Titre original: | Kraven the Hunter |
Réalisateur: | J. C. Chandor |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 127 minutes |
Date: | 16 décembre 2024 |
Note: |
Kraven the Hunter, dernier-né de l’univers Spider-Man développé par Sony, est une œuvre aussi fascinante qu’imparfaite. Ce film, qui revisite les origines du célèbre antagoniste des comics, déploie une énergie brute, un goût marqué pour la violence, mais peine à trouver l’équilibre entre ambition artistique et conventions hollywoodiennes. Avec son mélange de tragédie familiale, de vengeance personnelle et d’exploration de la nature humaine, le film est à la fois captivant et frustrant.
Dès les premières images, Kraven the Hunter nous plonge dans une atmosphère pesante et viscérale. Les paysages sauvages et la rudesse de la nature se conjuguent à un univers criminel brut et sans compromis. Les tonalités sombres et le style visuel évoquent une œuvre qui aspire à dépasser le simple cadre des adaptations de comics. Une musique immersive accompagne ces premières scènes, nous immergeant dans un monde où la violence et l’instinct semblent les maîtres mots. Pourtant, cette promesse initiale s’effrite peu à peu, car le film ne parvient pas toujours à s’émanciper des conventions attendues du genre.
Sergei Kravinoff, alias Kraven, interprété par Aaron Taylor-Johnson, est au cœur de cette odyssée. Mi-homme, mi-fauve, son personnage est traversé par des dilemmes moraux et des pulsions incontrôlées. Taylor-Johnson livre une performance intense, oscillant entre rage contenue et brutalité explosive. Son charisme physique et son investissement dans les scènes d’action sont indéniables. Pourtant, l’écriture de son personnage peine à lui donner une profondeur psychologique qui nous permettrait de pleinement adhérer à sa quête. Ce qui aurait pu être une exploration captivante de la dualité entre l’homme et la bête devient souvent une simple démonstration de force, au détriment d’une réflexion plus subtile. Le film joue avec l’idée d’un homme en quête de justice, mais cette dimension est parfois éclipsée par des séquences d’action spectaculaires mais vides de sens.
Le cœur émotionnel du film repose sur la relation entre Sergei et son père, Nikolai Kravinoff, interprété par Russell Crowe. Ce dernier incarne un patriarche cruel et tyrannique, obsédé par la force et le pouvoir. Russell Crowe, avec sa présence imposante et sa voix grave, domine chaque scène où il apparaît. Sa performance évoque un personnage complexe, mais le film réduit souvent ses motivations à des stéréotypes sur la masculinité toxique. En revanche, la dynamique entre Sergei et son frère Dmitri, un personnage plus fragile et vulnérable, offre quelques-uns des moments les plus touchants du film. Dmitri, interprété avec justesse par Fred Hechinger, représente une humanité que Sergei semble avoir perdue, ou qu’il tente désespérément de retrouver. Cette relation fraternelle, à la fois tendre et conflictuelle, aurait mérité davantage de place pour renforcer l’ancrage émotionnel du film.
Visuellement, Kraven the Hunter alterne entre le sublime et le bâclé. Certaines scènes d’action, notamment celles qui exploitent les capacités animales de Sergei, sont filmées avec une intensité viscérale qui captive. Les cascades, les poursuites et les combats offrent un spectacle brut, souvent magnifié par une caméra immersive. Cependant, ces moments sont ternis par des effets spéciaux inégaux, en particulier dans les représentations des animaux numériques. Ces failles techniques brisent parfois l’immersion, rendant certaines scènes involontairement comiques. Malgré ces défauts, il faut reconnaître au réalisateur J.C. Chandor une certaine audace dans la mise en scène. Les plans sont souvent élégants, et le film n’hésite pas à embrasser une esthétique sombre et rugueuse qui tranche avec les productions Marvel plus consensuelles. J.C. Chandor semble vouloir offrir une œuvre qui se distingue par son ton adulte et ses thématiques violentes, mais il est trop souvent freiné par les exigences du format blockbuster.
Les personnages secondaires, bien qu’intéressants sur le papier, manquent de consistance à l’écran. Ariana DeBose, dans le rôle de Calypso, apporte une énergie intrigante, mais son personnage manque de développement pour réellement marquer. Alessandro Nivola, en revanche, s’amuse dans le rôle du Rhino, offrant une performance exubérante qui contraste avec la gravité du reste du film. Cependant, son antagonisme reste superficiel, un problème récurrent pour les vilains dans les adaptations de comics. Le plus grand défaut de Kraven the Hunter réside dans son manque de cohérence. Le film aspire à être un récit introspectif et viscéral, mais il est trop souvent rattrapé par les exigences du genre. Les séquences d’action prennent le pas sur la narration, et les thématiques prometteuses sont sacrifiées au profit d’une surenchère de violence et de spectacle. Pourtant, dans ses meilleurs moments, le film offre des éclats de ce qu’il aurait pu être : une exploration captivante de la brutalité humaine, de la rédemption et de la lutte pour trouver sa place dans un monde hostile.
Kraven the Hunter est une œuvre hybride, à mi-chemin entre le film d’action viscéral et le drame introspectif, sans parvenir à pleinement s’engager dans l’une ou l’autre direction. Ses défauts sont nombreux – un scénario incohérent, des personnages secondaires sous-exploités, des effets spéciaux inégaux – mais son énergie brute et ses ambitions narratives le rendent difficile à ignorer. Ce n’est pas un film qui révolutionnera le genre, mais il pourrait séduire ceux qui recherchent une alternative plus sombre et violente aux productions super-héroïques classiques. Kraven the Hunter est une expérience imparfaite mais singulière, une bête indomptée qui mérite d’être observée, même si elle ne parvient pas toujours à rugir avec force.
Kraven The Hunter
Réalisé par J. C. Chandor
Écrit par Richard Wenk, Art Marcum, Matt Holloway
Histoire de Richard Wenk
D'après Marvel Comics
Produit par Avi Arad, Matt Tolmach, David Householter
Avec Aaron Taylor-Johnson, Ariana DeBose, Fred Hechinger, Alessandro Nivola, Christopher Abbott, Russell Crowe
Directeur de la photographie : Ben Davis
Montage : Chris Lebenzon, Craig Wood
Musique : Benjamin Wallfisch, Evgueni Galperine, Sacha Galperine
Sociétés de production : Columbia Pictures, Marvel Entertainment, TSG Entertainment II, Arad Productions, Matt Tolmach Productions
Distribué par Sony Pictures Releasing
Date de sortie : 13 décembre 2024 (États-Unis), 16 décembre 2024 (États-Unis),
Durée : 127 minutes
Vu le 12 décembre 2024 au cinéma Le Grand Rex, salle Infinity
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