Sorcerer

Sorcerer
Titre original:Sorcerer
Réalisateur:William Friedkin
Sortie:Cinéma
Durée:121 minutes
Date:15 novembre 1978
Note:
Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s'associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine… Un voyage au coeur des ténèbres…

Critique de Mulder

En hommage au réalisateur William Friedkin

Dans le paysage tumultueux du cinéma des années 1970, Sorcerer du réalisateur William Friedkin s'est imposé comme un chef-d'œuvre provocateur et énigmatique, défiant les normes conventionnelles du genre et plongeant avec audace dans le domaine de l'effroi existentiel. S'inspirant du roman de 1950 de George Arnaud et du film de 1953 d'Henri-Georges Clouzot Le Salaire de la peur, Friedkin s'est lancé dans une odyssée sombre mêlant réalisme cru et suspense cauchemardesque. Malgré son rejet initial par le public et la critique, Sorcerer a été ressuscité avec le temps comme un triomphe de l'audace cinématographique.

Avec pour toile de fond une ville oubliée d'Amérique latine, le film nous présente quatre hommes accablés par leur passé et pris au piège de circonstances désespérées. L'interprétation obsédante de Roy Scheider, Jackie Scanlon, le protagoniste complexe, est un tour de force, saisissant le poids de la culpabilité et la lutte incessante pour la rédemption. La présence de Scheider, ancrée et brute, sert de pivot, guidant le public à travers les paysages cauchemardesques de Friedkin.

L'habileté de Friedkin en matière de conception sonore s'avère essentielle pour créer l'atmosphère sinistre du film, entraînant les spectateurs dans le périple éprouvant des personnages. Des coups de feu tonitruants à la partition dissonante de Tangerine Dream, le son sert à la fois d'outil narratif et d'intermédiaire entre les personnages et leur psychisme.

Les prouesses visuelles du film sont tout aussi envoûtantes, Friedkin nous plongeant dans des jungles traîtresses et des paysages désolés. La pièce maîtresse de la tension et du danger est l'infâme séquence du pont de corde, un spectacle époustouflant d'effets pratiques et de suspense à couper le souffle. Alors que le pont branlant oscille de façon précaire, les personnages et le public sont confrontés à l'imminence d'un abîme - une métaphore de l'enfermement des personnages par le destin et de leur quête incessante de survie.

La profondeur thématique de Sorcerer résonne dans son exploration du destin, du choix et de l'interaction entre les histoires personnelles et le présent impitoyable. Les quatre protagonistes, chacun portant ses propres péchés et secrets, naviguent dans un monde qui n'offre pas de rédemption facile. Friedkin nous met au défi d'éprouver de l'empathie pour des personnages moralement ambigus, nous obligeant à une introspection sur les limites de l'empathie et la complexité de la nature humaine.

L'audace avec laquelle Friedkin s'éloigne du récit de Clouzot témoigne de sa vision créative. Bien que les deux films partagent une prémisse commune, Sorcerer se distingue en approfondissant la psyché des personnages, l'angoisse existentielle et l'influence insidieuse du pouvoir des entreprises. Le film devient une toile pour Friedkin qui explore l'interaction entre les choix individuels et les forces extérieures, culminant dans un voyage qui est à la fois cathartique et implacablement obsédant.

Rétrospectivement, le rejet initial du film par le public et l'histoire tumultueuse de sa production ne font qu'ajouter à sa mystique. Sorcerer a défié les goûts du grand public de son époque, optant pour un récit sombre et introspectif dans le contexte de la culture émergente des superproductions. Alors qu'il languissait dans une relative obscurité, la résurrection du film et sa restauration méticuleuse ont révélé son véritable éclat à une nouvelle génération de cinéphiles.

Avec Sorcerer, Friedkin signe une symphonie du désespoir, une expérience cinématographique qui interpelle et enveloppe le spectateur dans un monde au bord du chaos. Grâce à ses performances saisissantes, ses paysages sonores évocateurs et sa grandeur visuelle, le film nous attire au cœur des ténèbres, nous invitant à nous confronter à l'énigme du destin et à la fragilité de l'existence humaine. Sorcerer a peut-être été négligé à son époque, mais il témoigne aujourd'hui de l'esprit audacieux de l'exploration artistique et constitue un triomphe cinématographique envoûtant.

Sorcerer
Réalisé par William Friedkin
Écrit par Walon Green
D'après Le Salaire de la peur de Georges Arnaud
Produit par William Friedkin
Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou, Ramon Bieri
Cinématographie : John M. Stephens, Dick Bush
Montage : Bud Smith, Robert K. Lambert
Musique : Tangerine Dream
Société de production : Film Properties International N.V.
Distribué par Universal Pictures, Paramount Pictures (Etats-Unis), Les Bookmakers / La Rabbia (France)
Date de sortie : 24 juin 1977 (Etats-Unis), 15 novembre 1978 (France)
Durée : 121 minutes

Vu le 10 aout 2023 (video) 

Note de Mulder: