5 Septembre

5 Septembre
Titre original:September 5
Réalisateur:Tim Fehlbaum
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:05 février 2025
Note:
Le 5 septembre nous ramène à l'événement qui a changé le monde des médias pour toujours, et qui continue de résonner aujourd'hui alors que les informations, la couverture en direct et le contrôle des ondes restent l'objet de nombreux débats. Le film se déroule pendant les Jeux olympiques de Munich en 1972, lorsque l'équipe de télévision américaine est contrainte d'interrompre soudainement la diffusion des compétitions pour couvrir la prise d'otages en direct des athlètes israéliens. Un événement suivi à l'époque par près d'un milliard de personnes dans le monde. Au cœur de l'histoire, Geoff, jeune producteur ambitieux, veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge, son patron et légendaire directeur de la télévision. Avec sa collègue allemande et interprète Marianne, et son mentor Marvin Bader, Geoff se retrouve confronté aux dilemmes de l'actualité et de la morale.

Critique de Sabine

Ce film retrace les 22 heures de la prise d'otages des athlètes israéliens par un commando terroriste palestinien lors des Jeux Olympiques de 1972. La force de ce film réside dans son point de vue, celui de l'équipe de télévision ABC Sports. C'est la seule télévision américaine à être sur place pour couvrir les Jeux Olympiques de Munich. Nous découvrons les coulisses de ce média. Durant une heure et demi, nous sommes immergés dans les studios d'ABC, avec l'équipe de journalistes. Nous suivons leurs réflexions, leurs doutes, la pression, leurs espoirs, leurs angoisses. Cette journée est reconstituée avec minutie jusqu'à sa fin tragique. Tim Fehlbaum réussit un thriller journalistique, sans jamais tomber dans le piège du sensationnalisme.

Tim Fehlbaum est un réalisateur suisse (Tides, Hell), qui a étudié à Munich. Avec ses producteurs munichois, il commence à travailler sur le scénario. Ils obtiennent l'accord d'ABC et des protagonistes de l'époque. Un tournage en langue anglaise avec des comédiens américains s'impose. Il se déroule dans les studios de la Bavaria à Munich. Cette proximité avec les lieux du drame a aidé les interprètes.
L'autre force de ce film est son casting crédible. John Magaro interprète le jeune réalisateur Geoff Mason, qui vient travailler pour la première fois et faire ses preuves auprès du directeur, Roone Arledge (Peter Sarsgaard), grâce à son mentor Marvin Bader (Ben Chaplin). Le casting inclut un technicien français interprété par Zinedine Soualem et une traductrice allemande (Leonie Benesch). Cette équipe de journalistes sportifs se trouve confrontée à la couverture d'une prise d'otages politiques. 

Cet événement tragique est le premier à avoir été couvert en direct et retransmis dans le monde entier, devant 900 millions de téléspectateurs. Comme ABC avait construit son studio, à côté du Village Olympique, ils étaient les seuls à avoir une caméra pointée sur l'immeuble de la prise d'otages. A l'heure des chaînes d'information en continue, ce film pose des questions toujours actuelles sur l'éthique des journalistes. Il y a dix ans, durant les attentats de Charlie et de l'Hyper Cacher, BFM TV avait révélé à l'antenne la présence d'otages cachés dans la chambre froide de l'Hyper Cacher. La chaîne avait ensuite été mis en demeure de ne plus diffuser de séquences portant atteinte à la sauvegarde de l'ordre public. 5Septembre, un film d'intérêt public.

Le film est nommé aux Oscars 2025 dans la catégorie Meilleur scénario original. 

5 septembre (September 5)
Réalisé par Tim Fehlbaum
Écrit par Moritz Binder, Tim Fehlbaum, Alex David
Produit par Philipp Trauer, Thomas Wöbke, Tim Fehlbaum, Sean Penn, John Ira Palmer, John Wildermuth
Avec Peter Sarsgaard, John Magaro, Ben Chaplin, Leonie Benesch, Zinedine Soualem
Directeur de la photographie : Markus Förderer
Montage : Hansjörg Weißbrich
Musique : Lorenz Dangel
Sociétés de production : BerghausWöbke Filmproduktion, Projected Picture Works, Constantin Film, Edgar Reitz Filmproduktion
Distribué par : Paramount Pictures (Etats-Unis), Paramount Pictures (France)
Dates de sortie : 29 août 2024 (Venise), 13 décembre 2024 (États-Unis), 5 février 2025 (France)
Durée : 94 minutes

Vu le 3 Décembre 2024 à l'UGC Neuilly

Note de Sabine:

Critique de Mulder

Il y a des films qui racontent l'histoire et d'autres qui vous donnent l'impression de la vivre. Le film September 5 de Tim Fehlbaum appartient résolument à cette dernière catégorie : il relate de manière tendue, implacable et stimulante la prise d'otages des Jeux olympiques de Munich en 1972, vue à travers les yeux de l'équipe de radiodiffusion d'ABC Sports. En moins de 95 minutes, le réalisateur Tim Fehlbaum parvient à recréer l'une des journées les plus tristement célèbres de l'histoire moderne, non pas en se concentrant sur les événements tragiques eux-mêmes, mais en enfermant les spectateurs dans une salle de contrôle remplie d'écrans encombrants, de casques statiques et d'un sentiment d'effroi croissant. Le résultat est un pur chef-d'œuvre d'économie narrative, de précision technique et de complexité éthique, un film qui reste dans l'esprit longtemps après sa dernière image.

Si vous vous attendez à une épopée tentaculaire comme le Munich de Steven Spielberg ou à un documentaire profondément politique comme Un jour en septembre, adaptez vos attentes. September 5 ne cherche pas à dramatiser la violence de ce jour fatidique ou à fournir une histoire complète du conflit israélo-palestinien. Au lieu de cela, il se concentre sur un cadre unique et claustrophobe : la salle de contrôle d'ABC Sports, où une équipe de diffuseurs - initialement préparée à couvrir le volley-ball et la boxe - est soudainement projetée au cœur d'une crise internationale en direct. En se concentrant exclusivement sur le point de vue des médias, le réalisateur Tim Fehlbaum réalise un film qui porte autant sur le processus de narration que sur l'histoire elle-même.

Dès le début, la tension est palpable. Le film s'ouvre sur l'équipe d'ABC en pleine diffusion d'une émission de routine, captant l'énergie des Jeux olympiques avec le professionnalisme joyeux de reporters sportifs chevronnés. Mais le calme est rompu lorsqu'on apprend que des coups de feu ont été tirés dans les dortoirs des athlètes israéliens. Ce qui se passe est une description en temps réel du chaos, alors que l'équipe s'efforce de rassembler les faits, de résoudre les dilemmes éthiques et de garder son sang-froid sous une pression inimaginable. Le fait que l'essentiel de l'action se déroule dans une seule pièce ne fait qu'accroître l'intensité : chaque appel téléphonique, chaque échange chuchoté et chaque décision ont un poids de vie ou de mort.

Au cœur de ce maelström se trouve Geoffrey Mason, un producteur débutant interprété avec un brio discret par John Magaro. Mason est un personnage ordinaire, une doublure pour tous ceux d'entre nous qui se sont déjà sentis dépassés par une tâche qui dépassait de loin leurs capacités. Au début de la crise, il n'est qu'un rouage de plus dans la machine, s'attachant à assurer des transitions fluides entre les événements. Mais lorsque l'ampleur de la situation devient évidente, Geoffrey Mason se retrouve au centre d'une tempête, contraint de prendre des décisions en une fraction de seconde qui définiront sa carrière - et qui risquent de modifier le cours de la crise elle-même. L'interprétation de John Magaro est une étude du chaos contrôlé ; on peut voir le poids de chaque décision gravé sur son visage, ses yeux passant d'un écran à l'autre alors qu'il tente de trouver un équilibre entre la responsabilité journalistique et l'envie primitive d'obtenir l'information en premier.

Face à Geoffrey Mason, Peter Sarsgaard incarne Roone Arledge, le chef charismatique mais calculateur d'ABC Sports. Peter Sarsgaard imprègne son personnage d'une présence magnétique, le dépeignant comme un homme mû par l'ambition mais non dépourvu d'humanité. C'est Roone Arledge qui insiste pour qu'ABC Sports garde le contrôle de l'histoire plutôt que de la céder à la division des informations, une décision qui déclenche des débats houleux au sein de l'équipe. S'agit-il de fournir aux téléspectateurs la couverture la plus précise et la plus immédiate possible, ou s'agit-il d'un stratagème cynique pour augmenter l'audimat ? Peter Sarsgaard s'acquitte de cette tâche éthique avec aplomb, son attitude calme contrastant fortement avec le chaos qui l'entoure.

Et puis il y a Leonie Benesch, qui livre une performance exceptionnelle dans le rôle de Marianne Gebhardt, l'interprète allemande de l'équipe. Marianne Gebhardt  est l'un des personnages les plus fascinants du film, non seulement en raison de son rôle essentiel dans la traduction des mises à jour critiques, mais aussi parce qu'elle représente bien plus que cela : la dynamique des genres dans une salle de rédaction dominée par les hommes, la relation difficile de l'Allemagne avec son passé nazi, et la force tranquille d'une personne déterminée à faire ce qu'il faut malgré le fait qu'elle soit sous-estimée à chaque instant. Il y a un moment particulièrement frappant au début du film, lorsqu'un collègue lui demande d'aller chercher du café, et qu'un autre lui fait remarquer qu'elle est la seule personne dans la pièce à comprendre les mises à jour de la police allemande. C'est un petit mais puissant rappel de la façon dont les contributions des femmes sont souvent négligées, même dans les moments les plus critiques.

Ce qui distingue September 5 des autres drames historiques, c'est l'attention méticuleuse qu'il porte aux détails. La conception de la production est tout simplement stupéfiante, recréant la technologie analogique des années 1970 avec une précision troublante. On peut presque sentir le bourdonnement des caméras encombrantes, le poids des téléphones à cadran et la chaleur des moniteurs qui brillent faiblement dans la salle de contrôle exiguë. La décision detim  Fehlbaum d'utiliser des prises de vue à la main ajoute à la qualité viscérale du film, vous donnant l'impression d'être une mouche sur le mur pendant que l'histoire se déroule. Les textures granuleuses et la palette de couleurs sourdes évoquent les images d'actualité de l'époque, mêlant harmonieusement des extraits d'archives à des scènes dramatisées.

Mais le film n'est pas seulement une merveille technique, c'est aussi une exploration profondément philosophique du rôle des médias en temps de crise. Lorsque l'équipe d'ABC se demande si elle doit diffuser certaines images ou rapporter des informations non vérifiées, le public est contraint de se poser des questions embarrassantes sur l'éthique journalistique. Doit-on montrer l'exécution d'un otage en direct à la télévision ? Les revendications des terroristes méritent-elles d'être diffusées ? Et, ce qui est peut-être le plus effrayant, la diffusion de ces événements ne donne-t-elle pas, par inadvertance, aux terroristes exactement ce qu'ils veulent ? Ces questions ne sont pas nouvelles, mais Tim Fehlbaum les pose d'une manière qui semble urgente et pertinente, en particulier à une époque où les médias sociaux ont brouillé les frontières entre le reportage et le sensationnalisme.

La conception sonore du film mérite une mention spéciale. Des voix superposées des reporters qui crient dans les écouteurs au bourdonnement inquiétant de l'électricité statique sur les moniteurs, chaque détail auditif ajoute à l'atmosphère de chaos contrôlé. La partition du compositeur Lorenz Dangel est tout aussi efficace, restant le plus souvent en arrière-plan mais amplifiant la tension à des moments clés. C'est le genre de bande-son qui s'insinue furtivement en vous, augmentant votre anxiété sans jamais attirer l'attention sur elle.

Malgré ses nombreux points forts, September 5 n'est pas exempt de défauts. En se concentrant si étroitement sur la salle de contrôle, le film sacrifie une partie du contexte historique et politique plus large qui aurait pu ajouter de la profondeur à son récit. Si cette focalisation est sans aucun doute un choix stylistique, elle risque d'aliéner les spectateurs qui ne connaissent pas les détails du massacre de Munich ou du conflit israélo-palestinien. L'absence de ces éléments contextuels donne au film une impression d'insularité, comme s'il était plus préoccupé par les mécanismes du journalisme que par les enjeux humains de la tragédie qu'il couvre.

Cela dit, cette focalisation étroite est aussi la plus grande force du film, lui permettant de fonctionner comme un thriller axé sur les personnages plutôt que comme une grande épopée historique. La décision de Tim Fehlbaum de garder la caméra à l'intérieur de la salle de contrôle crée un sentiment d'immédiateté presque insupportable, piégeant le public dans le même environnement suffocant que les personnages. C'est un choix audacieux, qui s'avère très payant en termes de tension dramatique.

Alors que le film s'achemine vers son inévitable conclusion, les enjeux atteignent des sommets. Les erreurs de l'équipe d'ABC - comme le fait d'annoncer prématurément que les otages ont été sauvés - rappellent douloureusement la faillibilité des journalistes, même les mieux intentionnés. Et lorsque Jim McKay (représenté par des images d'archives) prononce sa célèbre phrase, Ils sont tous partis, le poids de la tragédie frappe comme un coup de poing. C'est un moment obsédant, qui souligne l'immense responsabilité de ceux qui documentent l'histoire en temps réel.

September 5 est plus qu'un drame historique - c'est une méditation sur le pouvoir et le danger de la narration. C'est un film qui nous oblige à affronter des vérités gênantes sur les médias, leur rôle dans la formation de notre perception des événements et les compromis éthiques qui accompagnent souvent la recherche de l'histoire. Ce n'est pas un film parfait, mais c'est un film important, et à une époque où la frontière entre information et divertissement n'a jamais été aussi floue, son message semble plus urgent que jamais. Lorsque le générique a défilé, on se retrouve à réfléchir non seulement aux événements de ce jour-là, mais aussi aux répercussions qui continuent de façonner notre monde. Le 5 septembre n'est pas seulement un film sur le passé, c'est une mise en garde pour le présent et un appel à l'action pour l'avenir. C'est un pur chef-d'œuvre captivant qui donne à réfléchir et qui mérite d'être vu, débattu et mémorisé.

5 septembre (September 5)
Réalisé par Tim Fehlbaum
Écrit par Moritz Binder, Tim Fehlbaum, Alex David
Produit par Philipp Trauer, Thomas Wöbke, Tim Fehlbaum, Sean Penn, John Ira Palmer, John Wildermuth
Avec Peter Sarsgaard, John Magaro, Ben Chaplin, Leonie Benesch, Zinedine Soualem
Directeur de la photographie : Markus Förderer
Montage : Hansjörg Weißbrich
Musique : Lorenz Dangel
Sociétés de production : BerghausWöbke Filmproduktion, Projected Picture Works, Constantin Film, Edgar Reitz Filmproduktion
Distribué par : Paramount Pictures (Etats-Unis), Paramount Pictures (France)
Dates de sortie : 29 août 2024 (Venise), 13 décembre 2024 (États-Unis), 5 février 2025 (France)
Durée : 94 minutes

Vu le 21 janvier 2025 au UGC Danton  

Note de Mulder: