10e chambre - Instants d'audiences

Titre original: | 10e chambre - Instants d'audiences |
Réalisateur: | Raymond Depardon |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 107 minutes |
Date: | 02 juin 2004 |
Note: | |
Une dizaine de cas qui comparaissent devant la 10ème chambre correctionnelle de Paris, des conducteurs en état d'ébriété ou sans permis, en passant par l'harcèlement ou le vol, jusqu'à la comparution immédiate des sans papiers et des petits dealers.
Critique de Tootpadu
A partir d'un dispositif très simple qui se limite à l'audience et à l'annonce du jugement, Raymond Depardon nous présente une tranche fascinante de la société française. Alors que le cinéaste se contente d'imposer son point de vue à travers le processus de sélection et, plus indirèctement, par sa présence dans la salle qui altère probablement le comportement des inculpés, ces derniers sont les véritables vedettes du film, des acteurs dans le drame, parfois tragi-comique, de la vie.
Puisque le choix de Depardon s'est porté sur une chambre à la législation générale, on y voit défiler un échantillon hétérogène d'hommes et de femmes français ou étrangers, qui représentent chacun pour soi un pan de la société. De même, par le caractère pour la plupart anecdotique de leurs délits, ils sont désignés comme ce qu'ils sont réellement, des individus comme nous tous, qu'on rencontre tous les jours dans la rue. Dans ce contexte, le documentaire fonctionne également comme une mise en garde, comme une invitation à la précaution, ou mieux encore à la responsabilité et au respect des conventions civiques, afin de ne pas se retrouver face à la loi après des actes aussi banals qu'un léger dépassement d'alcoolémie au volant, une injure échappée après un différent avec une contractuelle ou le désagrément d'une interpellation musclée.
La loi, telle qu'elle paraît ici, est certes d'apparence juste selon les quelques instants d'instruction montrés, cependant, elle manque dans une certaine mesure de miséricorde et, avant tout, elle est suffisamment sollicitée pour ne plus considérer le fautif comme un individu, mais comme un cas de figure. Ce constat s'impose surtout à travers les réquisitoires des procureurs qui tentent d'élever de simples infractions du code au rang de comportement dangereux qui ébranlerait à peu de choses près les fondements de la république. Du côté opposé, les avocats n'inquiètent pas moins avec leur plaidoiries tout droit sorties d'un manuel, qui montrent soit leur manque d'expérience flagrant, soit leur propension à l'exagération. Seule madame la présidente semble garder son sang froid et son bon sens dans cette cour d'école pour adultes immatures et irresponsables. Un exploit d'autant plus remarquable à cause des heures de travail insensées (la comparution immédiate jusqu'à deux heures trente du matin) et en dépit d'un ton assez sec qui doit venir avec l'emploi.
Revenons enfin aux condamnés - puisque la relaxe ne prend qu'une place négligeable ici - : entre ceux qui rejettent la faute sur les autres, ceux qui connaissent toutes les failles du système pour parvenir à rester en France malgré de multiples condamnations et interdictions de territoire, ceux qui préfèrent travailler plutôt que respecter la loi, ceux qui se croient au-dessus de la loi et autorisés à la critiquer et ceux qui sont suffisamment dépendants de substances ou bien qui montrent un comportement irrationnel, la France est vraiment dans de beaux draps.
Un peu comme le policier en partie civile qui sait que son travail ne fera jamais de réelle différence, puisque des voleurs, il y en a toujours trop, Depardon semble suggérer à travers cette série de cas que la justice fonctionnera toujours, mais que son impact sur la responsabilité civile reste très limité. Pourquoi sinon clôre son documentaire avec deux prévenus emblématiques (le redresseur des torts et le livreur sans permis) dont les jugements ne font pas partie du film ?
Vu le 6 août 2004, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 21
Note de Tootpadu: