Du silence et des ombres

Du silence et des ombres
Titre original:Du silence et des ombres
Réalisateur:Robert Mulligan
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:29 mai 1963
Note:
Une année dans la vie de la jeune Jean Louise "Scout" Finch, qui vit avec son frère aîné, "Jem", et son père, Atticus, un avocat, dans une petite ville du sud, au début des années 1930. Des jeux avec son frère et leur voisin, Dill, en passant par sa première année à l'école et le procès d'un Noir accusé de viol que son père défend, jusqu'à la présence énigmatique et terrifiante de Boo Radley, un autre voisin censé être dangeureux et fou, Scout vit pendant ce laps de temps son passage de l'enfance protégée et innocente, vers l'adolescence plus conflictuelle.

Critique de Tootpadu

Par sa douceur et son réalisme sans exagération, cette adaptation d'un roman célèbre de la littérature américaine accède au niveau des plus beaux et des plus sincères films sur l'enfance. Raconté du point de vue de la jeune fille, désormais adulte, le récit nous transmet tous les enseignements qu'elle a reçus au cours de ces deux étés et l'impact que des événements majeurs ont eu sur elle. Facilement sujet à des propos trop didactiques et moralisateurs, le processus d'apprentissage de Scout est au contraire décrit ici avec une simplicité et une impartialité exceptionnelles. Alors que la figure paternelle d'Atticus est le guide principal de l'enfant, les défaillances de celui-ci ne sont point escamotées. Plutôt, le recul de la narratrice ajoute encore à l'image d'un homme très juste et très conscient de ses limites. Mis à part ce héros de l'Amérique ordinaire, jusqu'à nos jours, les rapports de Scout avec son frère et leur copain, amicaux, toujours en quête d'une nouvelle aventure, et ceux, beaucoup plus complexes, avec Boo couvrent un champ social, comportemental, ou tout simplement humain, immense. Grâce au ton très juste et au caractère très abordable des petits éléments quotidiens qui constituent la vie de Scout, le portrait de cette dernière figure parmi les plus universels, les plus authentiques de l'histoire du cinéma.
Comme si cela ne suffisait pas, le personnage adulte principal est un des hommes les plus justes et fiables, sans être solennel ou pompeux, du cinéma américain. Atticus Finch est un père et un citoyen exemplaire qui ne s'en enorgueille jamais, qui laisse son intelligence résoudre les problèmes de la vie au lieu de s'appuyer sur la violence. Pacifiste, donc, mais en aucun cas un lâche, Atticus paraît avoir tout compris de la vie et du rôle de père veuf et avocat qu'il doit y tenir. Cependant, il n'est à aucun moment décrit comme un homme parfait, que ce soit à cause des mises en question de sa fille plus impulsive ou bien de quelques jugements qui démontrent astucieusement les limitations de sa foi en la loi. Cette mise en perspective en guise d'application du conseil primordial du film (ne jamais juger quelqu'un avant de s'être mis à sa place), le rend encore plus attachant, toujours volontaire pour redresser le tort et conscient de l'injustice et de la dureté de la vie.
Dans ce rôle en or, Gregory Peck est plus que convenablement accompagné par une distribution d'enfant criante de vérité. Surtout Mary Badham confère un équilibre très juste à son personnage en mutation, indécis entre des frasques enfantins et des prises de position innocentes qui dénotent dans le cynisme du monde des adultes. En plus, grâce à une mise en scène très fine et subtile d'un cinéaste malheureusement plus très reconnu de nos jours, on reste toujours au plus près des enfants, l'atmosphère pesante de chaleur et de préjugés devient palpable et, peut-être le plus grand accomplissement, le terrain du prêche bien intentionné qui surcharge la valeur émotionnelle et humaine n'est jamais fréquenté.
Enfin, que dire de la bande originale de feu Elmer Bernstein, sinon qu'elle figure parmi les plus touchantes et les plus efficaces rien qu'à partir de quelques thèmes ponctuellement employés. La musique opère en fait ici comme un agent de sublimation qui touche là où il faut au moment quand il faut pour rendre ce film sur l'enfance et la fin de celle-ci presque parfait.

Revu le 19 août 2004, en DVD, en VO
Revu le 21 mai 2006, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: