The Bikeriders

The Bikeriders
Titre original:The Bikeriders
Réalisateur:Jeff Nichols
Sortie:Cinéma
Durée:116 minutes
Date:19 juin 2024
Note:
Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny, évolue peu à peu... Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra alors choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.

Critique de Mulder

The Bikeriders de Jeff Nichols est un voyage cinématographique dans l'univers grinçant et séduisant de la culture motocycliste des années 1960, s'inspirant fortement du style et de la substance des films emblématiques de Martin Scorsese. Le film, inspiré du livre de photos du même nom publié par Danny Lyon en 1968, raconte la vie d'un club de motards fictif de Chicago, les Vandals, vue à travers les yeux de Kathy, interprétée par Jodie Comer. Avec un mélange de nostalgie, de rébellion et de questionnement existentiel, Nichols dresse un portrait vivant mais inégal d'une sous-culture aux prises avec sa propre identité et le passage du temps.

Le récit suit l'ascension et la chute des Vandales, menés par l'énigmatique Johnny (Tom Hardy). Kathy, la petite amie du charismatique Benny (Austin Butler), sert de guide au public dans ce monde nourri de testostérone. Sa narration, qui rappelle celle de Lorraine Bracco dans Goodfellas, tente d'apporter un point de vue d'initiée, mais se révèle souvent superficielle et détachée. Ce dispositif de cadrage, bien que fidèle aux interviews originales de Lyon, nuit parfois à la profondeur du film, réduisant des personnages complexes à des archétypes.

L'interprétation de Johnny par Tom Hardy est le point d'ancrage du film. Son personnage, inspiré de Marlon Brando dans The Wild One, est une force tranquille de la nature dont le pouvoir au sein du club découle du respect et de la crainte qu'il inspire. La performance de Hardy est une étude du chaos contrôlé, son marmonnement boueux à la Brando ajoutant des couches à un homme aux prises avec ses démons et les responsabilités du leadership.

Le Benny d'Austin Butler est le centre magnétique autour duquel tourne le club. Sa présence, bien que souvent reléguée à l'arrière-plan, dégage un charisme brut qui maintient le public investi. Cependant, la narration du film le met souvent à l'écart au profit du point de vue de Kathy, ce qui peut sembler contraignant.

Jodie Comer, dans le rôle de Kathy, livre une performance marquée par un curieux mélange de naïveté et de force. Son personnage, bien qu'il soit destiné à être le noyau émotionnel du film, semble souvent sous-développé. Son accent, mélange de Frances McDormand dans Fargo et de Lorraine Bracco dans Goodfellas, nuit parfois à l'authenticité de son interprétation. L'évolution de Kathy, de marginale à quasi-membre des Vandales, n'a pas la profondeur nécessaire pour capter pleinement l'attention du public.

La photographie d'Adam Stone capture la beauté sauvage et le réalisme des années 1960. La décision de tourner en couleur, malgré le matériau d'origine en noir et blanc, ajoute une couche d'immédiateté et de vivacité au film. La texture granuleuse des images évoque un sentiment de nostalgie, ancrant l'histoire dans son contexte historique. Les scènes clés, telles que l'introduction de Benny penché sur une table de billard ou les séquences de combat, sont filmées avec une intensité viscérale qui plonge le spectateur au cœur de l'action.

La conception sonore et la partition musicale sont des éléments remarquables, avec un mélange de morceaux adaptés à l'époque et les moteurs rugissants des Harley Davidson qui donnent le ton. Le paysage sonore du film, du grondement des motos au bruit ambiant des bars, plonge le public dans l'univers des Vandals, rendant l'expérience presque tactile.

The Bikeriders explore les thèmes de la liberté, de la loyauté et de la recherche d'identité dans le contexte d'une Amérique en pleine mutation. La moto, symbole de liberté absolue, est à la fois un rêve et une malédiction pour les personnages. La lutte de Johnny pour garder le contrôle du club reflète les changements sociétaux plus larges de l'époque, les idéaux de liberté se heurtant aux dures réalités du pouvoir et de la violence.

L'arc narratif de Kathy met en lumière la dynamique des genres au sein du club, la décrivant à la fois comme une initiée et une perpétuelle marginale. Sa lutte pour concilier son amour pour Benny et la nature destructrice du club est un commentaire poignant sur les sacrifices et les compromis inhérents à un tel mode de vie.

L'une des plus grandes forces du film est sa capacité à saisir l'attrait et le danger de la culture de la moto. Les premières scènes, en particulier les 40 à 50 premières minutes, sont électriques et offrent un aperçu palpitant du monde des Vandales. La camaraderie, le frisson de la conduite et la masculinité brute et sans filtre sont dépeints avec une authenticité proche du documentaire.

Cependant, au fur et à mesure que le récit progresse, le film perd un peu de son élan initial. Le passage aux années 1970 apporte un ton plus sombre, reflétant le déclin du club et l'érosion de ses idéaux d'origine. Ce changement, bien que thématiquement approprié, n'a pas le dynamisme du début du film, ce qui donne un rythme quelque peu inégal.

La décision de cadrer l'histoire du point de vue de Kathy, bien qu'intéressante, semble en fin de compte limitée. Son personnage, bien que sympathique, ne possède pas la profondeur ou la perspicacité nécessaires pour porter le récit. Ce choix met également à l'écart d'autres personnages potentiellement fascinants, comme Mike Faist, sous-utilisé dans le rôle de Danny Lyon, dont le rôle de chroniqueur de l'histoire des Vandales aurait pu fournir un récit plus riche et plus nuancé.

The Bikeriders est un film visuellement captivant et émotionnel qui capture l'essence d'une époque révolue avec autant d'affection que de clarté. Jeff Nichols réussit à créer un monde à la fois séduisant et dangereux, un lieu où les idéaux de liberté et de fraternité se heurtent aux dures réalités de la violence et de la loyauté. Si les choix narratifs et les problèmes de rythme du film l'empêchent d'atteindre les sommets du grand cinéma, il n'en demeure pas moins une exploration fascinante de la culture des motards et de la condition humaine.

Tom Hardy et Austin Butler livrent des performances remarquables, ancrant le film dans leurs portraits complexes d'hommes pris entre leurs désirs et leurs responsabilités. La Kathy de Jodie Comer, malgré quelques défauts, offre une perspective unique qui ajoute de la profondeur à l'histoire. En définitive, The Bikeriders est un film qui vaut la peine d'être vu pour son atmosphère riche, ses performances solides et les questions poignantes qu'il soulève sur l'identité, la liberté et les liens qui nous unissent.

The Bikeriders
Écrit et réalisé par Jeff Nichols
D'après The Bikeriders de Danny Lyon
Produit par Sarah Green, Brian Kavanaugh-Jones, Arnon Milchan
Avec Jodie Comer, Austin Butler, Tom Hardy, Michael Shannon, Mike Faist ; Norman Reedus
Directeru de la photographie : Adam Stone
Montage : Julie Monroe
Musique : David Wingo
Sociétés de production : Regency Enterprises, New Regency, Tri-State Pictures
Distribué par Focus Features (Etats-Unis) Universal Pictures (France)
Dates de sortie : 31 août 2023 (Telluride), 19 juin 2024 (France), 21 juin 2024 (États-Unis).
Durée : 116 minutes

Vu le 5 juin 2024 au Max Linder Panorama

Note de Mulder: