The Apprentice

The Apprentice
Titre original:The Apprentice
Réalisateur:Ali Abbasi
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:09 octobre 2024
Note:
Véritable plongée dans les arcanes de l'empire américain, The Apprentice retrace l'ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l'avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.

Critique de Sabine

The Apprentice a créé l'évènement au Festival de Cannes 2024. Ce film n'est pas un biopic. Il relate la relation entre Donald Trump et Roy Cohn, avocat roublard et impitoyable, qui fut son mentor. Le titre The Apprentice renvoie au titre de l'émission de télé-réalité diffusé sur NBC, dans laquelle des candidats s'affrontaient pour intégrer l'entreprise du célèbre homme d'affaires milliardaire. Mais dans ce film, l'apprenti, c'est le jeune Trump.

Gabriel Sherman, journaliste politique, a écrit ce scénario digne d'une tragédie shakespearienne. Il retrace avec précision et efficacité, l'initiation du jeune Donald Trump aux méthodes peu scrupuleuses de Roy Cohn dans les années 70, notamment une règle en trois points que nous ne dévoilerons pas ici. Roy Cohn fut le conseiller juridique du sénateur Joseph MacCarthy, durant la chasse aux sorcières. Il fut aussi l'avocat de la mafia. A l'époque, le jeune Trump ne brille ni en affaires, ni en éloquence. Il est méprisé par son père, promoteur immobilier. Grâce à ce pacte faustien, l'apprenti va réussir au-delà du maître. Ensemble, ces deux hommes sans foi, ni loi, vont édifier un empire immobilier à Manhattan, usant de chantages, de corruptions.  

La qualité de ce film réside dans ce scénario non manichéen, brillamment interprété par un tandem d'acteurs, qui se sont longuement préparés. Deux heures de maquillage et de coiffure étaient nécessaires pour transformer Sebastian Stan en Donald Trump. Le résultat est invisible. Ce comédien est un véritable caméléon, comme le montre son interprétation du batteur Tommy Lee, dans Pam et Tommy, pour lequel il fut nommé à un Emmy award. Jeremy Strong est également incroyable dans son immersion dans la peau de l'avocat Roy Cohn, puissant, inquiétant, un tueur. 

Le cinéaste irano-danois Ali Abbasi (Border, Les Nuits de Mashhad) fut contacté par la productrice Amy Baer pour ce film. Il signe son premier film en anglais, tourné au Canada. Il s'inspire de Barry Lyndon, de Stanley Kubrick, l'histoire d'un autre ambitieux. Sa réalisation évite le piège de la reconstitution historique figée. La période des années 70 est filmé avec une 16mm et celle des années 80 en VHS. Fort d'une mise en scène rythmée et concise, Ali Abbasi met également en avant le contexte qui a permis l'émergence d'hommes tels que Roy Cohn et Donald Trump, un système américain où l'argent et le pouvoir comptent plus que l'intégrité et l'honnêteté. 

The Apprentice est non seulement un excellent film, mais également le film indispensable pour comprendre Donald Trump.

The Apprentice
Réalisé par Ali Abbasi
Écrit par Gabriel Sherman
Produit par Daniel Bekerman, Jacob Jarek, Ruth Treacy, Julianne Frode, Louis Tisné, Ali Abbassi, Amy Baer
Avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally, Charlie Carrick, Ben Sullivan 
Directeur de la photographie : Kasper Tuxen
Chef décorateur : Aleks Marinkovich
Chef costumière : Laura Montgomery
Montage : Olivia Neergaard-Holm, Olivier Bugge Coutté
Musique : David Holmes, Brian Irvine, Martin Dirkov
Société de production : Scythia Films, Profile Pcitures, Tailored Films
Distribué par Metropolitan Filmexport (France), Briarcliff Entertainment (US)
Dates de sortie : 9 Octobre 2024 (France), 11 Octobre 2024 (États-Unis).
Durée : 120 minutes

Vu le 20 Mai 2024 au Festival de Cannes

Note de Sabine:

Critique de Mulder

The Apprentice est une exploration minutieuse de la transformation de Donald Trump sous la tutelle de son tristement célèbre mentor, Roy Cohn. Situé dans le paysage sordide du New York des années 1970 et 1980, ce film offre une plongée profonde dans la dynamique du pouvoir, de la cupidité et de la formation d'un individu qui deviendra par la suite une figure centrale de la politique américaine. Le film, écrit par Gabriel Sherman, plonge au cœur de cette relation mentor-apprenti, en soulignant comment la vision du monde sans morale de Cohn a joué un rôle essentiel dans le façonnement de l'approche de Trump en matière d'affaires, de vie et, finalement, de politique.

Le portrait de Roy Cohn par Jeremy Strong est une véritable réussite pour saisir la dualité complexe d'un homme qui est à la fois manipulateur et, par moments, d'une sympathie troublante. Connu pour ses tactiques juridiques agressives et ses vendettas personnelles, Roy Cohn transmet à Donald Trump un ensemble de règles qui définiront son personnage public : « Attaquer, attaquer, attaquer ; ne rien admettre, tout nier ; revendiquer la victoire quoi qu'il arrive ». Roy Cohn n'est pas seulement un avocat impitoyable, mais aussi une figure tragique dont les enseignements ont involontairement donné naissance à un monstre. Ce portrait de Roy Cohn ajoute une couche de profondeur à ce qui aurait pu être un méchant unidimensionnel. Son mentorat transforme Trump, non pas en une meilleure version de lui-même, mais en un homme plus effronté, moralement indifférent, dépourvu de tout scrupule ou de toute éthique.

Donald Trump interprété par Sebastian Stan est d'abord un héritier maladroit et peu sûr de lui qui cherche désespérément l'approbation de son père, Fred Trump (interprété avec une cruauté glaciale par Martin Donovan). Sebastian Stan capture de manière experte le durcissement progressif du caractère de Donald Trump à mesure qu'il absorbe la vision cynique du monde de Roy Cohn. Ce qui rend la performance de Sebastian Stan fascinante, c'est sa capacité à retracer la descente de Donald Trump d'un homme d'affaires quelque peu incertain vers le personnage trop sûr de lui et insensible qui en viendra à dominer les médias et, plus tard, la politique. Sebastian Stan ne se contente pas d'une simple caricature de Donald Trump ; il dépeint plutôt un homme façonné par ses insécurités et les pressions extérieures, Cohn étant le catalyseur qui le pousse vers la déchéance morale.

Le film brille surtout dans les scènes où la relation entre Donald Trump et Roy Cohn occupe le devant de la scène, en particulier dans les moments qui illustrent l'absorption complète par Donald Trump des principes de Roy Cohn. La dynamique du pouvoir entre eux évolue subtilement au fur et à mesure que l'étoile de Donald Trump monte et que la santé de Roy Cohn décline, reflétant la façon dont Donald Trump a surpassé son mentor, pour ensuite s'en débarrasser lorsqu'il est devenu un handicap. La performance de Strong dans ces moments, en particulier lorsque Roy Cohn succombe au SIDA et fait face au rejet de Donald Trump, ajoute une couche tragique au récit. C'est un rappel glaçant de la façon dont le pouvoir peut corrompre non seulement les relations, mais aussi l'essence même de l'humanité d'une personne.

La mise en scène d' Ali Abbasi, complétée par la photographie de Kasper Tuxen, recrée de manière saisissante la décadence et l'opulence de New York à cette époque. L'utilisation de séquences granuleuses, de type documentaire, renforce le sentiment d'authenticité, tandis que les transitions entre les intérieurs miteux du monde de Cohn et l'excès criard de l'empire de Donald Trump symbolisent visuellement le changement moral de ce dernier. Ceci est particulièrement efficace dans des scènes telles que la liposuccion et la réduction du cuir chevelu de Trump, qui sont aussi grotesques que métaphoriques, soulignant son obsession pour l'apparence et le contrôle.

L'un des aspects les plus controversés du film est sa représentation de la vie personnelle de Donald Trump, en particulier ses interactions avec Ivana Trump, interprétée par Maria Bakalova. Le film n'hésite pas à décrire le traitement que Donald Trump lui a réservé, y compris un viol présumé qu'Ivana Trump a ensuite rétracté dans la vie réelle. Ces moments, bien que profondément inconfortables à regarder, sont cruciaux pour illustrer comment le cadre moral de Trump - ou son absence de cadre - s'étend au-delà du monde des affaires et dans ses relations personnelles.

La force de The Apprentice réside dans son refus d'offrir des réponses faciles ou une rédemption à ses personnages. Donald Trump, tel qu'il est dépeint dans ce film, n'est pas une figure tragique mais le reflet de la décadence morale systémique dont Roy Cohn s'est fait le champion. Le film ne cherche pas à humaniser Donald Trump au-delà du personnage froid et calculateur qu'il a développé. Il montre plutôt comment il a intériorisé les leçons de Roy Cohn et les a utilisées à son avantage, finissant par dépasser son mentor en termes de pouvoir et d'insensibilité. La critique du capitalisme américain, telle qu'elle est incarnée par l'ascension de Trump, est mordante, suggérant que des personnages comme Donald Trump ne sont pas des anomalies mais des produits inévitables d'un système qui récompense la cupidité et l'ambition impitoyable.

Cependant, The Apprentice n'est pas exempt de défauts. La seconde moitié du film, qui se concentre sur la distance croissante entre Donald Trump et Roy Cohn et sur sa transformation en la figure que nous connaissons aujourd'hui, semble moins cohérente que la première. Au fur et à mesure que le personnage de Donald Trump se consolide, le récit devient plus fragmenté, s'appuyant sur une série d'événements publics et de scandales bien connus sans offrir la même profondeur psychologique que celle qui marque les premières parties du film. Toutefois, cela peut être considéré comme intentionnel, reflétant l'opacité croissante de la vie intérieure de Trump, qui se détache de plus en plus de l'humanité qui le liait autrefois, même de manière très lâche, à son entourage.

The Apprentice est une exploration passionnante, bien que parfois inégale, de la construction de Donald Trump. Ancré par les performances exceptionnelles de Jeremy Strong et Sebastian Stan, il offre un aperçu fascinant de la façon dont le pouvoir corrompt et dont l'ambition d'un homme peut façonner non seulement son propre destin, mais aussi l'avenir d'une nation. Le film d'Abbasi est un rappel brutal du coût moral du succès dans un monde où la victoire est la seule chose qui compte.

The Apprentice
Réalisé par Ali Abbasi
Écrit par Gabriel Sherman
Produit par Daniel Bekerman, Jacob Jarek, Ruth Treacy, Julianne Frode, Louis Tisné, Ali Abbassi, Amy Baer
Avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally, Charlie Carrick, Ben Sullivan 
Directeur de la photographie : Kasper Tuxen
Chef décorateur : Aleks Marinkovich
Chef costumière : Laura Montgomery
Montage : Olivia Neergaard-Holm, Olivier Bugge Coutté
Musique : David Holmes, Brian Irvine, Martin Dirkov
Société de production : Scythia Films, Profile Pcitures, Tailored Films
Distribué par Metropolitan Filmexport (France), Briarcliff Entertainment (US)
Dates de sortie : 9 Octobre 2024 (France), 11 Octobre 2024 (États-Unis).
Durée : 120 minutes

Vu le 9 octobre 2024 au Gaumont Disney Village, Salle 16 place A19

Note de Mulder: