Le garçon et le héron

Le garçon et le héron
Titre original:Kimi-tachi wa Dō Ikiru ka
Réalisateur:Hayao Miyazaki
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:01 novembre 2023
Note:
Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune garçon de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne dans le village où elle a grandi. Il s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine où il rencontre un héron cendré qui devient petit à petit son guide et l’aide au fil de ses découvertes et questionnements à comprendre le monde qui l'entoure et percer les mystères de la vie.

Critique de Mulder

Hayao Miyazaki, le maestro de l'animation, a une fois de plus gratifié le public de sa narration transcendante et de son monde visuellement enchanteur dans Le garçon et le héron. Ce chef-d'œuvre cinématographique marque le retour de Miyazaki après une décennie d'absence. Il propose non seulement un récit captivant, mais aussi une profonde méditation sur la vie, le deuil et la quête incessante de la vérité.

Le film se déroule dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et nous présente Mahito, un jeune garçon confronté à la perte profonde de sa mère lors d'un raid aérien à Tokyo. Son père, personnage important d'une usine d'aviation, se réfugie dans un domaine rural hérité de la défunte mère de Mahito. Alors qu'ils tentent de trouver la stabilité au milieu des vestiges de la guerre, le film explore subtilement les complexités de la dynamique familiale et les répercussions des tentatives de reconstruction de vies brisées.

L'attention méticuleuse de Miyazaki pour les détails est évidente dès le début, chaque image étant réalisée avec précision, donnant vie à un monde qui semble remarquablement habité. L'animation est un véritable festin visuel, mettant en valeur le style caractéristique de Ghibli tout en introduisant de nouveaux éléments qui élèvent le film à des sommets inégalés.

Le récit prend une tournure fantastique lorsque Mahito rencontre un mystérieux héron gris qui devient à la fois un guide et une énigme, le conduisant à une ancienne tour ayant le pouvoir de traverser différentes époques et dimensions. La transition entre les dures réalités de la guerre et les royaumes fantaisistes de l'imagination de Miyazaki se fait sans heurt, invitant le public à un voyage qui transcende les frontières du temps et de l'espace.

L'une des caractéristiques les plus remarquables du film est sa partition musicale, composée par le brillant Joe Hisaishi. Les accords de piano dramatiques et en écho renforcent la résonance émotionnelle de l'histoire, soulignant le caractère grandiose de la quête de Mahito et la nature cosmique des défis auxquels il est confronté. La partition de Hisaishi sert de force narrative, guidant le public à travers les hauts et les bas du film dans une symphonie d'émotions.

Le garçon et le héron tisse des liens avec l'humour, une marque de fabrique des récits de Miyazaki. Les animaux anthropomorphisés, en particulier le héron qui finit par se transformer, apportent des moments de légèreté, tandis que les perruches, malgré leur apparence effrayante, provoquent des rires inattendus grâce à leurs singulières pitreries avec des ustensiles de cuisine surdimensionnés.

Dans la plus pure tradition de Miyazaki, le film introduit une nouvelle créature qui nous fait chaud au cœur : le warawara. Ces êtres ingénieusement adorables contribuent non seulement au charme visuel du film, mais jouent également un rôle poignant dans le déroulement du récit, ajoutant une nouvelle couche à la riche tapisserie des mondes fantastiques de Miyazaki.

Sous la surface de la fantaisie et de l'émerveillement, Le garçon et le héron aborde les thèmes lourds de la vie, de la mort et de la création. Miyazaki, dans une fantaisie semi-autobiographique, propose une exploration profonde de la maturation face à un chagrin et à des conflits incessants. Le film laisse entrevoir la possibilité qu'il s'agisse du dernier film du réalisateur de 82 ans, imprégnant chaque image d'un sentiment de finalité qui pèse lourdement sur le récit.

La profondeur du récit est renforcée par l'utilisation magistrale de métaphores et de symboles par Miyazaki. La tour, une construction ancienne liée à un homme rendu fou par une soif insatiable de connaissances, devient le symbole de l'équilibre délicat entre la création et le chaos. Le voyage de Mahito dans ce royaume fantastique, à la rencontre du peuple des ombres, des pélicans et de l'énigmatique warawara, reflète notre propre voyage collectif à travers les complexités de l'existence.

Au fur et à mesure que le film progresse, il devient évident que Le garçon et le héron n'est pas seulement une fantaisie fantasque, mais une exploration contemplative de l'héritage créatif de Miyazaki. Le réalisateur, confronté au spectre de sa propre mortalité, se penche sur les imperfections inhérentes à la fois à la fantaisie et à la réalité. La tour, construite par un homme consumé par le savoir, devient une métaphore de l'isolement et de la complexité d'un esprit créatif.

Le ton du film, tout en embrassant l'abstraction imaginative dans laquelle Miyazaki excelle, ne perd jamais de vue son noyau émotionnel bien ancré. La fin, enveloppée de métaphores, entraîne le spectateur plus loin dans le voyage de Mahito, laissant place à l'interprétation tout en transmettant un sentiment palpable de finalité. Les choix faits par Mahito pour façonner son avenir trouvent un écho auprès du public, reflétant nos propres contemplations existentielles.

Au-delà des éléments fantastiques et des thèmes lourds, Le garçon et le héron est imprégné du charme caractéristique de Miyazaki. Le film rend hommage à l'héritage de Miyazaki en matière d'animation de créatures mémorables, en présentant le warawara comme un nouveau favori parmi les personnages bien-aimés du Studio Ghibli. La grogne des mamies, qui rappelle celle des nains de Blanche-Neige, ajoute une touche de chaleur et de familiarité au récit.

Dans le deuxième acte du film, Miyazaki navigue habilement dans le déplacement temporel, introduisant des règles qui restent juste hors de portée, créant un sentiment d'imprévisibilité et d'enchantement. La construction du monde atteint son apogée, peuplé d'espèces aériennes rivalisant pour la suprématie, y compris la création inspirée d'une armée fasciste de perruches dirigée par un roi ressemblant à Mussolini. Miyazaki relie magistralement ces éléments fantastiques à des questions métaphysiques et existentielles plus larges, invitant le public à s'interroger sur sa propre place dans le monde.

Le garçon et le héron présente également un méta-commentaire sur la nature de la narration et le fardeau de la créativité. Mahito, qui navigue dans une tapisserie d'histoire familiale et de destin personnel, devient un vaisseau qui permet à Miyazaki d'explorer les responsabilités des créateurs dans le façonnement des mondes auxquels ils donnent vie. Le film, avec ses couches narratives complexes, suscite une réflexion sur l'interconnexion de la narration et l'impact profond qu'elle peut avoir à la fois sur les créateurs et le public.

Alors que Le garçon et le héron touche à sa fin, les derniers instants du film restent dans les esprits, laissant une marque indélébile dans le cœur du spectateur. Les thèmes de la mortalité, de l'héritage et du pouvoir durable des histoires résonnent longtemps après le générique. L'adieu potentiel de Miyazaki au cinéma est empreint d'espoir, suggérant que la Terre persistera longtemps après le départ des conteurs, laissant derrière elle un héritage qui transcende le temps et l'espace.

Le garçon et le héron témoigne du talent artistique inégalé de Miyazaki. Le film est un mélange de familiarité et de nouveauté qui consolide son héritage en tant que maître de l'animation et conteur d'histoires. Il s'agit d'un voyage poignant, visuellement époustouflant et à forte résonance émotionnelle dans les royaumes fantastiques de l'imagination de Miyazaki, qui invite le public à réfléchir à la beauté et à la complexité de la vie, au pouvoir de la narration et à la magie durable du Studio Ghibli.

Le garçon et le héron
Écrit et réalisé par Hayao Miyazaki
Produit par Toshio Suzuki
Avec Soma Santoki, Masaki Suda, Aimyon, Yoshino Kimura, Shōhei Hino, Ko Shibasaki, Takuya Kimura
Cinématographie : Atsushi Okui
Montage : Takeshi Seyama
Musique : Joe Hisaishi
Société de production : Studio Ghibli
Distribué par Toho (Japon), Wild Bunch Distribution (France), 
Date de sortie : 14 juillet 2023 (Japon), 1er novembre 2023 (France), 6 décembre 2023 (Etats-Unis).
Durée : 124 minutes

Vu le 13 novembre 2023 au Gaumont Disney Village, Salle 3 place A19

Note de Mulder: