Titre original: | Challenger |
Réalisateur: | Varante Soudjian |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 95 minutes |
Date: | 23 octobre 2024 |
Note: |
Au cœur de Challenger se trouve Luka Sanchez (incarné à la perfection par Alban Ivanov), un personnage loin des canons habituels des héros de films de boxe. Contrairement aux boxeurs hollywoodiens qui dominent le ring, Luka est un amateur sans palmarès qui rêve de succès mais s'en éloigne davantage à chaque combat minable auquel il participe. Il incarne une version moderne et réaliste de l'outsider : il n'a ni la puissance physique ni la discipline de ses modèles. Luka, cependant, possède une capacité de résilience qui compense en partie ses faiblesses techniques, et c’est ici qu’Alban Ivanov livre une performance touchante, éloignée de son registre comique habituel.
La construction du personnage de Luka, profondément attachant dans ses échecs, renvoie à l’image d’une génération cherchant à exister malgré des ressources limitées. Sa persévérance, bien que parfois risible, éveille une certaine tendresse chez le spectateur, qui voit en Luka une forme d’héroïsme authentique, sans les paillettes ni les triomphes éclatants
Le personnage de Stéphanie, joué par Audrey Pirault, se révèle être bien plus qu'une simple manageuse : elle est le moteur de l'histoire. Stéphanie est fougueuse, déterminée et débrouillarde, et représente une figure d’acolyte mais aussi d'instigatrice, en constante opposition à la passivité de Luka. Leur relation, parfois complice, parfois antagoniste, semble incarner une dynamique de "vieux couple" où les frustrations et les encouragements se succèdent, conférant à cette amitié une profondeur rarement observée dans le registre de la comédie.
Audrey Pirault parvient à insuffler une vitalité et une intensité qui permettent au personnage de transcender son rôle initial pour devenir un pilier central du récit. Stéphanie ne se contente pas de soutenir Luka ; elle l’entraîne dans une succession de situations loufoques, trouvant des stratagèmes absurdes mais efficaces pour promouvoir son poulain. Ce duo fonctionne à merveille, et leur complémentarité donne au film une âme véritable, explorant non seulement l’amitié, mais aussi la notion de loyauté entre deux challengers de la vie
Challenger utilise la boxe non comme un simple sport mais comme une toile de fond symbolique, un univers où les personnages, tout comme les coups, sont imparfaits. À travers la préparation minutieuse d’Alban Ivanov, qui s’est entraîné six mois en boxe, le réalisateur Varante Soudjian crée une expérience crédible et immersive pour le public. Luka Sanchez, sans talent particulier mais capable de prendre des coups comme personne, reflète une société où résister est parfois la seule forme de victoire. Les scènes de combat, orchestrées par Emmanuel Lanzi, chorégraphe expérimenté, sont minutieusement travaillées pour donner un effet à la fois drôle et réaliste, sans jamais tomber dans la caricature.
Varante Soudjian, inspiré par la saga Rocky, ne cherche pas à en faire une copie conforme mais à y puiser un esprit de combativité, tout en déconstruisant le mythe du héros invincible. En ce sens, le film renverse les codes en montrant un protagoniste qui ne cherche pas à vaincre un adversaire mais à se confronter à ses propres limites. C’est ici que Challenger devient plus qu’une simple comédie : il propose une réflexion plus large sur l’endurance et la volonté, deux qualités souvent mises à mal dans notre société de l’instantanéité.
Loin de se limiter au divertissement pur, Challenger propose une satire acerbe de notre société obsédée par les apparences et la célébrité. La quête de Luka pour atteindre une notoriété fragile souligne la superficialité du succès moderne, encouragé par les réseaux sociaux, où l'image prime sur la substance. Le perroquet insultant, élément improbable mais astucieux, devient un symbole de cette société qui juge rapidement et sans nuances, apportant des touches d’humour absurde qui enrichissent le récit.
Le film critique également les dérives du sport business, où même le plus humble des athlètes devient un produit. Les personnages secondaires, comme les managers Jacquet et Moreno, joués par Soso Maness et David Salles, ajoutent une couche comique tout en montrant l’opportunisme et la médiocrité de certains agents prêts à tout pour profiter de l’effort d’autrui. Cette vision caustique est traitée avec légèreté, mais elle n’en demeure pas moins un reflet piquant des rouages du succès dans une époque où le buzz est devenu un but en soi.
La réalisation de Varante Soudjian oscille habilement entre le sérieux des scènes de boxe et le ton léger des interactions sociales. Varante Soudjian, en effet, réussit à capturer l’essence d’une comédie dramatique en utilisant la boxe pour créer un contraste entre le courage du ring et l’absurdité de la vie. Le tournage sur place, incluant une scène mémorable de shadow boxing avec vue sur la cathédrale, apporte une touche d’authenticité visuelle qui sert la narration et ancre les personnages dans un environnement tangible, bien loin des clichés des films de boxe hollywoodiens.
Challenger se distingue comme une comédie sociale dynamique et bien exécutée, soutenue par des performances solides et un propos critique pertinent. La dualité entre l’humour et la réflexion sur le succès moderne fait de ce film un miroir de notre société, où persévérer est un acte d’héroïsme en soi. En offrant une comédie qui allie situations cocasses et moments touchants, Varante Soudjian signe une œuvre qui divertit autant qu'elle interroge, plaçant Challenger parmi les comédies françaises à ne pas manquer cette année.
Que ce soit pour ceux qui recherchent une comédie feel-good ou pour les amateurs de satire sociale, ce film saura satisfaire un large public, prouvant une fois de plus la capacité de Varante Soudjian à marier des genres apparemment opposés pour créer des récits authentiques et engageants. Ce film est assurément le gros coup de cœur de notre rédaction de ce mois d’octobre.
Challenger
Réalisé par Varante Soudjian
Produit par Nora Melhi, Arthur Essebag, Yohan Baiada
Écrit par Varante Soudjian, Thomas Pone
Avec Alban Ivanov, Audrey Pirault, Soso Maness, Moussa Maaskri, David Salles, Alexandre Antonio, Jonas Dinal, Pierre-François Martin-Laval, Nordine Salhi, Nassim Benahmed, Marie Lanchas
Musique : Vincent Lebègue
Directeur de la photographie : Cyril Bron
Montage : Brian Schmitt
Sociétés de production : Les Enfants Terribles, Alef Two
Distribué par UGC Distribution (France)
Date de sortie : 23 octobre 2024 (France)
Durée : 95 minutes
Vu le 16 octobre 2024 à l’UGC Ciné-cité Les Halles, salle 10
Note de Mulder: