The Insider

The Insider
Titre original:Black Bag
Réalisateur: Steven Soderbergh
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:12 mars 2025
Note:
The Insider est un film d'espionnage haletant qui raconte l'histoire d’un couple d’agents secrets, George Woodhouse et sa femme Kathryn. Lorsque Kathryn est soupçonnée de trahison envers la nation, George doit faire face à un dilemme déchirant : protéger son mariage ou défendre son pays.

Critique de Mulder

Steven Soderbergh a toujours été un réalisateur qui défie les attentes, passant d'un genre à l'autre avec une facilité qui confine à l'espièglerie. Qu'il s'agisse de films de braquage élégants comme Ocean's Eleven, de drames policiers cruels comme Traffic ou de thrillers paranoïaques comme Kimi, il a toujours trouvé de nouvelles façons de jouer avec la forme, la perspective et les conventions du genre. Avec The Insider (Black Bag), sa dernière incursion dans le thriller d'espionnage, Soderbergh ne se contente pas de s'engager dans les figures de style du cinéma d'espionnage, il les déconstruit, les distille jusqu'à leur essence humaine et les sert avec le genre d'humour pince-sans-rire et de confiance stylistique qui a marqué ses meilleures œuvres.

The Insider (Black Bag) semble être le successeur spirituel de Haywire de Steven Soderbergh, sa version épurée et brutale du genre espionnage. Mais là où Haywire était une machine d'action efficace, toute en fluidité et en chorégraphie de combat, The Insider (Black Bag) est son cousin cérébral, troquant les poursuites et les fusillades à haute teneur en adrénaline pour une bataille psychologique plus intériorisée. Il doit davantage à la paranoïa méthodique du film La Taupe qu'à la grandiloquence d'un film de Mission : Impossible, avec un concept central qui consiste moins à arrêter la prochaine menace apocalyptique qu'à déchiffrer à qui, le cas échéant, on peut faire confiance. Les plus grandes armes ici ne sont pas les poings ou les armes à feu, mais les conversations pointues, les regards révélateurs et les dîners qui se transforment en champs de bataille de manœuvres sociales et stratégiques.

Au cœur du film se trouve George Woodhouse (Michael Fassbender), un agent des services secrets britanniques méticuleux et à fleur de peau qui porte son dégoût des mensonges à un niveau pathologique. Homme qui a jadis dénoncé son propre père pour trahison, George se voit maintenant remettre une liste de cinq taupes potentielles au sein de son agence. Parmi elles se trouve sa femme, Kathryn (Cate Blanchett), une agente brillante et énigmatique qui prospère dans les zones d'ombre que George ne voit qu'en noir et blanc. Les deux partagent un mariage fondé sur la discipline et la discrétion, lié par la compréhension mutuelle que certaines vérités doivent rester cachées. Mais lorsque Kathryn devient suspecte, George est contraint de se demander si leur confiance soigneusement cultivée n'a été qu'une illusion.

Steven Soderbergh et le scénariste David Koepp, qui ont déjà collaboré sur Kimi et Presence, utilisent ce postulat pour explorer la nature de la confiance, non seulement dans l'espionnage, mais aussi dans les relations elles-mêmes. The Insider (Black Bag) ressemble souvent à Qui a peur de Virginia Woolf ? avec des espions, en particulier dans sa séquence marquante du dîner, où George dresse sa liste de suspects sous le prétexte d'une réunion informelle, pour ensuite pimenter le repas avec une drogue qui fait tomber les inhibitions. S'ensuit une lente montée de tension, une démonstration d'esprit et de psychologie, avec la précision glaciale de Fassbender et le charme furtif de Blanchett qui se répondent de manière électrique. Les seconds rôles – Tom Burke dans le rôle de l'agent Freddie Smalls, rancunier et fini, Marisa Abela dans celui de sa petite amie Clarissa, vive et férue de technologie, Regé-Jean Page dans celui de l'ambitieux colonel Stokes, et Naomie Harris dans celui de la psychologue de l'agence qui en sait plus qu'elle ne le laisse paraître – ajoutent tous des couches d'intrigue, donnant l'impression que la table du dîner est une cocotte-minute prête à exploser.

S'il y a un lien direct à établir entre The Insider (Black Bag) et les précédents films de Soderbergh, c'est probablement avec Ocean's Eleven. Les deux films se délectent de l'art de la tromperie et mettent en scène un ensemble de professionnels aussi spirituels que talentueux. Mais là où Ocean's est léger et confiant dans la maîtrise de son monde par ses personnages, The Insider (Black Bag) s'intéresse à la remise en question des certitudes. Il y a une ironie délicieuse à regarder une salle remplie d'experts en intelligence - des personnes formées pour tromper, analyser et manipuler - se débattre pour donner un sens à leur propre vie. Le terme The Insider (Black Bag), souvent invoqué comme une impasse conversationnelle pour les informations classifiées, devient une métaphore tacite des secrets que tous ces personnages gardent, non seulement les uns des autres, mais aussi d'eux-mêmes.

D'un point de vue stylistique, Steven Soderbergh reste sobre, renonçant aux fioritures plus ostentatoires qui ont fait sa réputation, notamment dans ses œuvres récentes telles que Full Circle ou No Sudden Move. Bien que son penchant pour les cadrages non conventionnels et les angles décalés soit toujours présent, The Insider (Black Bag) est l'un de ses films les plus classiques depuis des années. Sa photographie (réalisée sous son pseudonyme habituel, Peter Andrews) capture Londres sous une lumière tamisée, presque clinique, qui ponctue les thèmes sous-jacents du film, à savoir la surveillance et le détachement. La palette de couleurs du film oscille entre la riche lueur ambrée des espaces privés - où les secrets sont chuchotés et les loyautés mises à l'épreuve - et la fluorescence stérile des bureaux gouvernementaux, où les émotions sont censées être réprimées au profit du devoir.

Bien sûr, aucune discussion sur The Insider (Black Bag) ne serait complète sans son duo principal. Michael Fassbender, tout juste sorti de The Killer et de The Agency, continue sa série récente de rôles d'hommes froids et hypercompétents qui répriment leurs émotions au profit de la précision. Mais contrairement à ces rôles, George n'est ni un assassin ni un fantôme, c'est un mari, et cette distinction fait toute la différence. Il y a ici une fragilité subtile en lui, une hésitation à peine perceptible sous la surface qui rend son effondrement d'autant plus fascinant. Kate Blanchett, quant à elle, est tout à fait magnétique dans le rôle de Kathryn, marchant sur la fine ligne entre partenaire affectueuse et suspect impénétrable avec une grâce féline. Chaque interaction entre eux crépite de sous-entendus, leur relation oscillante entre dévouement et doute, passion et paranoïa. Lorsque Kathryn demande à George : « Tuerais-tu pour moi ? », c'est à la fois une séduction et un défi, un moment qui résume la question centrale du film : combien l'amour peut-il supporter avant de se fracturer sous le poids du secret ?

Steven Soderbergh est depuis longtemps fasciné par l'intersection de la confiance et de la tromperie, des escrocs de The Limey aux trafiquants doubles de Traffic et No Sudden Move. Mais The Insider (Black Bag) semble être l'une de ses explorations les plus épurées et les plus raffinées de ce thème, un film qui arme la conversation et le langage corporel de manière à rendre un simple regard aussi dangereux qu'une balle. C'est aussi un film qui mérite d'être revu, car les subtilités de chaque performance, les indices cachés dans chaque échange, deviennent plus apparents une fois que l'on sait comment le jeu se déroule.

The Insider (Black Bag) est si méthodique dans son approche qu'il risque de décevoir légèrement ceux qui s'attendent à un thriller d'espionnage plus conventionnel. Ce n'est pas La mémoire dans la peau ni même Mourir peut attendre : c'est un film où le plus grand moment d'action est une dispute entre amants, où le point culminant dépend davantage de la décision d'un personnage que d'une fusillade. Mais pour ceux qui sont prêts à se plonger dans son réseau complexe de mensonges et de loyautés, c'est une leçon de tension, un rappel que parfois les batailles les plus dangereuses ne se livrent pas dans la rue, mais à table.

Dans le contexte plus large de la carrière de Steven Soderbergh, The Insider (Black Bag) semble être une évolution de son instinct de conteur, moins expérimental que certains de ses projets récents, mais non moins ambitieux dans son examen de la nature humaine. C'est un film qui comprend que l'espionnage ne se résume pas à des gadgets et à des missions, mais qu'il concerne aussi les gens, la danse délicate de la confiance et de la trahison qui définit à la fois les relations et l'espionnage. Et à une époque où tant de thrillers privilégient le spectacle à la substance, The Insider (Black Bag) témoigne de la puissance d'une pause bien placée, d'une question piège ou d'un regard qui s'attarde juste une seconde de trop. C'est Steven Soderbergh au sommet de sa forme : cool, calculateur et infiniment captivant.

The Insider (Black Bag)
Réalisé par Steven Soderbergh
Écrit par David Koepp
Produit par Casey Silver, Gregory Jacobs
Avec Cate Blanchett, Michael Fassbender, Marisa Abela, Tom Burke, Naomie Harris, Regé-Jean Page, Pierce Brosnan
Musique de David Holmes
Image : Steven Soderbergh
Montage : Steven Soderbergh
Société de production : Casey Silver Productions
Distribué par Focus Features (États-Unis), Universal Pictures (France)
Date de sortie : 12 mars 2025 (France), 14 mars 2025 (États-Unis),
Durée : 94 minutes

Vu le 10 mars 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 8 place A20

Note de Mulder: