Titre original: | Better Man |
Réalisateur: | Michael Gracey |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 134 minutes |
Date: | 22 janvier 2025 |
Note: |
Le film Better Man de Michael Gracey est une réinvention audacieuse du biopic musical, un film qui défie les conventions avec son mélange d'imagerie surréaliste, d'honnêteté émotionnelle et d'ambition narrative. En donnant à Robbie Williams, icône flamboyante de la pop britannique, le rôle d'un singe en images de synthèse, dont la voix est celle de Robbie Williams lui-même et qui est physiquement incarné par le travail de motion-capture de Jonno Davies, Michael Gracey donne vie à un portrait profondément personnel et visuellement imaginatif d'un homme qui a passé des décennies à se produire pour être adulé tout en se débattant avec sa propre image de soi. Le concept, dérivé de l'aveu de Robbie Williams lui-même, qui a souvent eu l'impression d'être un singe dansant dans l'industrie du divertissement, fournit une lentille saisissante à travers laquelle l'histoire se déroule. Bien que peu conventionnel, ce choix sert de point d'ancrage thématique à un récit qui est à la fois familier dans sa structure d'ascension et de chute et rafraîchissant dans son exécution.
Le récit commence dans la ville ouvrière de Stoke-on-Trent, où le jeune Robbie Williams, interprété dans ses années de formation par Jack Sherran, est présenté comme un enfant qui trouve du réconfort en divertissant les autres malgré les cicatrices émotionnelles laissées par son père, Peter Williams, interprété avec complexité par Steve Pemberton. Peter Williams, un chanteur de cabaret qui rêvait de célébrité, a abandonné la famille très tôt, laissant Robbie Williams élevé par sa mère, Janet Williams, interprétée par Kate Mulvany, et sa grand-mère bien-aimée, Betty Williams, incarnée avec chaleur et profondeur par Alison Steadman. Ces premières années sont marquées par l'insécurité et le désir d'être approuvé, ce qui prépare le terrain pour l'ascension de Robbie Williams vers la célébrité en tant que plus jeune membre du boys band Take That, sous la direction de Nigel Martin-Smith, interprété par Damon Herriman.
Au fur et à mesure que l'histoire de Robbie Williams se déroule, le film explore le succès fulgurant de Take That et les pressions qui accompagnent le fait d'être propulsé sous les feux de la rampe à un jeune âge. Les séquences musicales qui retracent l'ascension du groupe comptent parmi les moments les plus visuellement exaltants du film. L'une des scènes les plus marquantes, sur le tube solo de Robbie Williams Rock DJ transforme les rues de Regent Street, à Londres, en une célébration vibrante et chorégraphiée de l'ambition et de l'énergie de la jeunesse. Chorégraphiée par Ashley Wallen, cette séquence témoigne de la capacité de Michael Gracey à associer des mouvements dynamiques à une narration visuelle audacieuse. Cependant, lorsque le film passe à la carrière solo de Robbie Williams, après son départ controversé de Take That, le ton change pour un examen plus introspectif du côté sombre de la célébrité. Les luttes de Robbie Williams contre l'addiction, la dépression et le doute de soi sont décrites avec une honnêteté sans faille, dressant le portrait cru et souvent déchirant d'un homme en guerre contre lui-même.
La performance de Jonno Davies dans le rôle de Robbie Williams capturé par le mouvement n'est rien de moins qu'extraordinaire. Grâce au travail sans faille de Weta Digital, son interprétation capture l'essence du charme, de la vulnérabilité et des tendances autodestructrices de Robbie Williams. Robbie Williams lui-même prête sa voix au personnage, racontant le film avec un mélange d'humour et de conscience de soi brutale. Des phrases comme Je suis un crétin narcissique, increvable et mangeur de merde donnent le ton d'un biopic qui n'a pas peur d'affronter les défauts de son sujet. Cette approche franche s'étend à la description de la relation tumultueuse de Robbie Williams avec Nicole Appleton, interprétée par Raechelle Banno. Leur romance, marquée par des moments de passion et de déchirement, est magnifiquement rendue dans une séquence de danse de salon sur la ballade de Robbie Williams She's the One. La scène capture les hauts et les bas de leur relation avec une profondeur émotionnelle qui transcende les éléments les plus fantastiques du film.
Alors que la décision de représenter Robbie Williams sous la forme d'un singe en images de synthèse aurait pu facilement dériver en gadget, la mise en scène de Michael Gracey veille à ce que la métaphore visuelle renforce la narration au lieu de l'affaiblir. La représentation simiesque sert de manifestation physique aux luttes internes de Robbie Williams, en particulier à son sentiment d'inadéquation et à la perception qu'il a de lui-même en tant que simple amuseur pour les masses. Ce thème est approfondi dans une séquence poignante lors de la performance record de Robbie Williams à Knebworth. Alors qu'il se tient devant une mer de fans en adoration, il est hanté par des hallucinations de son moi passé, également représenté sous la forme de singes, qui le narguent avec ses échecs et ses insécurités. La scène, chorégraphiée comme un champ de bataille surréaliste de démons intérieurs, est une représentation frappante du tribut psychologique de la célébrité et de la lutte constante pour l'acceptation de soi.
Les acteurs secondaires fournissent une riche galerie de personnages qui étayent les moments les plus extravagants du film. Le Peter Williams de Steve Pemberton est une figure profondément imparfaite mais sympathique, dont l'absence et le retour éventuel ajoutent une complexité émotionnelle au parcours de Robbie Williams. Betty Williams, interprétée par Alison Steadman, est une source d'amour inconditionnel et de stabilité, tandis que Nigel Martin-Smith, interprété par Damon Herriman, incarne la nature impitoyable de l'industrie musicale. Tom Budge, dans le rôle de Guy Chambers, auteur-compositeur et producteur, joue un rôle essentiel dans le succès solo de Robbie Williams, leur collaboration étant décrite comme à la fois fructueuse sur le plan créatif et transformatrice sur le plan personnel.
L'expérience de Michael Gracey en matière d'effets visuels et de vidéos musicales est évidente tout au long de Better Man, en particulier dans ses ambitieux numéros musicaux. Ces séquences, qui vont des duos intimes aux productions à grande échelle, sont visuellement époustouflantes et résonnent émotionnellement. La musique de Robbie Williams, réenregistrée pour le film, s'intègre parfaitement à la narration et sert souvent de reflet à l'état émotionnel du personnage. La juxtaposition d'hymnes joyeux comme Let Me Entertain You et de morceaux plus sombres comme Come Undone souligne la dualité du personnage de Robbie Williams, à la fois artiste et homme aux prises avec ses propres démons.
Cependant, Better Man n'est pas exempt de très légers défauts. La dépendance du film aux conventions du biopic - comme la relation père-fils fracturée et la descente dans la toxicomanie - sape parfois ses éléments les plus novateurs. Dans le dernier acte, la métaphore visuelle commence à donner l'impression d'être trop poussée, et on ne peut s'empêcher de se demander si une utilisation plus modérée du dispositif n'aurait pas eu plus d'impact. Malgré ces très légers défauts, le noyau émotionnel du film reste intact, porté par la sincérité de la narration de Robbie Williams et l'authenticité des performances.
La conclusion du film, qui a pour toile de fond la prestation emblématique de Robbie Williams à Knebworth, vient clore en beauté ce biopic non conventionnel. Dans un moment poignant, Robbie Williams chante My Way de Frank Sinatra, un clin d'œil à l'influence de son père et une déclaration de sa propre résilience. Cette scène résume le thème central du film : la quête de l'acceptation de soi face à une pression immense et à des bouleversements personnels. Elle témoigne de la capacité de Robbie Williams à affronter son passé avec honnêteté et humour, qualités qui font de Better Man à la fois une célébration de son art et une méditation sur les complexités de la célébrité.
Better Man est un film qui ose être différent. Michael Gracey et Robbie Williams s'emparent de la structure familière du biopic musical et lui insufflent de l'audace et du cœur, créant ainsi une œuvre aussi divertissante que stimulante. En embrassant à la fois l'absurde et le profondément humain, Better Man capture l'essence de Robbie Williams : un artiste qui n'a pas peur de mettre son âme à nu, avec ses défauts et tout, dans le but de créer des liens. C'est une expérience cinématographique qui, à l'instar de son sujet, est impossible à ignorer.
Better Man
Réalisé par Michael Gracey
Écrit par Michael Gracey, Oliver Cole, Simon Gleeson
Produit par Craig McMahon, Paul Currie, Michael Gracey, Coco Xiaolu Ma
Avec Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton, Alison Steadman
Directeur de la photographie : Erik Wilson
Musique : Batu Sener (partition), Robbie Williams (chansons)
Sociétés de production : Footloose Productions, Zero Gravity Management, Jumpy Cow Pictures, Showman, Rocket Science
Distribué par Roadshow Films (Australie), Paramount Pictures (Etats-Unis)
Dates de sortie : 30 août 2024 (Telluride), 25 décembre 2024 (États-Unis), 22 janvier 2025 (France).
Durée : 134 minutes
Vu le 13 décembre 2024 au Grand Rex
Note de Mulder: