Titre original: | We grown now |
Réalisateur: | Minhal Baig |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 93 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
We Grown Now, réalisé par Minhal Baig, est une exploration de l'enfance, de l'amitié et des dures réalités de la vie dans le quartier résidentiel de Cabrini-Green à Chicago en 1992. La mise en scène de Minhal Baig, connue pour son style d'observation délicat, entraîne les spectateurs dans un monde où l'innocence de la jeunesse est juxtaposée aux défis socio-économiques d'une communauté qui se débat sous le poids d'une négligence systémique. Le film est un rappel poignant de la résilience de l'esprit humain, en particulier face à l'adversité, et il raconte une histoire qui porte autant sur le lieu que sur les personnes qui l'habitent.
L'approche narrative de Minhal Baig est rafraîchissante et intime, tout comme son travail précédent dans Hala (2019), où elle s'est concentrée sur la vie quotidienne d'une jeune fille musulmane. Dans We Grown Now, Minhal Baig poursuit cette tendance, en se concentrant sur les moments calmes qui définissent la vie de ses protagonistes, Malik, interprété par Blake Cameron James, et Eric, joué par Gian Knight Ramirez. Le film s'ouvre sur les garçons traînant un vieux matelas dans les escaliers de leur immeuble de Cabrini-Green, une image qui résume l'essence de leur monde - un lieu où l'imagination et le jeu coexistent avec les dures réalités de leur environnement.
Nous sommes en 1992, une période marquée par des bouleversements importants à Cabrini-Green, devenu tristement célèbre pour son taux de criminalité élevé et la détérioration de ses conditions de vie. Pourtant, Minhal Baig résiste à l'envie de dépeindre le projet de logement uniquement comme un lieu de désespoir. Au contraire, elle capture le dynamisme de la communauté, la chaleur de ses habitants et la vie riche et texturée qui existe entre ses murs. Cette approche permet à We Grown Now de se démarquer des autres récits qui réduisent souvent ces environnements à de simples toiles de fond pour des histoires de violence et de pauvreté. Le Cabrini-Green de Minhal Baig est un monde pleinement réalisé, où la beauté de l'innocence de l'enfance est constamment en conflit avec la dureté du monde des adultes.
Blake Cameron James dans le rôle de Malik et Gian Knight Ramirez dans celui d'Eric sont tout simplement extraordinaires dans leurs rôles. Leurs performances sont marquées par un naturalisme rare pour des acteurs de leur âge. James, en particulier, apporte une force tranquille à Malik, un garçon qui est à la fois rêveur et réaliste, naviguant dans les complexités de son monde avec une sagesse qui dépasse son âge. L'Eric de Ramirez, plus réservé et introspectif, sert de contrepoint parfait à la nature plus extravertie de Malik. Ensemble, ils créent une dynamique à la fois réconfortante et profondément émouvante, incarnant l'essence de l'amitié enfantine sous toutes ses formes.
Ces jeunes acteurs sont soutenus par une distribution exceptionnelle d'interprètes chevronnés qui apportent profondeur et nuance à leurs rôles. Jurnee Smollett, dans le rôle de Dolores, la mère de Malik, livre une performance à la fois puissante et poignante. Dolores est une femme prise entre les exigences de son travail et les besoins de sa famille, un thème qui résonne tout au long du film. Smollett saisit le désespoir tranquille d'une mère qui tente de subvenir aux besoins de ses enfants dans un environnement qui ne lui offre pas grand-chose en retour. Ses interactions avec S. Epatha Merkerson, qui joue le rôle d'Anita, la grand-mère de Malik, comptent parmi les moments les plus convaincants du film. Mme Merkerson apporte un sens de l'histoire et de la résilience à Anita, une femme qui a connu sa part d'épreuves mais qui reste un pilier de force pour sa famille.
La narration du film est profondément liée à son cadre, et la représentation de Cabrini-Green par Minhal Baig est à la fois indéfectible et affectueuse. Elle n'hésite pas à montrer les difficultés qui accompagnent la vie dans un tel endroit - les descentes de police aléatoires, la menace permanente de la violence et la négligence systémique qui imprègne la vie de ses habitants. Pourtant, Minhal Baig trouve également des moments de beauté et de joie dans cet environnement, que ce soit à travers les jeux imaginatifs des garçons ou les petits actes de gentillesse partagés entre voisins. Cette dualité est au cœur de la force du film, qui refuse de simplifier ou de romancer les réalités de la vie à Cabrini-Green.
Un élément particulièrement puissant du film est son exploration de la migration, à la fois physique et émotionnelle. Ce thème est particulièrement évident dans les récits d'Anita, qui raconte son voyage du Sud ségrégationniste à Chicago, à la recherche d'une vie meilleure. Ses récits trouvent un écho dans la fascination de Malik pour une peinture de l'Institut d'art de Chicago, qui représente une gare divisée par la race. Ces moments rappellent la lutte permanente pour la liberté et la mobilité, une lutte qui se transmet de génération en génération.
La musique du film, composée par Jay Wadley, joue un rôle crucial en renforçant la profondeur émotionnelle de l'histoire. La musique de Wadley, riche en cordes mélancoliques, souligne les thèmes de la perte et de la nostalgie, tout en capturant les moments de joie fugaces qui ponctuent la vie des garçons. La partition, tout comme la photographie du film réalisée par Pat Scola, est empreinte de nostalgie, évoquant la chaleur et la tendresse des souvenirs d'enfance tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par les personnages.
L'une des scènes les plus marquantes du film se déroule lorsque Malik et Eric sèchent l'école pour visiter l'Institut d'art de Chicago. Cette séquence, magnifiquement filmée et d'une profonde résonance, capture l'émerveillement des garçons alors qu'ils explorent les galeries du musée. C'est un moment d'évasion, au sens propre comme au sens figuré, car les garçons quittent temporairement les limites de Cabrini-Green pour s'immerger dans un monde d'art et de possibilités. Cette scène est emblématique de la capacité de Minhal Baig à trouver de la poésie dans le quotidien, transformant un simple acte d'absentéisme en une exploration profonde de la vie intérieure des garçons.
Malgré ses nombreux points forts, We Grown Now n'est pas exempt de défauts. Il y a des moments où le dialogue semble trop didactique, en particulier dans les scènes où les personnages articulent les thèmes du film d'une manière qui semble plus adaptée au point de vue d'un adulte qu'à celui d'un enfant. Cela est particulièrement évident dans les scènes où Malik et Eric discutent de sujets existentiels ou lorsqu'ils crient « J'existe ! Nous existons ! » sur les toits - des répliques qui, bien que puissantes, peuvent sembler trop conscientes d'elles-mêmes. Ces moments ne nuisent cependant pas à l'impact global du film, qui reste un portrait profondément émouvant de l'enfance face à l'adversité.
La performance de Jurnee Smollett dans le rôle de Dolores est particulièrement remarquable pour sa subtilité et sa profondeur. Elle incarne une femme à la fois forte et vulnérable, qui doit relever les défis de l'éducation de ses enfants dans un environnement qui met constamment sa détermination à l'épreuve. Sa relation avec Malik est au cœur du film, et les scènes qu'ils passent ensemble sont empreintes d'une intensité tranquille qui en dit long sur les pressions auxquelles sont confrontées les mères célibataires. S. Epatha Merkerson, dans le rôle d'Anita, apporte un contrepoint aux luttes de Dolores, offrant une sagesse et un soutien tirés de sa propre expérience. L'interprétation d'Anita par S. Epatha Merkerson est l'un des points forts du film, apportant un sens de l'histoire et de la continuité à l'histoire.
La conclusion du film, bien qu'inévitable, est traitée avec beaucoup de soin par Minhal Baig. Alors que Dolores prend la difficile décision de déménager sa famille de Cabrini-Green, le film saisit la nature douce-amère de cette transition. Le déménagement représente à la fois une fuite d'un environnement dangereux et une séparation douloureuse de la communauté qui a été leur foyer. Cette tension se reflète dans les dernières interactions entre Malik et Eric, qui sont confrontés à la réalité de leur séparation imminente. Le film se termine sur une note d'ambiguïté, laissant l'avenir de ces personnages ouvert à l'interprétation, mais avec un sentiment d'espoir qu'ils porteront la force de leur amitié avec eux dans ce qui les attend.
We Grown Now est un film magnifiquement conçu qui offre une représentation nuancée et profondément humaine de la vie à Cabrini-Green. La réalisation de Minhal Baig, associée aux performances exceptionnelles de Blake Cameron James, Gian Knight Ramirez, Jurnee Smollett et S. Epatha Merkerson, crée un film à la fois émotionnel et visuellement époustouflant. L'exploration de l'enfance, de l'amitié et de l'impact des facteurs socio-économiques sur le développement personnel est traitée avec sensibilité et perspicacité, faisant de We Grown Now un ajout remarquable au genre du passage à l'âge adulte. C'est un film qui reste dans les mémoires longtemps après le générique, un témoignage du pouvoir durable de la narration ancrée dans la compassion et l'authenticité.
We grown now
Ecrit et réalisé par Minhal Baig
Produit par Joe Pirro & Minhal Baig
Avec Blake Cameron James, Gian Knight Ramirez, S. Epatha Merkerson, Lil Rei Howery, Jurnee Smollett
Musique : Jay Wadley
Directeur de la photographie : Pat Scola
Montage : Stephanie Filo
Sociétés de production : Participant, Symbolic Exchange, Stage 6 Films
Distribué par Sony Pictures Classics, Stage 6 Films (Etats-Unis)
Date de sortie : 19 avril 2024 (Etats-Unis)
Durée du film : 93 minutes
Vu le 8 septembre 2024 au Centre International de Deauville
Note de Mulder: