Titre original: | Presence |
Réalisateur: | Steven Soderbergh |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 85 minutes |
Date: | 24 janvier 2025 |
Note: |
Presence, le nouveau film de Steven Soderbergh, est une histoire de fantôme élégamment troublante qui subvertit les conventions typiques de l'horreur tout en vous entraînant dans une expérience immersive définie par l'innovation, l'ambiguïté et la profondeur émotionnelle. Au lieu de s'appuyer sur des jump scares ou des images grotesques, Presence raconte son histoire d'un point de vue unique : celui du fantôme titulaire lui-même. Ce choix créatif confère au film un aspect voyeuriste, faisant du public le témoin invisible du drame d'une famille hantée par des spectres à la fois littéraux et métaphoriques.
Se déroulant entièrement dans une charmante maison de banlieue d'époque qui est autant un personnage que ses habitants en chair et en os, Présence construit méticuleusement un monde où le surnaturel est inséparable du banal. La caméra de Steven Soderbergh - qui sert d'yeux au fantôme - glisse dans les couloirs de cette maison avec une touche curieuse, presque hésitante. Elle observe, s'attarde et réagit aux événements qui se déroulent autour d'elle, instillant un sentiment d'effroi rampant, remarquablement discret mais indéniablement efficace. La véritable tension dans Presence ne provient pas d'une terreur manifeste ; elle se développe plutôt lentement, à mesure que la caméra s'immisce subtilement dans la vie de la famille Payne, révélant leurs conflits cachés et leurs ressentiments inavoués.
Au cœur de Presence se trouve Chloe, interprétée avec une vulnérabilité nuancée par la Callina Liang. Chloé est une adolescente qui doit faire face à la mort récente de sa meilleure amie, Nadia, une tragédie qui a jeté une ombre sur toute la famille. Contrairement au film typique de maison hantée où le fantôme est une force malveillante, dans Presence, les intentions du fantôme sont ambiguës. Il semble particulièrement attiré par Chloé, suggérant un lien aussi mystérieux qu'intime. À travers les yeux du fantôme, nous assistons à la lutte de Chloé contre le deuil, à sa relation ténue avec sa famille et aux pressions de sa vie d'adulte naissante. Le fantôme, pour sa part, semble moins intéressé à effrayer les Payne qu'à comprendre - et peut-être à influencer - les dynamiques au sein de ce foyer troublé.
La décision de Steven Soderbergh de filmer tout le film du point de vue du fantôme est plus qu'une simple fantaisie stylistique, c'est un procédé narratif qui brouille la frontière entre l'observateur et le participant. En tant que fantôme, nous sommes au courant des moments privés et des conversations chuchotées que les personnages eux-mêmes essaient de garder cachés. Cette approche transforme le film en une expérience profondément immersive, où le public est impliqué dans le drame en cours, ne voyant que ce que le fantôme voit et partageant ses frustrations silencieuses. L'effet est désorientant et intime, favorisant un sentiment d'empathie pour la présence invisible, même si nous restons incertains de ses motivations.
Lucy Liu et Chris Sullivan livrent des performances convaincantes dans le rôle de Rebekah et Chris Payne, des parents qui se débattent manifestement sous le poids de leurs propres problèmes. Rebekah est une femme vive, motivée par sa carrière, dont l'attention portée à son fils Tyler - un athlète vedette - donne souvent à Chloe l'impression d'être négligée et oubliée. Liu apporte une touche d'acier au rôle, dépeignant Rebekah comme une femme à la fois férocement protectrice et déconcertante de détachement. Chris, quant à lui, est plus nourricier, clairement en phase avec les luttes émotionnelles de Chloe, mais aussi un homme qui s'effiloche lentement sous la pression de l'unité de sa famille. La tension entre l'amour dur de Rebekah et l'approche plus douce de Chris crée un champ de bataille émotionnel que le fantôme observe attentivement, ajoutant des couches à la complexité psychologique du film.
Le film est rempli de moments qui illustrent subtilement la distance croissante entre les membres de la famille. Tyler, le garçon apparemment en or, est de plus en plus pris dans son propre comportement imprudent, tandis que Rebekah, préoccupée par ses problèmes professionnels, est inconsciente des crises qui couvent à la maison. C'est dans ces fissures de la façade familiale que Présence brille vraiment, car Steven Soderbergh et le scénariste David Koepp utilisent le point de vue du fantôme pour accentuer le sentiment d'isolement et de déconnexion. Le fantôme ne hante pas seulement la maison, il hante aussi les relations des Paynes, amplifiant leurs tensions non résolues et leurs peurs inavouées.
L'une des caractéristiques les plus remarquables du film est sa capacité à renverser les figures de style traditionnelles des films d'horreur. Plutôt que de présenter le fantôme comme un antagoniste évident, Présence suggère que le spectre pourrait être un témoin, voire un protecteur, plutôt qu'une menace. Il range la chambre de Chloé, fait trembler la maison lorsque la tension monte et semble s'intéresser au bien-être émotionnel des personnages, en particulier de Chloé. Cette ambiguïté invite le public à projeter ses propres interprétations sur les actions du fantôme, ce qui fait que le film porte autant sur les forces invisibles qui façonnent nos vies que sur le surnaturel.
La mise en scène de Steven Soderbergh est, comme toujours, précise et expérimentale. Le film est presque entièrement tourné en une seule prise, chaque scène étant observée d'un point de vue fixe mais fluide qui reflète les mouvements du fantôme dans la maison. Cette méthode crée un sentiment d'intimité et de malaise, comme si nous nous immiscions dans des moments qui devraient rester privés. La caméra ne se contente pas de capturer l'action, elle y réagit, transmettant les émotions du fantôme de manière à la fois subtile et frappante. Par exemple, la caméra tremble d'agitation pendant les discussions animées, ou se rapproche des personnages dans les moments de vulnérabilité, laissant entrevoir un lien émotionnel plus profond entre le fantôme et les vivants.
Malgré sa prémisse surnaturelle, Presence est profondément ancré dans les réalités du deuil, de l'adolescence et des conflits familiaux. Le film explore la manière dont les traumatismes peuvent se répercuter dans la vie de ceux qui restent, se manifestant de manière aussi obsédante que n'importe quel esprit. Le chagrin de Chloé est palpable, et les interactions du fantôme avec elle ressemblent moins à des hantises qu'à une tentative de combler le fossé entre les vivants et les morts - un fossé que Chloé, dans son isolement, ressent de manière aiguë. Cette résonance émotionnelle est ce qui différencie Présence des films d'horreur plus conventionnels ; il s'agit moins de peur que de la présence persistante de la perte et de la difficulté de passer à autre chose.
Presence est un film qui échappe à toute catégorisation. C'est une histoire de fantômes, oui, mais aussi une méditation sur la présence - physique et émotionnelle - et sur l'impact des forces invisibles sur nos vies. C'est l'histoire d'une famille aux prises avec le deuil et la déconnexion, vue à travers les yeux d'un observateur silencieux qui fait autant partie du drame que les personnages eux-mêmes. Steven Soderbergh a conçu un film aussi intrigant dans sa forme que touchant dans son contenu, prouvant une fois de plus qu'il est un cinéaste qui n'a pas peur d'expérimenter les limites du genre et de la narration.
Dans Presence, la véritable horreur ne réside pas dans les perturbations fantomatiques ou les phénomènes inexpliqués, mais dans le sentiment omniprésent de déconnexion, l'impression d'être invisible ou incompris par ses proches. Le fantôme de Steven Soderbergh est peut-être lié à la maison, mais les véritables spectres qui hantent cette famille sont les secrets qu'elle garde et les émotions non résolues qui menacent de la déchirer. Présence reste longtemps après le générique, non pas à cause de ses frayeurs, mais à cause de son exploration poignante de ce que signifie être vraiment vu - ou non vu - dans un monde qui est souvent indifférent à nos luttes. C'est une hantise au sens propre, qui laisse un écho émotionnel qui résonne bien au-delà des limites de l'écran.
Presence
Réalisé par Steven Soderbergh
Écrit par David Koepp
Produit par Julie M. Anderson, Ken Meyer
Avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday, West Mulholland, Julia Fox
Directeur de la photographie : Steven Soderbergh
Montage : Steven Soderbergh
Musique : Zack Ryan
Sociétés de production : Sugar23, Extension 765
Distribué par Neon (Etats-Unis), Dulac Distribution (France)
Dates de sortie : 19 janvier 2024 (Sundance), 24 janvier 2025 (États-Unis),
Durée : 85 minutes
Vu le 27 janvier 2025 (screener presse)
Note de Mulder: