Titre original: | Blood star |
Réalisateur: | Lawrence Jacomelli |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 89 minutes |
Date: | 11 décembre 2024 |
Note: |
Blood Star, le premier film de Lawrence Jacomelli, se veut être un voyage évocateur aux intersections sombres du pouvoir, du contrôle et de la survie, encadré par la toile de fond obsédante du désert du Nouveau-Mexique. L'histoire est centrée sur Bobbie Torres, interprétée avec une détermination farouche par Britni Camacho, qui se retrouve enfermée dans un dangereux jeu du chat et de la souris avec le shérif Bilstein, moralement corrompu, interprété par John Schwab, très convaincant. Si la prémisse - un voyageur solitaire confronté à des forces malveillantes sur un tronçon de route isolé - est familière, Lawrence Jacomelli imprègne son récit de suffisamment de profondeur thématique et de flair visuel pour que Blood Star se démarque, même s'il emprunte le chemin bien balisé de films similaires.
Dès la séquence d'ouverture, qui dépeint de façon saisissante le destin horrible d'une autre jeune femme aux mains du shérif Bilstein, Jacomelli établit un ton de menace implacable. Cette introduction présente des similitudes frappantes avec Duel (1971) de Steven Spielberg, où la désolation de l'Ouest américain devient le théâtre d'une terreur existentielle. Comme le personnage de Dennis Weaver dans Duel, Bobbie se retrouve dans une situation où sa survie dépend de son esprit et de sa débrouillardise. Cependant, là où l'antagoniste de Steven Spielberg reste une force énigmatique et sans visage, Lawrence Jacomelli plonge dans la psyché du shérif, présentant Bilstein non seulement comme le symbole d'une autorité malveillante, mais aussi comme un manipulateur sadique qui se nourrit du pouvoir pour lui-même. Le plaisir qu'il prend à jouer avec ses victimes ajoute une couche psychologique troublante qui fait écho à la dynamique du film Breakdown (1997) de Jonathan Mostow, où les jeux de pouvoir entre le ravisseur et le captif font monter la tension à des niveaux insoutenables.
Ce qui distingue Blood Star de ses prédécesseurs, c'est son exploration délibérée de la dynamique des genres. La vulnérabilité de Bobbie, femme voyageant seule, devient un point central du récit, reflétant les craintes plus générales de la société concernant l'autonomie et la sécurité des femmes. Le film critique habilement la façade de l'autorité en dépeignant le shérif Bilstein comme un loup déguisé en agneau, quelqu'un chargé de protéger mais qui, au contraire, s'en prend à ceux qu'il juge plus faibles. Ce thème résonne avec les accents féministes de films comme Thelma & Louise (1991) de Ridley Scott, où les femmes sont confrontées à la misogynie et à la violence systémiques, ce qui les oblige à se réapproprier leur pouvoir d'action de manière extraordinaire. L'inclusion du personnage de Sydney Brumfield, Amy, une serveuse qui rejoint brièvement Bobbie, reflète la camaraderie observée dans Thelma & Louise, bien que dans Blood Star, ce lien soit tragiquement éphémère, soulignant l'isolement et la précarité du voyage de Bobbie.
La décision de Lawrence Jacomelli de situer le film dans un vaste désert brûlé par le soleil est autant un choix narratif qu'esthétique. Le paysage impitoyable devient un antagoniste silencieux, amplifiant l'isolement et la vulnérabilité de Bobbie. Les compositions austères, capturées par le directeur de la photographie Pascal Combes-Knoke, évoquent la poésie visuelle de No Country for Old Men (2007), où les étendues stériles symbolisent un monde sans loi et moralement ambigu. Dans Blood Star, les plans larges d'autoroutes vides et de stations-service poussiéreuses sont ponctués de gros plans claustrophobes sur Bobbie et le shérif, soulignant le déséquilibre oppressant du pouvoir entre eux. La narration visuelle de Lawrence Jacomelli est particulièrement efficace dans des moments tels que la juxtaposition d'une épave de ferraille avec un aperçu glaçant de la cache de téléphones volés du shérif - symboles de vies interrompues et de rêves brisés.
Les interprétations ancrent la résonance émotionnelle du film. L'interprétation de Bobbie par Britni Camacho est empreinte de défi et de vulnérabilité. Son évolution d'une jeune femme insouciante à une figure de résilience reflète les arcs de personnages comme Sally Hardesty dans Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974). Pourtant, là où Sally est rendue presque folle par la terreur incessante à laquelle elle est confrontée, Bobbie reste concentrée, animée d'une volonté indomptable de survivre. Le shérif Bilstein de John Schwab, quant à lui, est une étude de la menace contrôlée, ses actions étant soulignées par une espièglerie déconcertante. Son interprétation rappelle le charme sadique de méchants comme Anton Chigurh dans No Country for Old Men et Max Cady dans Cape Fear (1991) de Martin Scorsese, des personnages qui allient le charisme à un mépris effrayant de la moralité.
Si Blood Star réussit à maintenir la tension et à offrir de véritables moments de choc, il n'est pas exempt de défauts. Le scénario, coécrit par Lawrence Jacomelli, George Kelly et Victoria Hinks Taylor, s'appuie parfois trop sur des archétypes, et certains points de l'intrigue n'ont pas la force narrative nécessaire pour laisser un impact durable. Le brusque changement de ton du film vers l'horreur pure et simple lors de son apogée, bien que visuellement saisissant, vire à la caricature et nuit à la critique nuancée de la misogynie qui sous-tend les actes précédents. Cette inégalité rappelle les défis tonaux rencontrés par The Nightingale (2018) de Jennifer Kent, qui oscille de la même manière entre réalisme brut et brutalité stylisée.
Malgré ces lacunes, Blood Star reste un premier film convaincant qui met en évidence le potentiel de Lawrence Jacomelli en tant que cinéaste ayant un œil vif pour la narration visuelle et une volonté de s'attaquer à des thèmes complexes. Le succès du film réside dans sa capacité à maintenir la tension tout en invitant les spectateurs à réfléchir aux structures sociétales qui favorisent les abus et l'exploitation. Les comparaisons avec les classiques du genre sont inévitables, mais Blood Star se démarque par sa voix distincte et son examen sans complaisance du côté obscur de l'autorité.
Blood Star est à la fois une aventure palpitante et un commentaire qui donne à réfléchir, mêlant des éléments d'horreur psychologique, de thriller de survie et de critique sociale dans un récit tendu et visuellement saisissant. S'il n'atteint pas les sommets des films dont il s'inspire, il constitue un ajout digne de ce nom au canon des thrillers routiers et un début prometteur pour la carrière de réalisateur de Lawrence Jacomelli. Les amateurs de suspense axé sur les personnages y trouveront leur compte, même si le film les laisse songeurs quant à l'équilibre précaire entre la confiance et le pouvoir dans un monde impitoyable.
Blood Star
Réalisé par Lawrence Jacomelli
Écrit par Lawrence Jacomelli, George Kelly, Victoria Hinks Taylor
Avec Britni Camacho, John Schwab, Sydney Brumfield, Brandon Brown, Felix Merback, Wyomi Reed , Joseph Lopez, Eliot, Travis Lincoln Cox
Directeur de la photographie : Pascal Combes-Knoke
Montage : Ross Evison
Musique : Felix Lindsell-Hales
Société de production : Beast Productions, Fastback Films Pictures Up, Beast Los Angeles
Distribué par Plaion (UK), Swift (France)
Dates de sortie : 11 décembre 2024 (France)
Durée du film : 89 minutes
Vu le 12 novembre 2024
Note de Mulder: