God Save the Tuche

God Save the Tuche
Titre original:God Save the Tuche
Réalisateur:Jean-Paul Rouve
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:05 février 2025
Note:
Les Tuche mènent à nouveau une vie paisible à Bouzolles. Mais lorsque le petit-fils de Jeff et Cathy est sélectionné pour un stage de football à Londres, c’est l’occasion rêvée pour toute la famille d’aller découvrir l’Angleterre et de rencontrer la famille royale. Entre chocs culturels et maladresses, les Tuche se retrouvent plongés au cœur de la royauté anglaise, qui n’est pas prête d’oublier leur séjour !

Critique de Mulder

Le naufrage annoncé du cinéma populaire français a un nouveau nom : God Save the Tuche. Après quatre volets de la saga, dont l’humour oscillait entre le burlesque assumé et le n’importe quoi revendiqué, ce cinquième opus franchit une nouvelle étape : celle de l’épuisement total d’un concept qui n’amusait déjà plus grand monde. Un film où le rire est aussi rare qu’une météo clémente à Londres, où l’intrigue tient sur un post-it froissé, et où l’on comprend mieux pourquoi une partie de la presse, notamment online, a été tenue à distance. Préserver la dignité des critiques de cinéma ? Ou limiter les dégâts en évitant trop de retours négatifs avant la sortie ? La question reste ouverte, mais après avoir vu ce désastre, on comprend la stratégie.

Le concept de base des Tuche est simple et (au départ) efficace : une famille beauf, mais attachante, qui se retrouve projetée dans un univers qui n’est pas le sien. Après Monaco, les États-Unis et l’Élysée, cette fois-ci, c’est Londres et la monarchie britannique qui servent de terrain de jeu. L’idée aurait pu être amusante, surtout dans une époque où la famille royale britannique alimente déjà une comédie involontaire avec ses propres scandales. Mais hélas, le film ne fait absolument rien de ce potentiel. Le prétexte narratif – un stage de football à Londres pour le petit-fils de Jeff et Cathy – est d’une pauvreté affligeante, servant uniquement à emmener la famille en Angleterre sans aucun enjeu digne de ce nom.

Dès lors, tout s’enchaîne mécaniquement, sans la moindre inventivité. Jeff Tuche (Jean-Paul Rouve) et sa tribu se retrouvent face aux us et coutumes britanniques, mais les situations comiques sont prévisibles, lourdes, et recyclées d’autres films du même genre. Entre quiproquos usés, gags éculés sur les différences culturelles et blagues répétées jusqu’à l’usure (oui, on a compris, ils mangent des frites...), le film accumule les scènes sans jamais réellement surprendre ou déclencher autre chose qu’un sourire poli.

Le problème majeur du film est son humour. Là où les précédents volets parvenaient parfois à arracher quelques rires sincères par leur absurdité assumée, ici, tout tombe à plat. Le comique de situation est appuyé à l’extrême, les dialogues sont caricaturaux, et les rares tentatives de modernité sonnent terriblement forcées. Jean-Paul Rouve, qui prend la relève d’Olivier Baroux à la réalisation, a voulu insuffler un ton plus absurde, influencé par son amour pour les Monty Python et les Nuls. Le résultat ? Un gloubiboulga d’humour indigeste, où chaque blague semble avoir été écrite à la va-vite sur un coin de nappe en papier d’un fast-food.

Les Tuche ont toujours été des personnages hauts en couleur, mais leur naïveté touchante s’est transformée ici en simple bêtise crasse. Jeff, autrefois attachant malgré sa maladresse, devient un pantin grotesque, tandis que Mamie Suze (Claire Nadeau) radote des phrases incompréhensibles qui donnent l’impression d’un bug audio en boucle. Isabelle Nanty, pourtant excellente actrice, peine à donner corps à Cathy Tuche, qui se limite ici à jouer la femme fatiguée des bêtises de son mari. Et que dire des seconds rôles ? Les nouveaux personnages anglais sont des caricatures dignes d’une mauvaise parodie, entre un majordome pincé, un roi insipide (Bernard Menez, qu’on a connu plus inspiré) et des aristocrates ridicules sortis tout droit d’une mauvaise sitcom.

Visuellement, le film ne fait aucun effort. Jean-Paul Rouve filme chaque scène avec la nonchalance d’un étudiant en cinéma pressé de rendre son devoir en retard. Les plans sont plats, sans imagination, et la mise en scène se contente d’enchaîner les séquences sans jamais chercher à dynamiser le récit. On sent un manque cruel d’idées dans le cadrage et la direction artistique, et les décors londoniens, censés apporter un peu d’exotisme, ne sont qu’une façade sans âme. Pire encore, une grande partie du film a été tournée en Belgique pour des raisons de budget, ce qui donne un résultat cheap où l’on sent que "Londres" est souvent une rue reconstituée ou un fond vert mal intégré.

Même la musique de Martin Rappeneau, d’habitude efficace dans ce genre de productions, semble ici noyée dans une soupe sonore générique. Quant au montage de Delphine Rondeau, il donne l’impression d’avoir été fait en mode vite fait bien fait pour combler les trous d’un scénario inexistant. Résultat : on s’ennuie ferme pendant ces 95 minutes qui en paraissent une éternité.

God Save the Tuche n’a plus rien à voir avec ce qu’était la saga à ses débuts. Là où le premier volet conservait une certaine tendresse et un regard satirique sur la France populaire, cet épisode se contente d’aligner les clichés sans la moindre finesse. En voulant forcer le trait, Jean-Paul Rouve transforme son film en une comédie poussive qui donne surtout envie de s’échapper en courant du cinéma.

Ce cinquième épisode aurait pu être un chant du cygne amusant, il n’est qu’un râle d’agonie pathétique. À ce stade, même les plus fervents défenseurs de la famille Tuche risquent de jeter l’éponge. L’Angleterre ne méritait pas ça. Le public non plus. Si vous avez un minimum d’amour pour le cinéma et pour votre propre santé mentale, fuyez. God Save you. On ne remerciera jamais assez l’agence Déjà de nous avoir épargné deux précieuses heures de transports pour aller voir cette catastrophe cinématographique en projection de presse.

God Save the Tuche
Réalisé par Jean-Paul Rouve
Produit par Ardavan Safaee
Écrit par Jean-Paul Rouve, Philippe Mechelen, Julien Hervé, Nessim Chikhaoui
Avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty, Claire Nadeau, Sarah Stern, Pierre Lottin, Théo Fernandez, Philippe Dusseau, Bernard Ménez, Elise Larnicol, Aristote Laios, Peter Hudson, Blaise Pettebone, Scarlett Bernard, Céline Menville, Jacky Nercessian, Nicolas de Broglie, Rufo Quintavalle, Blaise Pettebone, Aurore Broutin, Dominique Frot, Vadim Chasques, Ray Johnson, Anita Fridrihsons, Charles Turley, Daniel Horn, Guy Chaffraix, Pierre Tard, Valentin Dumerchez, Tristan Balu, Nicole Aragona, Dominique Farrugia, Alain Chabat
Musique : Martin Rappeneau
Directeur de la photographie : Christophe Graillot
Montage : Delphine Rondeau
Sociétés de production : Pathé Films, TF1 Films Production, Nolita Cinema, Logical Content Ventures, Les Films du Monsieur , Beside Productions
Distribué par Pathé Films (France)
Date de sortie : 5 février 2025 (France)
Durée : 95 minutes

Vu le 3 février 2025 à l’UGC Le Majestic Meaux , salle 4 place F10

Note de Mulder: