Civil War

Civil War
Titre original:Civil War
Réalisateur:Alex Garland
Sortie:Cinéma
Durée:109 minutes
Date:17 avril 2024
Note:
Dans un futur proche où les États-Unis sont au bord de l'effondrement et où des journalistes embarqués courent pour raconter la plus grande histoire de leur vie : La fin de l'Amérique telle que nous la connaissons.

Critique de Sabine

Avec Civil War, Alex Garland réalise un film puissant, saisissant, terrifiant sur la guerre et la condition humaine. Cette immersion au cœur d'une guerre civile dans une démocratie occidentale est bouleversante. C'est également un magnifique hommage à ceux qui prennent tous les risques pour nous informer : journalistes et photographes de guerre. 

Dans un futur proche, 19 états américains ont fait sécession. Les forces insurgées du Texas et de la Californie se dirigent vers Washington, pour prendre le Capitole. Un quatuor de journalistes et photographes de guerre décide de rejoindre la capitale, en voiture, avant les rebelles, pour interviewer le président. Commence un voyage au péril de leur vie dans ce pays désuni, une plongée dans la guerre civile du point de vue de ceux qui la couvrent.

L'improbable quatuor se compose de deux journalistes et deux photographes de presse, qui incarnent trois générations. Kirsten Dunst interprète Lee, une photographe de presse expérimentée et célèbre, en plein questionnement sur son métier. Ce rôle de femme terrienne est aux antipodes de ceux qu'elle a interprété pour Sofia Coppola. Et cela lui va bien. Elle est parfaitement crédible en photographe, qui a vu trop d'horreurs. A ses côtés, Wagner Moura, le Pablo Escobar de la série Narcos, interprète Joel, un journaliste qui protège Lee, comme sa sœur. Cailee Spaeny joue une jeune photographe de presse qui prend son envol. Enfin, le rôle du sage, Sammy, journaliste de presse expérimenté, est confié à Stephen McKinley Henderson (Fences, Dune,...). Tous sont d'une grande justesse et nous entraînent dans un maelström d'émotions. Durant ce périple, le quatuor croise une galerie de personnages. L'un d'entre eux se détache au cours d'une scène marquante : Jesse Plemons dans le rôle d'un soldat impitoyable. 

Le film arrive sur nos écrans en cette année d'élection présidentielle américaine, alors que les Etats-unis sont plus divisés que jamais, et que ressurgit dans les débats, l'attaque du Capitole en Janvier 2021, par les émeutiers pro-Trump, une après-midi d'émeutes où la démocratie américaine a vacillé. Pourtant Alex Garland a commencé l'écriture de son film dès 2020, lors de la pandémie de Covid. Le scénario est actualisé en fonction de l'évolution de la situation mondiale. Aujourd'hui, ce film entre en résonnance avec la situation actuelle, même si la raison du conflit n'est jamais dévoilée au spectateur. Car Alex Garland a surtout voulu faire un film sur la guerre : «je crois qu’il est important de comprendre que personne, ni aucun pays n'est à l'abri de cela. Parce que ça n'a rien à voir avec les États, mais avec les individus”. Cette mise en garde se retrouve dans l'un des dialogues de la photographe Lee : «chaque fois que j'ai couvert des conflits, je pensais que j'envoyais un signal d'alerte à mon pays : ne faites pas ça. Mais nous y voilà.»

Pour faire comprendre l'horreur de la guerre, Alex Garland adopte une approche naturaliste à tous les niveaux : mise en scène, décor, image, … Le réalisateur ne glorifie pas la violence. La reconstitution des combats avec de véritables vétérans, sous la direction de Ray Mendoza, ancien membre de la Navy Seal, est impressionnante. L'utilisation de caméras portatives plonge le spectateur au cœur de l'action. Les paysages américains détruits par la guerre sont terriblement réalistes, sans effets spéciaux, comme lorsque la voiture du quatuor navigue entre les voitures brulées sur une autoroute. Le film ressemble plus à une réalité possible qu'à une véritable dystopie. Pour faire ressentir au spectateur les conséquences humaines de la guerre, le réalisateur utilise tous les moyens cinématographiques, comme la puissance d'un silence, d'un cri étouffé, d'un montage cut. Cette maîtrise fait de ce film un grand film. Si Alex Garland cite Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick comme inspiration, son film me fait penser à Full Metal Jacket dans cette volonté de montrer que la guerre détruit tout, qu'elle déshumanise les soldats, les miliciens et tous ceux qui l'approchent de trop près.
L'affiche de Civil War se rapproche d'Apocalypse Now. Elle peut. C'est le film événement de ce début d'année, cette année de tous les dangers. 

Civil War
Écrit et réalisé par Alex Garland
Produit par Andrew Macdonald, Allon Reich, Gregory Goodman
Avec Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura, Stephen McKinley Henderson, Nick Offerman
Directeur de la photographie : Rob Hardy
Chef-décoratrice : Caty Maxey
Montage : Jake Roberts
Musique : Ben Salisbury, Geoff Barrow
Sociétés de production : DNA Films, IPR.VC
Distribué par A24 (Etats-Unis), Metropolitan Films (France)
Dates de sortie : 12 avril 2024 (États-Unis), 17 avril 2024 (France)
Durée : 109 minutes
Vu le 7 mars 2024 au Pathé Wepler

Note de Sabine:

Critique de Mulder

Dans Civil War, Alex Garland s'éloigne des pièges de la science-fiction de ses films précédents pour dresser le portrait viscéral et déconcertant d'un État américain déchiré par un conflit interne. Le film est une exploration narrative profonde, vue à travers les yeux de journalistes couvrant les événements traumatisants d'une hypothétique deuxième guerre civile américaine. Avec Kirsten Dunst à la tête d'une distribution talentueuse, le film de Alex Garland n'est pas seulement l'histoire d'une nation fragmentée, mais une œuvre contemplative sur l'esprit humain, l'éthique du journalisme et la nature cyclique de la décadence sociétale.

Le film s'ouvre sur une Amérique déjà plongée dans les affres de la guerre civile, où le gouvernement fédéral est au bord de l'effondrement et où différents États forment des alliances. Le récit central suit la photojournaliste chevronnée Lee (Kirsten Dunst) et ses collègues - Joel (Wagner Moura), un reporter expérimenté, Sammy (Stephen McKinley Henderson), un vieil écrivain sage, et Jessie (Cailee Spaeny), une jeune photojournaliste enthousiaste - alors qu'ils naviguent dans les paysages déchirés par la guerre, de New York à Washington D. C. Leur mission est périlleuse, car ils ne sont pas en mesure de faire face à la situation. Leur mission est périlleuse : obtenir une interview exclusive du président (joué par Nick Offerman), qui reste insaisissable et mystérieux sur fond de chaos.

L'Amérique dépeinte par Alex Garland est dure et inébranlable. Les structures sociétales que nous tenons pour acquises sont dépouillées, révélant une nation à la fois physiquement et moralement fragmentée. Les alliances entre des États comme le Texas et la Californie - traditionnellement opposés sur le plan idéologique - servent de métaphore à l'absurdité et au caractère aléatoire des divisions politiques. À travers le voyage des journalistes, Garland explore les thèmes de la vérité, des compromis moraux nécessaires à la survie et des limites floues entre l'observateur et le participant.

Le choix de raconter cette histoire à travers les expériences des journalistes est particulièrement efficace. Il met en évidence le rôle des médias en tant qu'historiens et participants, avec le potentiel d'amplifier ou d'atténuer les horreurs de la guerre. Lee, avec sa détermination endurcie et ses dilemmes éthiques, incarne le conflit entre le maintien de l'intégrité journalistique et l'instinct humain de survie.

Kirsten Dunst offre une performance exceptionnelle dans le rôle de Lee Smith, dont le parcours est marqué par une transformation obsédante d'observatrice détachée en participante réticente. Le portrait de Kirsten Dunst est nuancé, capturant l'interaction complexe de la résilience, de l'ambiguïté morale et du traumatisme sous-jacent. Ses interactions avec Jessie, qui représente à la fois son passé et l'avenir du journalisme, sont particulièrement poignantes et reflètent les changements générationnels dans les idéaux et les méthodologies de ce domaine.

Wagner Moura et Stephen McKinley Henderson apportent un soutien solide, représentant différentes facettes du spectre journalistique, du cynisme à l'ancrage moral inébranlable. L'interprétation du président par Nick Offerman est d'une sobriété glaçante, incarnant un dirigeant déconnecté du monde qui s'écroule autour de lui.

La cinématographie de Rob Hardy est un personnage à part entière, utilisant un style véridique qui plonge le public directement dans l'action. Le travail de la caméra est intime, souvent claustrophobe, capturant le chaos de l'agitation civile avec un regard brut et sans filtre. Le choix des lieux de tournage et des décors peint un tableau sombre d'une Amérique fracturée, avec des bâtiments délabrés et des paysages urbains désolés servant de toile de fond constante et austère.

La musique du film est également sombre et introspective, avec parfois des notes discordantes qui soulignent la tension et l'agitation qui règnent à l'écran. Garland utilise habilement la bande sonore pour juxtaposer le conflit interne des personnages au chaos externe, créant ainsi une atmosphère dissonante et obsédante qui reste gravée dans la mémoire du spectateur.

Civil War est un examen difficile et sévère du paysage sociopolitique américain à travers le prisme de la fiction spéculative. La réalisation ambitieuse d'Alex Garland et les excellentes performances des acteurs se conjuguent pour créer un film qui ne fait pas seulement réfléchir, mais qui est aussi profondément déstabilisant. Il sert de miroir au climat politique mondial actuel, explorant le potentiel destructeur de l'extrémisme idéologique et le rôle central du journalisme dans la formation de la conscience publique.

Ce film est une réussite cinématographique importante qui résonne profondément dans les temps tumultueux d'aujourd'hui. Il est recommandé à ceux qui apprécient les films qui ne se contentent pas de divertir, mais qui abordent des questions sociales cruciales et encouragent la réflexion sur la condition humaine. Civil War est une réussite indéniable, un film inoubliable dont on garde des images en tête longtemps après l’avoir vu, offrant une prévision méticuleuse et sombre d'un avenir qui, espérons-le, reste dans le domaine de la fiction.

Civil war
Écrit et réalisé par Alex Garland
Produit par Andrew Macdonald, Allon Reich, Gregory Goodman
Avec Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura, Stephen McKinley Henderson, Nick Offerman
Directeur de la photographie : Rob Hardy
Montage : Jake Roberts
Musique : Ben Salisbury, Geoff Barrow
Sociétés de production : DNA Films, IPR.VC
Distribué par A24 (Etats-Unis), Metropolitan Films (France)
Dates de sortie : 14 mars 2024 (SXSW), 12 avril 2024 (États-Unis), 17 avril 2024 (France)
Durée : 109 minutes

Vu le 12 avril 2024 au Gaumont Disney Village, Salle 1 place A19

Note de Mulder: