Maria

Maria
Titre original:Maria
Réalisateur:Pablo Larraín
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:05 février 2025
Note:
La vie de la plus grande chanteuse d’opéra du monde, Maria Callas, lors de ses derniers jours, en 1977, à Paris.

Critique de Mulder

Maria réalisé par Pablo Larraín, dernier de sa trilogie de biopics sur des femmes emblématiques et troublées, se présente comme une méditation poétique sur Maria Callas, l'une des chanteuses d'opéra les plus vénérées du XXe siècle. Angelina Jolie, qui incarne l'essence de Callas, traverse la somptueuse mise en scène du film comme un esprit hanté. Le film est visuellement somptueux, enrichi par la brillance cinématographique d'Ed Lachman et le travail artistique méticuleux du concepteur de production Guy Hendrix Dyas et du créateur de costumes Massimo Cantini Parrini. Pourtant, sous ce vernis d'opulence se cache un vide émotionnel - le sentiment que le film, malgré toute sa révérence, ne parvient pas à pénétrer les couches de l'humanité de Callas.

Maria Callas, surnommée La Divina, est une figure inégalée dans le monde de l'opéra. Sa voix, décrite par Leonard Bernstein comme la bible de l'opéra et ses performances dramatiques l'ont transformée en icône. Cependant, le film Maria se limite à la dernière semaine de vie de la chanteuse en 1977, encadrant ses luttes avec une gloire déclinante, une perte personnelle et une dépendance à la drogue dans les murs dorés de son appartement parisien. Le film s'ouvre sur l'image brutale du corps sans vie de Callas - un dispositif de cadrage qui souligne l'inévitabilité de sa mort mais qui atténue en même temps la tension du récit. L'interprétation de la Callas par Angelina Jolie est une étude des contradictions. D'une part, elle saisit l'équilibre royal et la vulnérabilité tragique de la soprano, livrant une performance d'une maîtrise et d'une nuance immenses. D'autre part, le scénario de Steven Knight sape souvent ses efforts, réduisant les luttes de Callas à des platitudes et à des flashbacks épisodiques qui ne parviennent pas à transmettre la profondeur de son génie ou les subtilités de sa douleur personnelle.

La plus grande force du film réside dans ses réalisations esthétiques. La direction photographie d’Edward Lachman alterne les tons sépia pour le présent et le noir et blanc pour les souvenirs de Callas, créant une dichotomie visuelle qui reflète le fossé entre la réalité déclinante de la diva et son passé vibrant. Les costumes de Parrini, dont beaucoup sont inspirés de la véritable garde-robe de Callas, ajoutent un air d'authenticité et de grandeur. Angelina Jolie glisse tout au long du film dans des vêtements qui respirent l'élégance, alors même que son personnage succombe au désespoir. Le décor parisien, rendu avec une précision picturale, devient un personnage à part entière, amplifiant l'isolement de Callas. Des intérieurs ornés de son appartement aux rues vides et obsédantes, chaque image est composée avec le soin d'une peinture de la Renaissance. Cependant, ces éléments visuels sont souvent perçus comme des distractions par rapport à un récit qui peine à trouver ses marques.

La musique, au cœur de l'identité de Maria Callas, est à la fois une force et une occasion manquée dans Maria. Angelina Jolie aurait suivi des mois d'entraînement vocal, et sa voix se mêle harmonieusement aux enregistrements de Callas. Bien que les arias - comprenant des œuvres de Verdi, Puccini et Bellini - soient d'une clarté époustouflante, elles sont davantage utilisées pour créer une ambiance que comme outils narratifs. Le film s'attarde rarement sur les mécanismes de l'art de Callas ou sur les conséquences de son déclin vocal sur sa psyché, laissant ainsi un aspect crucial de son héritage inexploré. L'utilisation de l'opéra comme métaphore de la vie de Callas est poignante mais peu développée. Des scènes telles que ses représentations orchestrales imaginées ou sa confrontation avec un journaliste critique à l'extérieur d'une salle de répétition laissent entrevoir des couches de complexité plus profondes, mais n'aboutissent pas à une exploration significative.

La relation de Maria Callas avec Aristote Onassis, interprétée avec un charme bourru par Haluk Bilginer, occupe une place importante dans le récit. Leur liaison tumultueuse, marquée par la trahison et l'affection persistante, offre certains des moments les plus chargés d'émotion du film. Cependant, ces flashbacks, rendus en noir et blanc, semblent détachés du récit actuel, ressemblant plus à des vignettes isolées qu'à des éléments d'un ensemble cohérent. Les interactions de Jolie avec son fidèle majordome Ferruccio, joué par Pierfrancesco Favino, et sa gouvernante dévouée Bruna, interprétée par Alba Rohrwacher, offrent des aperçus de l'humanité de Maria Callas. Leur dévotion tranquille contraste fortement avec l'attitude souvent impérieuse de la diva, soulignant la solitude qui a marqué ses derniers jours. Cependant, ces relations ne sont pas suffisamment explorées, laissant le public dans l'attente de plus d'intimité et de compréhension.

Maria conclut la trilogie de Larraín, après Jackie et Spencer, qui examinaient toutes deux des femmes emblématiques à des moments critiques de leur vie. Alors que Jackie offrait un regard pénétrant sur le chagrin et la résilience de Jacqueline Kennedy, et que Spencer plongeait dans les troubles psychologiques de la princesse Diana, Maria ressemble davantage à une élégie qu'à une exploration. Le film pleure le déclin de Maria Callas mais célèbre rarement ses triomphes, la réduisant à une figure tragique plutôt qu'à une artiste multidimensionnelle. Cette approche soulève des questions sur l'objectif des biopics : Sont-ils censés humaniser leurs sujets ou élever leurs légendes ? Dans Maria, Pablo Larraín penche pour la seconde option, créant un film qui est plus un sanctuaire qu'une histoire. L'inclusion d'images d'archives de la Callas dans le générique de fin souligne la disparité entre la femme réelle et son portrait cinématographique, un rappel brutal de la vitalité et du charisme que le film peine à capturer.

Maria est un film d'une beauté et d'une ambition immenses, porté par la performance fascinante d'Angelina Jolie. Pourtant, sa vénération pour son sujet devient sa plus grande limite, faisant de Maria Callas une icône plus qu'une personne. Si les amateurs d'opéra peuvent trouver beaucoup à admirer dans sa splendeur visuelle et musicale, le film n'atteint finalement pas son objectif, qui est d'éclairer la vie et l'âme de La Divina. Comme une aria parfaite dépourvue d'émotion, Maria éblouit les sens mais laisse le cœur sur sa faim.

Maria
Réalisé par Pablo Larraín
Écrit par Steven Knight
Produit par Juan de Dios Larraín, Jonas Dornbach, Lorenzo Mieli, Pablo Larraín, Janine Jackowski, Maren Ade, Simone Gattoni
Avec Angelina Jolie, Pierfrancesco Favino, Alba Rohrwacher, Haluk Bilginer, Kodi Smit-McPhee
Cinématographie : Edward Lachman
Montage : Sofía Subercaseaux
Sociétés de production : Fremantle, The Apartment Pictures, Komplizen Film, Fabula, FilmNation Entertainment
Distribué par StudioCanal (Arp Sélection), Netflix (Etats-Unis)
Dates de sortie : 29 août 2024 (Venise), 27 novembre 2024 (États-Unis), 5 février 2025 (France).
Durée : 124 minutes

Vu le 22 décembre sur Netflix

Note de Mulder: