Titre original: | A Haunting in Venice |
Réalisateur: | Kenneth Branagh |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 103 minutes |
Date: | 13 septembre 2023 |
Note: |
Après Le Crime de l'Orient-Express et Mort Sur Le Nil, Kenneth Branagh adapte à nouveau un roman policier d'Agatha Christie. Ce film pose un dilemme à l'admiratrice de la reine du crime que je suis. Cette luxueuse enquête policière, qui tend vers le fantastique, est un bon film en soi, mais une trahison de l'œuvre. Critique garantie sans spoiler.
Kenneth Branagh retrouve le scénariste Michael Green pour cette troisième adaptation d'un roman policier d'Agatha Christie, Hallowe'en Party (1969), en français La Fête du Potiron, puis republiée sous le nom Le Crime d'Halloween en 1999. Michael Green s'est également inspirée de ses nouvelles terrifiantes de The Last Seance. Michael Green a scénarisé Gotham, Alien: Covenant, Blade Runner 2049 et des comics comme Superman/Batman. Cette influence se ressent dans le scénario qui intègre le surnaturel et les jumpscares (coups de frayeurs). Le titre original du film traduit cette évolution vers le fantastique, haunting signifiant hanté et non pas mystérieux. C'est la première trahison. Agatha Christie est une écrivaine du mystère, tout en finesse et sobriété, pas des jumpscares. La temporalité du récit en une nuit crée une rupture avec son univers, où Hercule Poirot prend son temps pour assembler petit à petit tous les pièces du puzzle et résoudre l'affaire. Le scénario transforme le roman en murder party, l'action se déroulant dans un palais en une seule nuit. Le déplacement de l'action à Venise crée une troisième rupture par rapport à cette immersion dans cette campagne anglaise, avec ses manoirs, ses jardins, ses traditions, l'heure du thé, tout ce qui fait le charme de l'Angleterre. Pour Michael Green, « aucun lieu ne semble plus hanté qu'un palais vénitien. » Une nouvelle visite des châteaux anglais et écossais s'impose. Enfin, la caractérisation des personnages principaux, Hercule Poirot et Ariadne Oliver, et leur relation sont trop éloignés de ceux des romans.
Kenneth Branagh, acteur et réalisateur, s'est entouré d'un casting international solide à l'interprétation impeccable : Kyle Allen, Camille Cottin, Kelly Reilly, Riccardo Scamarcio... Ils restituent avec justesse et sensibilité les traumas de leurs personnages. Michelle Yeoh compose une célèbre médium élégante, mystérieuse et fascinante. Mention spéciale à Jude Hill, 12 ans. Il interprète avec talent, Leopold, le fils de Docteur Ferrier (Jamie Dornan), enfant d'une grande intelligence et maturité. Le problème réside dans le choix de Kenneth Branagh d'interpréter Hercule Poirot. Ce détective belge est l'un des plus célèbres de la romancière. Orgueilleux, méticuleux, fin gourmet et rondouillard, il a une approche psychologique du crime et s'attache aux petits détails. Malgré son talent, Kenneth Branagh ne restitue pas cette caractérisation à l'écran, contrairement au comédien David Suchet, qui l'interpréta magistralement dans la série britannique d'ITV. Ainsi, David Suchet portait une prothèse afin de devenir ce personnage rondouillard, capable de résoudre une énigme dans son fauteuil grâce à ses petites cellules grises. Le tournage était parfois éprouvant. Il intégrait ce physique dans sa composition. Kenneth Branagh a choisi de garder sa ligne, sacrifiant le personnage, et le comédien, sur l'autel de son image personnelle.
Venise est une ville ciné-génique, avec ses palais, ses gondoles sur les canaux. Elle est propice au mystère avec son imaginaire de masques et de déguisements, lié à son Carnaval. Décors et photographie restituent cette beauté, cette élégance, ce mystère. La reconstitution historique d'après-guerre est soignée. La musique d'Hildur Guønadøttir renforce l'atmosphère fantasmagorique. La réalisation de Kenneth Branagh et son interprétation sont efficaces, mais ne restituent pas les spécificités de l'oeuvre d'Agatha Christie. La scène de la révélation finale, si importante dans la structure des romans, est platement mise en scène, sans inventivité, gâchant la fin.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'œuvre d'Agatha Christie, ce film entre polar et fantastique est de bonne facture. Pour les connaisseurs, le scénario et la réalisation ne sont pas au niveau de l'oeuvre de la Reine du Crime.
Mystère à Venise (A Haunting in Venice)
Réalisé par Kenneth Branagh
Scénario de Michael Green
D'après Hallowe'en Party d'Agatha Christie
Produit par Kenneth Branagh, Judy Hofflund, Ridley Scott, Simon Kinberg
Avec Kyle Allen, Kenneth Branagh, Camille Cottin, Jamie Dornan, Tina Fey, Jude Hill, Ali Khan, Emma Laird, Kelly Reilly, Riccardo Scamarcio, Michelle Yeoh
Directeur de la photographie : Haris Zambarloukos
Décors : John Paul Kelly
Costumes : Sammy Sheldon
Montage : Lucy Donaldson
Musique : Hildur Guðnadóttir
Sociétés de production : Kinberg Genre, The Mark Gordon Company TSG Entertainment, Scott Free Productions, Agatha Christie Limited
Distribué par 20th Century Studios
Date de sortie : 13 septembre 2023 (France), 15 septembre 2023 (Etats-Unis)
Durée : 103 minutes
Vu le 7 septembre 2023 au Publicis Cinémas, Salle 1
Note de Sabine:
Mystère à Venise (A Haunting in Venice) marque le retour réussi de Kenneth Branagh dans le rôle du réalisateur et de l'emblématique détective Hercule Poirot, dans le troisième volet de sa série d'adaptations d'Agatha Christie. Cette adaptation particulière fait un saut audacieux dans le surnaturel, s'éloignant des mystères de meurtre plus conventionnels que nous avons vus dans Meurtre sur l'Orient Express et Mort sur le Nil. Dans cette réimagination sinistre et atmosphérique du roman de Christie Hallowe'en Party, paru en 1969, Kenneth Branagh mêle prfaitement des éléments de mystère, d'horreur gothique et d'exploration psychologique pour créer une expérience cinématographique d'une énigme obsédante.
Avec pour toile de fond la Venise de l'après-guerre, le film brosse un tableau saisissant d'une ville chargée d'histoire et d'intrigues. Hercule Poirot, maintenant à la retraite, a choisi une vie plus tranquille, se laissant tenter par des pâtisseries fraîchement sorties du four et s'occupant de son jardin. Sa décision d'éviter les nouvelles affaires est une tentative de trouver du réconfort et de s'éloigner de la poursuite incessante de la justice qui a défini sa carrière. Cependant, sa solitude est brusquement perturbée lorsque sa vieille amie, la sémillante auteure de romans policiers Ariadne Oliver, interprétée avec charme et esprit par Tina Fey, l'incite à assister à une fête d'Halloween et à une séance de spiritisme dans un grand manoir vénitien.
Alors que l'ensemble des invités se réunit pour cet événement sinistre, le décor est planté pour une histoire palpitante et surnaturelle. Le manoir, dont l'histoire sombre est celle d'un orphelinat que la rumeur dit hanté par les esprits agités d'enfants décédés, devient le point central de l'histoire. La mère éplorée, Rowena Drake, interprétée avec grâce et vulnérabilité par Kelly Reilly, est persuadée que la mort tragique de sa fille est liée d'une manière ou d'une autre à ces légendes sinistres. La célèbre médium Joyce Reynolds, incarnée avec une allure magnétique par Michelle Yeoh, ajoute une touche de mysticisme à l'assemblée et entend entrer en contact avec le monde des esprits pendant la séance.
Cependant, la soirée prend une tournure qui fait froid dans le dos lorsque l'un des participants est brutalement assassiné. Poirot, ramené à contrecœur dans le monde de la résolution des crimes, doit non seulement répondre à la question de savoir qui a commis cet acte odieux, mais aussi à la possibilité troublante que des forces surnaturelles soient à l'œuvre. Le film tisse habilement les fils du mystère, du macabre et du psychologique, créant une atmosphère d'incertitude et d'effroi qui imprègne chaque scène.
La mise en scène de Branagh est tout simplement inspirée. Il utilise des techniques cinématographiques telles que les angles hollandais et les gros plans pour traduire le malaise des personnages et l'état de détérioration du manoir. La tempête qui se profile à l'extérieur ajoute un élément de fatalité imminente, augmentant la tension et donnant l'impression que le mystère lui-même pourrait être emporté à tout moment.
Ce qui différencie Mystère à Venise (A Haunting in Venice) de ses prédécesseurs, c'est sa volonté de laisser le public remarquer des détails subtils tout en gardant une grande partie de la magie cachée. Tout en respectant la structure classique de Poirot - l'introduction de l'ensemble, l'événement déclencheur, la recherche d'indices et la résolution - le film propose une exploration plus profonde du personnage de Poirot. Il n'est plus seulement un brillant détective, mais un homme hanté par ses propres démons, à la fois ceux de la guerre et ceux de sa quête incessante de justice. Ce trouble mental ajoute une couche de complexité au personnage et fait naturellement monter la tension, laissant le public se demander si Poirot n'est pas cette fois-ci dépassé par les événements.
L'ensemble de la distribution brille de mille feux, chaque membre contribuant à l'exploration de thèmes plus vastes. Jamie Dornan et Jude Hill, qui ont déjà travaillé ensemble dans "Belfast", se retrouvent dans le rôle du père et du fils, livrant des performances convaincantes qui font vibrer la corde sensible. Camille Cottin et Kelly Reilly insufflent à leurs personnages profondeur et émotion, tandis que Kyle Allen, Emma Laird et Ali Khan donnent une assise aux éléments surnaturels grâce à leurs interprétations convaincantes. La présence de Michelle Yeoh est magnétique, et son interprétation de l'énigmatique médium ajoute un air d'incertitude à l'histoire.
Mystère à Venise (A Haunting in Venice) est également un régal visuel, grâce au travail méticuleux de la production et des costumiers. Les costumes d'époque du film, conçus par Sammy Sheldon, transportent les spectateurs dans la Venise de l'après-guerre, tandis que la musique sinistre de Hildur Guðnadóttir renforce l'atmosphère inquiétante. La production de John Paul Kelly et les décors de Celia Bobak méritent une mention spéciale pour avoir créé un palazzo qui semble plus proche du monde spirituel que du monde vivant.
Le directeur de la photographie de Branagh, Haris Zambarloukos, utilise toute une série de techniques, notamment des angles hollandais, des objectifs larges et des cadrages uniques, pour créer une expérience visuelle désorientante et d'un autre monde. Bien que certains spectateurs puissent trouver ces choix déroutants, ils sont en parfaite adéquation avec les thèmes du film et avec le sentiment de désorientation que ressent Poirot lorsqu'il est aux prises avec le surnaturel.
Ce qui intrigue le plus dans Mystère à Venise (A Haunting in Venice), c'est peut-être le fait qu'il s'éloigne du genre conventionnel du meurtre et du mystère. Il se penche sur le surnaturel, tissant un récit où les lignes entre le naturel et le paranormal s'estompent. Ce changement de thème permet à Branagh d'explorer des questions plus profondes sur la foi, les traumatismes et la psyché humaine. Alors que les personnages sont confrontés à leurs propres fantômes, le public est invité à s'interroger sur les limites de la réalité.
À l'ère des univers cinématographiques partagés, Branagh aborde Mystère à Venise (A Haunting in Venice) comme un épisode autonome de la série Poirot. Bien qu'il y ait peu de références aux films précédents, le fait de les avoir vus enrichit l'expérience. Le voyage émotionnel de Poirot est plus profond, en particulier après les événements de "Mort sur le Nil". Le portrait que fait Branagh de Poirot, un homme accablé par le passé et par ses propres vulnérabilités, ajoute de la profondeur à un personnage qui est devenu une icône cinématographique bien-aimée.
Le film introduit également des fantômes subtils grâce aux choix d'adaptation de Branagh, tels que la transposition de l'histoire à Venise et son déroulement en 1947. Venise, qui n'a pas été touchée par la Seconde Guerre mondiale, constitue une toile de fond à la fois exotique et obsédante, et les traumatismes de guerre des personnages font partie intégrante du récit. La maison elle-même, avec son histoire inquiétante et ses rumeurs de malédiction, devient un personnage à part entière, jetant une ombre sur chaque scène.
Mystère à Venise (A Haunting in Venice) est un film qui défie constamment ses spectateurs, brouillant les frontières entre la réalité et le surnaturel. Il offre des moments d'horreur et de tension authentiques, ponctués par l'humour pince-sans-rire de Poirot. Le rythme peut sembler précipité au début, mais au fur et à mesure que le récit se déroule, le rythme effréné du film force les pièces éparses à s'assembler, créant ainsi une expérience viscéralement agréable et mémorable.
Mystère à Venise (A Haunting in Venice) est enfin un ajout audacieux et obsédant à la série Poirot de Kenneth Branagh. Il mêle avec succès des éléments de mystère, d'horreur gothique et d'exploration psychologique pour créer une expérience cinématographique unique et immersive. Même s'il n'est pas aussi immédiatement regardable que d'autres mystères, il laisse une impression durable et offre de nombreuses pistes de réflexion. L'engagement de Branagh envers le personnage de Poirot et sa volonté d'explorer de nouveaux territoires thématiques font de ce film un must pour les fans du genre et les amateurs d'histoires énigmatiques. Mystère à Venise (A Haunting in Venice) est une réussite cinématographique qui met en évidence les prouesses de Branagh et l'attrait durable de Poirot dans un monde où le surnaturel et l'humain s'entrechoquent de manière spectaculaire.
Mystère à Venise (A Haunting in Venice)
Réalisé par Kenneth Branagh
Scénario de Michael Green
D'après Hallowe'en Party d'Agatha Christie
Produit par Kenneth Branagh, Judy Hofflund, Ridley Scott, Simon Kinberg
Avec Kyle Allen, Kenneth Branagh, Camille Cottin, Jamie Dornan, Tina Fey, Jude Hill, Ali Khan, Emma Laird, Kelly Reilly, Riccardo Scamarcio, Michelle Yeoh
Directeur de la photogrphie : Haris Zambarloukos
Montage : Lucy Donaldson
Musique : Hildur Guðnadóttir
Sociétés de production : Kinberg Genre, The Mark Gordon Company TSG Entertainment, Scott Free Productions, Agatha Christie Limited
Distribué par 20th Century Studios
Date de sortie : 13 septembre 2023 (France), 15 septembre 2023 (Etats-Unis)
Durée : 103 minutes
Vu le 13 septembre 2023 au Gaumont Disney Village, Salle 3 place A19
Note de Mulder: