Titre original: | Mégalopolis |
Réalisateur: | Francis Ford Coppola |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 138 minutes |
Date: | 25 septembre 2024 |
Note: |
Megalopolis, point culminant de plus de quatre décennies d'attente, est à la fois un testament de l'ambition créative inébranlable de Francis Ford Coppola et une incarnation des risques inhérents à l'obsession artistique. Megalopolis, qui a mis 41 ans à être porté à l'écran, est un film qui éblouit et déconcerte à la fois, incarnant la dualité qui a marqué la carrière de Francis Ford Coppola - l'éclat entaché de chaos, le génie tempéré par l'excentricité. Avec ce film, Francis Ford Coppola ne cherche pas seulement à raconter une histoire, mais à créer une expérience cinématographique qui défie les limites du cinéma conventionnel. Le résultat est un projet qui est autant un reflet de l'héritage de Francis Ford Coppola qu'un commentaire sur la société moderne et l'intemporalité de l'ambition et de la folie humaines.
Au cœur de Megalopolis se trouve le personnage de Cesar Catilina, incarné par Adam Driver, qui fait preuve d'un engagement intense. Cesar est un architecte visionnaire dont les rêves pour l'avenir sont aussi grandioses que controversés. Il envisage de reconstruire la Nouvelle Rome - une version dystopique de Manhattan figée dans l'esthétique des années 1930 - à l'aide d'un matériau révolutionnaire qu'il a mis au point et qui s'appelle le Megalon. La vision utopique de Cesar le place en conflit direct avec les structures de pouvoir existantes de la ville, incarnées par le maire Franklyn Cicero, joué par Giancarlo Esposito. Franklyn Cicero, un dirigeant conservateur et pragmatique, représente les intérêts bien établis qui résistent aux idées radicales de Cesar pour remodeler la ville. Le récit, qui s'inspire largement de l'histoire romaine, est une tapisserie complexe de drame politique, d'ambition personnelle et d'interrogation philosophique, le tout enveloppé dans les atours d'une épopée de science-fiction.
Sur le plan visuel, Megalopolis est tout simplement époustouflant. Francis Ford Coppola, inspiré par l'esthétique grandiose de l'ère du muet à Hollywood et par la portée épique des films de Cecil B. DeMille, a créé un monde qui semble à la fois familier et étranger. Le paysage urbain de la Nouvelle Rome est un mélange chaotique de styles architecturaux et de références culturelles, évoquant des comparaisons avec les mondes dystopiques de Metropolis et de Blade Runner, avec un soupçon de Matrix pour faire bonne mesure. Le Chrysler Building, motif central du film, sert à la fois de symbole de l'ambition démesurée de Cesar et de point d'observation de la ville qu'il espère transformer. Pourtant, malgré toute sa splendeur visuelle, la structure narrative du film donne un sentiment sous-jacent de désarroi. Les personnages et les intrigues s'entrecroisent sans explication, créant un sentiment de désorientation qui reflète le monde chaotique construit par Coppola.
L'un des aspects les plus fascinants de Megalopolis est l'histoire de sa production. Francis Ford Coppola, qui a financé le film avec 120 millions de dollars de son propre argent - obtenus en partie grâce à la vente d'une grande partie de son commerce de vin - a tout investi dans ce projet. Cet investissement personnel n'est pas seulement financier ; il est aussi émotionnel et intellectuel, représentant des décennies d'ambitions inassouvies et de frustrations créatives de Francis Ford Coppola. L'existence même du film témoigne de la foi de Francis Ford Coppola dans le pouvoir du cinéma en tant que forme d'art, alors même que l'industrie privilégie de plus en plus la viabilité commerciale au détriment de l'intégrité artistique. Cependant, cette intense implication personnelle signifie également que Megalopolis est une œuvre profondément idiosyncrasique, qui risque d'aliéner autant de spectateurs qu'elle n'en captive.
Les performances dans Megalopolis sont aussi variées et imprévisibles que le film lui-même. Adam Driver livre une performance à la fois intense et énigmatique, incarnant le mélange complexe d'idéalisme visionnaire et d'humanité imparfaite de Cesar. Dans le rôle de Cesar, Driver apporte une gravité qui ancre le film, même si le récit vire au surréalisme et à l'absurde. Le Franklyn Cicero de Giancarlo Esposito fait contrepoids au Cesar de Adam Driver, jouant le rôle du maire avec un pragmatisme stoïque qui souligne les conflits politiques et moraux au cœur de l'histoire. Franklyn Cicero est un homme de principes, mais aussi un homme qui comprend les dures réalités du pouvoir, ce qui en fait à la fois un antagoniste et une figure tragique.
Aubrey Plaza, dans le rôle de Wow Platinum, ajoute une couche d'humour noir et de satire mordante au film. Wow Platinum, une journaliste financière séduisante et ambitieuse, est l'un des personnages les plus mémorables du film, apportant une énergie campagnarde qui contraste fortement avec les tons sombres de la narration principale. Ses interactions avec César, ainsi que ses machinations avec Hamilton Crassus III, incarné par Jon Voight, comptent parmi les scènes les plus captivantes du film. Jon Voight, qui incarne le banquier corrompu et vieillissant Hamilton Crassus III, livre une performance à la fois grotesque et étrangement convaincante, incarnant le tissu moral en décomposition de l'élite de la Nouvelle Rome.
Shia LaBeouf, dans le rôle de Clodio Pulcher, cousin et rival de Cesar, offre une performance à la fois troublante et magnétique. Clodio, un travesti, un intrigant avide de pouvoir, est un personnage tout droit sorti d'une tragédie shakespearienne. Shia LaBeouf apporte une énergie maniaque qui fait de lui un parfait contrepoids au Cesar plus discret de Driver. Nathalie Emmanuel, dans le rôle de Julia Cicero, la fille du maire et l'intérêt amoureux de Cesar, offre une performance plus discrète. Julia Cicero est un personnage pris entre les idéaux conservateurs de son père et la vision radicale de Cesar, et bien qu'Emmanuel l'interprète avec grâce et intelligence, le scénario laisse souvent son personnage sous-développé, le réduisant à un symbole plutôt qu'à une personne pleinement réalisée.
Megalopolis est un film qui affiche ses influences, puisant dans un large éventail de sources, tant littéraires que cinématographiques. Le style narratif et visuel du film évoque des comparaisons avec des œuvres aussi diverses que Chi-raq de Spike Lee et Southland Tales de Richard Kelly, tandis que ses fondements philosophiques sont enracinés dans les œuvres de Shakespeare, d'Ayn Rand et des historiens romains. Le film est riche en références à la littérature et à la philosophie classiques, de Marc Aurèle à Plutarque, ainsi qu'à des penseurs plus modernes comme Ralph Waldo Emerson. Ces références ne sont pas simplement décoratives ; elles font partie intégrante de l'exploration par le film de thèmes tels que le pouvoir, la corruption et la capacité humaine de création et de destruction.
Pourtant, malgré ses aspirations intellectuelles, Megalopolis n'est pas un film facile à appréhender. Le récit est délibérément opaque, les points de l'intrigue et les motivations des personnages restant souvent inexpliqués ou n'étant que partiellement révélés. Cela peut faire du film une expérience visuelle difficile, qui exige du public qu'il s'engage activement dans le matériel plutôt que de le consommer passivement. Pour certains, il s'agira d'un défi gratifiant, offrant des couches de sens à décortiquer lors de visionnages répétés. Pour d'autres, ce sera une source de frustration, car l'ambition du film dépasse souvent sa capacité à transmettre ses idées de manière cohérente.
La décision de Francis Ford Coppola d'inclure un élément en direct lors de certaines projections - par exemple en faisant monter un acteur sur scène lors d'une scène clé pour interagir avec les personnages à l'écran - brouille encore davantage la frontière entre le cinéma et l'art de la performance. Cette astuce, bien qu'intrigante, soulève des questions quant à la praticité et à la viabilité d'un tel concept dans le cadre d'une distribution plus large. Megalopolis est-il destiné à être vécu comme un film traditionnel ou s'agit-il de quelque chose de plus expérimental, d'une forme d'art hybride qui remet en question nos notions mêmes de ce que peut être le cinéma ?
Megalopolis est un film qui risque de diviser. Il ne s'agit pas du chef-d'œuvre bien ficelé que certains auraient pu espérer, pas plus qu'il ne s'agit d'un désastre total. Il s'agit plutôt d'une œuvre audacieuse, désordonnée et profondément personnelle qui reflète les complexités et les contradictions de son créateur. Francis Ford Coppola a réalisé un film qui lui est propre, sans être filtré par les exigences des studios ou les attentes du public. Ce film pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses et, ce faisant, il invite les spectateurs à se débattre avec les mêmes incertitudes et ambiguïtés que celles qui ont animé Coppola tout au long de sa carrière.
Qu'on se souvienne de Megalopolis comme d'un triomphe cinématographique ou d'une folie monumentale est peut-être moins important que le fait qu'il existe. Dans une industrie de plus en plus dominée par les franchises et les superproductions à formule, Francis Ford Coppola a osé créer quelque chose de différent - quelque chose qui est autant une déclaration de liberté artistique qu'un divertissement. Pour ceux qui sont prêts à accepter ses excentricités et à naviguer dans son récit labyrinthique, Megalopolis offre une expérience visuelle aussi exaltante que déroutante. C'est un film qui défie toute catégorisation facile, une œuvre qui sera probablement débattue et analysée pendant des années, bien après le générique.
Mégalopolis
Écrit et réalisé par Francis Ford Coppola
Écrit par Francis Ford Coppola
Produit par Francis Ford Coppola, Barry Hirsch, Fred Roos, Michael Bederman
Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Jason Schwartzman, Talia Shire, Grace VanderWaal, Laurence Fishburne, Kathryn Hunterk, Dustin Hoffman
Directeur de la photographie : Mihai Mălaimare Jr.
Montage : Cam McLauchlin, Glen Scantlebury
Musique : Osvaldo Golijov
Société de production : American Zoetrope
Distribué par Lionsgate Films (Etats-Unis), Le Pacte (France)
Dates de sortie : 16 mai 2024 (Cannes), 25 septembre 2024 (France), 27 septembre 2024 (États-Unis).
Durée : 138 minutes
Vu le 13 septembre 2024 au Centre International de Deauville
Note de Mulder:
Megalopolis arrive sur nos écrans, précédé d'un accueil mitigé au Festival de Cannes. Le film a divisé la critique, du film génial au péplum raté. Francis Ford Coppola, réalisateur de légende (Le Parrain, Apocalypse Now, Dracula,...) a pensé ce film dans les années 80, et réécrit le scénario durant 12 ans. Pour conserver sa liberté artistique, il a vendu une partie de son vignoble pour financer ce projet au budget pharaonique de 120 millions de dollars. Le film a été tourné dans les studios ultra-modernes d'Atlanta durant 5 mois et nécessité un an de post-production. A 85 ans, Francis Ford Coppola s'est fait plaisir en réalisant cette fable politique de plus de 2 heures. Hors norme, le film reflète cette liberté. Malheureusement, le film m'a déçu, une déception à la hauteur de l'attente.
Le scénario s'inspire de la conjuration de Catalina, un noble romain qui projetait de renverser la République de Rome. Cette épopée se déroule dans un New-York futuriste, version romaine: New Rome. La ville, en pleine décadence, est prise dans une tourmente financière. César Catalina (Adam Driver) est un architecte génial qui a le pouvoir d'arrêter le temps. Il rêve d'une cité idéale et s'oppose au maire conservateur de la Ville, Cicero (Giancarlo Esposito). La fille du maire, Julia (Nathalie Emmanuel) tombe amoureuse de Catalina. Neveu d’un banquier milliardaire (Jon Voight), Catalina est jalousé par son cousin Clodio (Shia LaBeouf), sans compter la rancune de son ex-maîtresse (Aubrey Plaza).
Amour, jalousie, trahison, argent, pouvoir, corruption, cette fable politique brasse tellement de thèmes et d'intrigues qu'elle en devient confuse et ressemble à un soap-opera. Coppola aime le chaos et le film est effectivement chaotique. Les personnages sont caricaturaux, ce qui freine l'identification et l'attachement. Les personnages féminins semblent appartenir à une époque révolue. Les acteurs jouent sans retenue leurs personnages, parfois à la limite du grotesque, comme Shia LaBeouf. Loin d'une réalité poétique, le film est visuellement kitsch, à l'exception des costumes. Il y a certes des moments de grâce, mais pas assez pour éviter l'ennui.
Spoiler: dans certaines salles, le public aura droit à l'intervention réelle d'un journaliste au milieu du film, lors d'une scène de conférence de presse.
Mégalopolis
Écrit et réalisé par Francis Ford Coppola
Écrit par Francis Ford Coppola
Produit par Francis Ford Coppola, Barry Hirsch, Fred Roos, Michael Bederman
Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Jason Schwartzman, Talia Shire, Grace VanderWaal, Laurence Fishburne, Kathryn Hunterk, Dustin Hoffman
Directeur de la photographie : Mihai Mălaimare Jr.
Montage : Cam McLauchlin, Glen Scantlebury
Musique : Osvaldo Golijov
Société de production : American Zoetrope
Distribué par Lionsgate Films (Etats-Unis), Le Pacte (France)
Dates de sortie : 16 mai 2024 (Cannes), 25 septembre 2024 (France), 27 septembre 2024 (États-Unis).
Durée : 138 minutes
Vu le 22 Aout 2024 au Max Linder
Note de Sabine: