Titre original: | Mortelle raclette |
Réalisateur: | François Descraques |
Sortie: | Canal+ |
Durée: | 64 minutes |
Date: | 25 décembre 2024 |
Note: |
Le film Mortelle Raclette réalisé par François Descraques, réussit l'exploit de marier habilement deux genres a priori incompatibles : l'horreur et la comédie absurde. Dès le titre, le ton est donné : nous voilà embarqués dans une aventure où une tempête de neige, un chalet isolé et un tournage de film pour adultes deviennent les ingrédients d’un festin cinématographique totalement décalé. Mais attention, sous l’apparente légèreté se cache une véritable réflexion sur le cinéma de genre et ses codes, ponctuée de clins d’œil malicieux à des œuvres cultes.
L’histoire se concentre sur un héritier un peu farfelu de l’industrie du cinéma pour adultes qui décide de révolutionner le milieu en produisant un film éco-responsable. Le concept, déjà absurde, prend une tournure encore plus extravagante lorsque l’équipe se retrouve bloquée dans un chalet savoyard par une tempête de neige, sans connexion au monde extérieur. Comme si cela ne suffisait pas, un ancien chasseur alpin, libéré d’un glacier où il était emprisonné depuis 1888, fait irruption dans leur quotidien. Ce dernier, phobique de la nudité – un comble dans ce contexte –, sème la panique parmi les occupants. Loin d’être un simple prétexte à des situations comiques, cette intrigue explore avec ingéniosité les relations humaines dans un contexte oppressant.
François Descraques, connu pour son précédent film Le Visiteur du Futur, excelle ici à détourner les codes des films d’horreur et des huis clos. Le chalet enneigé, cadre classique du genre, devient un véritable personnage à part entière. Chaque recoin, chaque pièce regorge d'indices visuels qui enrichissent la narration tout en plongeant le spectateur dans une atmosphère à la fois inquiétante et hilarante. Le contraste entre l’ambiance glaciale de l’extérieur et la chaleur oppressante des interactions à l’intérieur du chalet est savamment orchestré, rappelant des chefs-d’œuvre comme The Shining ou Evil Dead. François Descraques ne se contente pas d’emprunter ces codes : il les subvertit, les modernise, tout en y ajoutant sa touche personnelle d’humour absurde.
Le casting joue un rôle clé dans cette réussite. Faustine Koziel, Jessé Rémond Lacroix et Bérangère McNeese incarnent avec justesse des personnages aussi farfelus qu’attachants. Leur dynamique de groupe reflète une complicité palpable, renforcée par des dialogues ciselés et un jeu d’acteurs en parfaite harmonie avec le ton du film. Mention spéciale à l’interprétation du chasseur alpin, qui parvient à mêler menace et ridicule avec un équilibre impressionnant. Le personnage devient rapidement le pivot des moments les plus mémorables du film, oscillant entre terreur et absurdité.
Ce qui distingue véritablement Mortelle Raclette de nombreuses comédies horrifiques contemporaines, c’est son habileté à jongler avec ses influences. François Descraques s’inspire ouvertement des classiques du genre, allant d’Evil Dead pour ses moments gore loufoques à Twin Peaks pour son ambiance étrange et déroutante. Chaque référence est intégrée avec soin, sans jamais alourdir la narration. Au contraire, elles enrichissent l’expérience du spectateur, qui prend plaisir à déceler ces clins d’œil tout au long du film. Ces emprunts ne sont pas de simples hommages : ils servent le propos du film en renforçant son identité hybride.
La musique, quant à elle, joue un rôle fondamental dans l’immersion. Alternant entre des sonorités rétro et des compositions atmosphériques, la bande-son accompagne parfaitement l’action. Elle parvient à renforcer l’humour tout en intensifiant les moments de tension, créant une dualité musicale qui reflète à merveille l’essence du film. L’utilisation de thèmes kitsch assumés ajoute une couche supplémentaire de second degré, invitant le spectateur à ne jamais prendre l’ensemble trop au sérieux.
Le décor, bien que majoritairement tourné en région parisienne, réussit à recréer l’illusion d’un chalet savoyard isolé grâce à un savant mélange d’effets pratiques et numériques. Les détails apportés à la conception des lieux témoignent d’un soin particulier, rendant chaque scène visuellement captivante. Le choix de situer l’action dans un cadre enneigé renforce l’idée de claustrophobie, un thème cher au cinéma d’horreur, tout en offrant des opportunités comiques inattendues, comme une course-poursuite hilarante dans la neige.
Au-delà de son aspect comique, Mortelle Raclette aborde subtilement des thèmes plus sérieux, tels que la pression sociale, la peur de l’échec et les relations de pouvoir. Loin d’être moralisateur, le film utilise ces thématiques pour enrichir ses personnages, leur donnant une profondeur inattendue. C’est là une des forces de Descraques : réussir à marier l’absurde à des enjeux humains universels.
Mortelle Raclette est bien plus qu’un simple film de genre. C’est une déclaration d’amour au cinéma, aux récits absurdes et aux spectateurs qui osent s’aventurer hors des sentiers battus. François Descraques livre ici une œuvre originale et résolument décalée, qui trouvera sans aucun doute sa place parmi les classiques modernes du cinéma indépendant. Un régal à savourer, bien sûr, avec une bonne raclette et sur Canal+ uniquement. Les abonnés vont pouvoir festoyer ce 25 décembre 2024 devant ce film et un bon repas arrosé.
Mortelle Raclette
Réalisé par François Descraques
Produit par Eric Laroche, Raphaël Rocher, Arielle Saracco
Écrit par François Condamin, Bertrand Delaire, Arielle Saracco
Avec Faustine Koziel, Jessé Rémond Lacroix, Bérangère Mc Neese, Antoine Gouy, Esteban Vial, Leon David Salazar, Irina Muluile, Dorcas Coppin, Thibault Farnoux , Fred Testot , Bertrand Usclat
Musique : Jimmy Tillier
Directeur de la photographie : Matthieu Misiraca
Montage : Dorian Tabone
Sociétés de production : Empreinte digitale, Polenta
Distribué par Canal + (France)
Date de sortie : 25 décembre 2024 (France)
Durée : 64 minutes
Vu le 8 décembre 2024 au Max Linder Panorama
Note de Mulder: