Titre original: | Else |
Réalisateur: | Thibault Emin |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 100 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Else, le premier long métrage de Thibault Emin, est une exploration audacieuse, quoique inégale, des limites de l'individualité, de l'intimité et de l'humanité elle-même, enveloppée dans une horreur corporelle surréaliste et obsédante. Présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto (TIFF), le film présente un concept fascinant : un monde où les gens se fondent littéralement dans leur environnement, transformant l'intimité en une proposition volatile et grotesque. Si l'ambition d'Else est indéniable, son exécution trébuche sous le poids de ses propres idées, ce qui donne un film aussi fascinant que frustrant.
Au cœur d'Else se trouve Anx, interprété par Matthieu Sampeur, dont la performance capture un profond sentiment de malaise et de fragilité. Anx est socialement maladroit, un homme-enfant dont l'appartement - un espace kaléidoscopique et criard rempli de jouets et de couleurs vives - reflète son immaturité émotionnelle. Son lien inattendu avec Cass, interprétée par Édith Proust, constitue la colonne vertébrale du film. Cass est à l'opposé d'Anx : bruyante, effrontée et d'une liberté d'esprit sans équivoque. Leur romance improbable commence par une intimité maladroite et se transforme en chaos alors que le monde extérieur succombe à une pandémie apocalyptique.
La pandémie mise en avant dans le film Else n'est pas un virus ordinaire ; elle transforme les gens en éléments de leur environnement, les fusionnant avec des meubles, des trottoirs ou même d'autres personnes. Cette prémisse grotesque est brillamment réalisée à l'aide d'effets pratiques et d'une conception sonore inventive, qui confèrent à l'horreur une qualité tactile et viscérale. La direction photographie de Léo Lefèvre alterne entre des teintes vives, semblables à celles d'une vidéo amateur, et des images austères en noir et blanc, amplifiant ainsi les changements de tonalité du film. Le résultat est une expérience visuelle qui oscille entre l'intimité rêveuse et l'aliénation cauchemardesque.
Cependant, si le travail technique est louable, la narration, elle, laisse à désirer. Anx et Cass, en tant que personnages centraux, restent sous-développés, ce qui est frustrant. Cass, en particulier, est présentée comme une caricature plutôt que comme un individu à part entière, ce qui nuit aux enjeux émotionnels de leur relation. Alors que leur appartement devient à la fois un refuge et une prison, la profondeur psychologique de leur enfermement est suggérée mais jamais complètement explorée. Le film tente d'aborder les thèmes lourds de l'isolement, de la connexion et de la fragilité de l'identité, mais ces idées se perdent souvent dans la confusion des genres et l'incohérence des tons.
Le rythme du film est lui aussi une arme à double tranchant. Si la montée progressive de la tension reflète la lenteur de l'avancée de la pandémie, elle risque aussi de perdre l'engagement du public. Les moments d'horreur corporelle, bien que visuellement frappants, n'ont pas l'impact viscéral necéssaire. Les transformations grotesques sont plus cérébrales que terrifiantes, ce qui peut laisser les amateurs de genre en quête de sensations plus immédiates.
La décision de Thibault Emin de structurer Else autour d'un cadre traditionnel en trois actes limite également le potentiel du film. Compte tenu de la fluidité du temps et de l'espace suggérée par les effets de la pandémie, une approche plus expérimentale et non linéaire aurait pu mieux servir les thèmes de l'histoire et renforcer sa résonance émotionnelle. L'effroi existentiel qui imprègne le récit semble limité par l'adhésion du film aux techniques conventionnelles de narration.
Malgré ses défauts, Else est indéniablement ambitieux. La vision de Thibault Emin est celle d'une créativité audacieuse, et l'ambition thématique du film - aborder les questions de l'intimité, de l'individualité et de l'humanité face à une crise déshumanisante - est louable. La métaphore centrale du film, bien qu'elle ne soit pas entièrement originale, est d'une pertinence obsédante dans un monde encore aux prises avec les cicatrices psychologiques d'une pandémie mondiale. Sa capacité à faire réfléchir le public sur ses propres peurs de l'isolement et de la connexion est peut-être sa plus grande force.
Else est un film qui reste dans l'esprit, si ce n'est pour sa cohérence narrative, du moins pour ses images frappantes et ses idées provocantes. Thibault Emin ne parvient peut-être pas à fusionner romance, horreur et science-fiction en un tout cohérent, mais son premier long métrage fait de lui un cinéaste à la voix audacieuse et distincte. Pour ceux qui sont prêts à accepter ses défauts, Else offre une expérience cinématographique stimulante et stimulante - une réflexion troublante sur ce que cela signifie d'être « un » avec l'autre.
Else
Réalisé par Thibault Emin
Produit par Damien Lagogué
Écrit par Thibault Emin, Alice Butaud, Emma Sandona
Avec Matthieu Sampeur, Edith Proust, Lika Minamoto
Musique : Shida Shahabi
Direction photographie : Léo Lefèvre
Montage : Ariane Boukerche
Sociétés de production : Wrong Men, Les Produits Frais Rouge International, Tobina Film
Distribué par UFO Distribution (France), WTFilms International (Etats-Unis)
Date de sortie : NC
Durée : 100 minutes
Vu le 30 septembre 2024 (Fantastic Fest press screener)
Note de Mulder: