Manhattan

Manhattan
Titre original:Manhattan
Réalisateur:Woody Allen
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:05 décembre 1979
Note:
A 42 ans, Isaac, un écrivain new-yorkais qui gaspille son talent pour des émissions de télé, se demande où il va dans sa vie. Bien qu'il adore sa copine actuelle, la très jeune Tracy, il sait que cette relation n'est pas faite pour durer. En plus, l'aveu de son ami de longue date, Yale, d'une affaire extra-conjugale, alors qu'il est marié depuis longtemps, ajoute encore à la confusion d'Isaac. Jusqu'à ce qu'il rencontre Mary, la maitresse de Yale, une femme intelligente et au caractère fort, qu'il trouve au premier abord insupportablement prétentieuse, mais dont il ne tardera pas de découvrir le charme.

Critique de Tootpadu

Dans l'oeuvre quantitativement imposant de Woody Allen, qui approche les 40 longs-métrages de cinéma, de grands cycles se démarquent. Autant rythmées par des actrices en guise de muse et des préoccupations thématiques et formelles, ces périodes durent chacune à peu près dix, quinze ans, avant que le cinéaste ne passe à un registre différent. Alors que la ville de New York et le personnage névrosé habituellement interpreté par Allen lui-même sont des constantes pratiquement immuables, le ton de l'oeuvre suit, dans des grandes lignes, des modifications perceptibles. Au bout d'une décennie de comédies plus ou moins loufoques, généralement avec Diane Keaton comme vedette, le cinéaste introverti a changé de registre, et d'attaches, puisque ses films des années 1980s interpretés par Mia Farrow sont bien plus tortueux et nostalgiques. Rescapé plus ou moins indemne d'une séparation douloureuse au début des années 1990, Woody Allen s'évertue depuis dans un genre comique plutôt mineur, aux rares coups d'éclat (Coups de feu sur Broadway), qui risque même de sombrer dans la médiocrité et les effets narratifs poussifs ces derniers temps.
De cette fatigue de l'inspiration, il n'y en avait pas la moindre trace lorsque le réalisateur s'apprêtait à tourner, pour la première fois en écran large et dans un somptueux noir et blanc, une ode à la ville qui lui avait tant donné, et à l'image de laquelle il avait à son tour tant apporté. Il se trouve même qu'il était par moments dans un véritable état de grâce, orchestrant des séquences sublimes sur la partition magnifique de George Gershwin. Tous les tics et les névroses, qui commencent à nous agacer au bout de trente ans, apparaissent encore dans toute leur fraîcheur et leur originalité dans ce film qui constitue sans doute l'apogée de la maturité du cinéaste, atteinte au bout de dix ans de travail pour le cinéma. Ce ton enjoué, léger et grave en même temps, Allen ne le retrouve plus depuis longtemps, mais cela ne doit rien enlever à l'extrême élégance et ironie de cette petite perle.
Du côté de l'interprétation, si Michael Murphy annonce les maniérismes d'un Alan Alda, le triangle qui se forme à partir du personnage d'Isaac est bien plus passionnant. La jeune Mariel Hemingway trouve l'expression juste pour élever son adolescente au delà de la midinette amoureuse et, surtout, Diane Keaton plonge une fois de plus dans les profondeurs de l'esprit d'une femme finalement aussi complexe que l'identité assaillie du personnage d'Allen.

Revu le 21 mai 2005, au Mac Mahon, en VO

Note de Tootpadu: