de presque élégiaque dans son ton, un adieu non seulement à une nouvelle série de méchants jetables, mais aussi à une forme de masculinité qui, pour le meilleur ou pour le pire, ne s'intègre pas parfaitement dans le monde moderne. Jason Statham, un acteur trop souvent sous-estimé pour son apparence stoïque, nous rappelle pourquoi il reste l'une des dernières véritables stars d'action. Sa performance ici est une leçon de retenue, d'intensité et de conviction. Il ne réinvente pas la roue, il nous rappelle simplement pourquoi elle tourne encore.
A Working Man ne réinvente peut-être pas le genre, mais il n'en a pas besoin. Il sait exactement ce qu'il est : un coup de poing dans le ventre, une main sur l'épaule, un film qui assume fièrement son côté pulp et trouve encore des moments de grâce dans la crasse. C'est un retour en arrière, une étude de personnage, un voyage viscéral et une élégie étonnamment sincère pour un homme honorable qui a du sang sur les mains. Et à l'ère des franchises spectaculaires et des anti-héros ironiques, c'est peut-être la chose la plus radicale qu'un film d'action puisse faire. Un classqiue du genre instantannée et assurément l’un des meilleurs films d’action de cette année. A voir et revoir.
A Working Man
Réalisé par David Ayer
Écrit par Sylvester Stallone, David Ayer
D'après Levon's Trade de Chuck Dixon
Produit par Chris Long, Jason Statham, John Friedberg, David Ayer, Sylvester Stallone, Bill Block, Kevin King Templeton
Avec Jason Statham, Jason Flemyng, Michael Peña, David Harbour
Directeur de la photographie : Shawn White
Montage : Fred Raskin
Musique : Jared Michael Fry
Sociétés de production : Black Bear, Cedar Park Entertainment, Punch Palace Productions, Balboa Productions
Distribué par Amazon MGM Studios (via Metro-Goldwyn-Mayer) (États-Unis)
Date de sortie : 28 mars 2025 (États-Unis)
Durée : 116 minutes
Vu le 5 avril 2025 au AMC Town Square 16 de Las Vegas, salle 5
Note de Mulder: