Titre original: | Oppenheimer |
Réalisateur: | Christopher Nolan |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 181 minutes |
Date: | 19 juillet 2023 |
Note: |
Oppenheimer : ce film fut une déception, à la hauteur de son attente. Celle-ci était grande en raison du talent du réalisateur Christopher Nolan et du sujet, l'histoire du père de la bombe atomique.
Voici une chronologie succincte pour mieux appréhender ce film complexe. Oppenheimer, brillant physicien américain, pionnier de la mécanique quantique, devient directeur scientifique du Projet Manhattan en 1943. Sa mission : fabriquer une bombe atomique avant le régime nazi. Le 3ème Reich capitule le 8 Mai 1945. Les recherches continuent. Le premier essai nucléaire se déroule sur la base de Los Alamos, le 16 juillet 1945. Deux bombes sont fabriquées et lancées sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 Août 1945. Désormais, l'homme possède les moyens de détruire la planète. La guerre froide commence. En 1947, Oppenheimer est nommé directeur du GAC, le comité consultatif général, qui apporte des conseils scientifiques et techniques à la Commission de l'Energie Atomique des Etats-Unis, qui gère la recherche et la fabrication des armes. Le politicien Lewis Strauss fait partie des fondateurs de cette commission. En 1949, le GAC, présidé par Oppenheimer, exprime son opposition au développement d'une bombe thermonucléaire, dite bombe H. Le président Truman décide de sa mise au point, qui sera effective en 1952. En 1954, en plein maccarthysme, en raison de ses liens avec des communistes, Oppenheimer est auditionné devant une commission de sécurité. Il perd son habilitation sécurité et retourne à la vie civile. Il poursuit ses recherches en physique. John Kennedy lui remet le prix Enrico-Fermi en 1963 en signe de réhabilitation. Il meurt d'un cancer quelques années plus tard.
Pour la première fois, Christopher Nolan réalise un biopic. Il s'est inspiré du livre American Prometheus de Kai Bird et Martin J. Sherwin, lauréat du prix Pulitzer. « C’était le défi du projet: raconter la trajectoire d’un homme,..., et la raconter de son point de vue » affirme le cinéaste. «Le cinéma, comme outil narratif, est particulièrement apte à faire partager au spectateur un parcours de vie en toute subjectivité, en le laissant, comme les personnages, se faire sa propre idée, tout en portant un regard sur ces mêmes personnages de manière un peu plus objective.» Les scènes racontées du point de vue d’Oppenheimer sont en couleur, entrecoupées d’images poétiques évoquant, de manière symbolique, son univers intérieur. Christopher Nolan a même écrit ces scènes à la première personne. Les scènes dites plus objectives, du point de vue de Lewis Strauss, sont en noir et blanc. Par ce que Christopher Nolan choisit de nous montrer de la vie d'Oppenheimer, et par ses omissions, il nous révèle finalement sa propre personnalité, tandis que le mystère Oppenheimer demeure. Aujourd'hui, les historiens s'accordent pour considérer que l’utilisation de la bombe atomique n’était pas nécessaire à la capitulation de Tokyo, comme cela fut pourtant annoncé par le gouvernement américain, et comme le montre ce film.
Comme à son habitude, Christopher Nolan joue avec la temporalité en racontant de manière délinéarisée la vie d'Oppenheimer, son audition devant la commission en 1954 et l'audition de Lewis Strauss devant le Congrès pour devenir Secrétaire du Commerce en 1959. C'était une joie de s'égarer dans l'espace temps de Tenet. C'est nettement plus problématique pour ce biopic d'une personnalité complexe qui a vécu à des époques tourmentées (guerre mondiale, guerre froide, maccarthysme). Le film dure trois heures, soit environ deux heures de scènes de physique quantique et une heure de procès. La virtuosité de la mise en scène de ce réalisateur est toujours intacte, à l'exception d'une scène de sexe inutile et aussi risible que la mort de Marion Cotillard dans ce Dark Knight Rises. L'intime n'est pas le point fort du réalisateur. Les inventions visuelles et sonores sont présentes : solarisation de l'image, violons stridents, impression visuelle et sonore que le monde autour d'Oppenheimer tremble et s'effondre. La partie centrale concernant Los Alamos est brillante, même si le personnage de la femme d'Oppenheimer est étrangement absent. Mais, sur les trois heures, le film est surtout un film de dialogues, froid.
Christopher Nolan s'est entouré d'un casting prestigieux pour incarner plus d'une vingtaine de personnages. Chaque artiste est à son meilleur, quelque soit l'importance de son rôle. Tous et toutes sont parfaitement crédibles, délivrant naturellement moults dialogues de physique quantique. Cillian Murphy incarne Oppenheimer. Le comédien avait joué dans Dunkerque, Inception, et la trilogie Dark Knight. Il porte le film sur ses épaules et délivre une prestation remarquable, tout en finesse et retenue. Le tandem qu'il forme avec Matt Damon, qui interprète le lieutenant Groves, fonctionne à merveille. Robert Downey Junior interprète avec brio le politicien Lewis Strauss, le méchant de l'histoire. Mention spéciale à Tom Conti pour son interprétation d'Albert Einstein.
Christopher Nolan collabore pour la quatrième fois avec le directeur de la photographie Hoyte Van Hoytema (Interstellar, Dunkerque, Tenet). Le film a été tourné en IMAX et en pellicule 65mm, en couleur et en noir et blanc. D'habitude réservé pour les films à grand spectacle, ce procédé a ici été utilisé pour la première fois pour des scènes intimistes. Les scènes filmées dans le désert de Los Alamos bénéficient de ce format. Le cinéaste et son directeur de la photographie ont fait appel aux superviseurs effets spéciaux Scott Fisher (oscarisé pour Interstellar et Tenet) et Andrew Jackson (oscarisé pour Tenet) pour créer l’explosion atomique du film, sans recourir aux images numériques. Le réalisateur travaille à nouveau avec le compositeur Ludwig Göransson (Tenet). Sa musique est omniprésente, évoluant du violon, pour le personnage d'Oppenheimer, à une musique orchestrale puis aux synthés pour créer l'étrangeté et la menace nucléaire.
Oppenheimer
Écrit et réalisé par Christopher Nolan
D'après le livre American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (2005) de Kai Bird, Martin J. Sherwin
Produit par Emma Thomas, Charles Roven, Christopher Nolan
Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon, Robert Downey Jr, Florence Pugh, Josh Hartnett, Casey Affleck, Rami Malek, Kenneth Branagh
Directeur de la photographie : Hoyte van Hoytema
Montage : Jennifer Lame
Musique : Ludwig Göransson
Sociétés de production : Syncopy Inc, Atlas Entertainment
Distribué par Universal Pictures
Date de sortie : 19 juillet 2023 (France), 21 juillet 2023 (Etats-Unis)
Durée du film : 181 minutes
Vu le 11 juillet 2023 à la Cinémathèque de Paris, en fromat 70mm, dans la salle Henri Langlois
Note de Sabine:
Le dernier chef-d'œuvre cinématographique de Christopher Nolan, Oppenheimer, entraîne le public dans un voyage fascinant à travers la vie énigmatique de J. Robert Oppenheimer, l'esprit brillant responsable de la création de la bombe atomique. L'histoire complexe du film se déroule en deux temps parallèles, habilement imbriqués par Nolan pour offrir une exploration captivante de l'impact profond d'Oppenheimer sur le monde et de la tapisserie complexe de sa personnalité.
Divisée en deux perspectives distinctes, Fission et Fusion, la structure du film est un coup de génie qui capture l'essence du personnage d'Oppenheimer. Dans la vibrante chronologie de la Fission, les spectateurs sont transportés à travers l'évolution d'Oppenheimer, d'un étudiant ambitieux à son rôle central dans le projet Manhattan. L'interprétation d'Oppenheimer par Cillian Murphy est tout simplement révélatrice. Son incarnation de la nature à multiples facettes d'Oppenheimer, associée à ses yeux bleus perçants qui traduisent à la fois la perspicacité et la vulnérabilité, transforme Oppenheimer en une figure hypnotique à l'écran.
Les acteurs secondaires brillent de mille feux aux côtés de Murphy. Robert Downey Jr. donne de la profondeur à l'amiral Lewis Strauss, un personnage dont les motivations sont intimement liées au destin d'Oppenheimer. L'interprétation du général Leslie Groves par Matt Damon ajoute de l'authenticité et de la richesse au monde complexe de la collaboration scientifique en temps de guerre.
La finesse de la mise en scène de Nolan est évidente dans chaque image d'Oppenheimer. Les éléments visuels et auditifs du film créent en synergie une expérience immersive qui maintient l'attention du public. Des plans impressionnants de l'explosion de Trinity aux dialogues intimes autour des tables de conférence, chaque scène témoigne du génie cinématographique de Nolan. La conception sonore, en particulier au lendemain d'Hiroshima, transmet de manière obsédante les répercussions monumentales du travail d'Oppenheimer.
Cependant, c'est la capacité de Nolan à passer sans heurt de l'exploration scientifique à l'introspection philosophique qui distingue véritablement Oppenheimer. L'exploration de la mécanique quantique dans le film sert de métaphore évocatrice aux dichotomies internes d'Oppenheimer. À l'instar des particules en superposition, Oppenheimer incarne à la fois le rôle du physicien brillant et celui de l'âme en conflit, déchirée entre la quête du savoir et les dilemmes moraux découlant de ses découvertes.
Les choix narratifs de Nolan, notamment l'interaction entre la couleur et le noir et blanc, contribuent à la richesse thématique du film. Le contraste entre la perspective d'Oppenheimer et celle de Strauss met en évidence leurs chemins divergents, soulignés par la manipulation du pouvoir et de la politique qui guide leurs destins.
Oppenheimer plonge aussi profondément dans le paysage sociopolitique de son époque. Nolan évite habilement de réduire les personnages à de simples allégories politiques, mais présente plutôt une exploration nuancée de la condition humaine. Cette approche ajoute des couches de complexité aux personnages, les élevant au-delà de simples figures historiques et soulignant les contradictions inhérentes à chaque individu.
Malgré une durée de trois heures, les prouesses de Nolan en matière de narration ne faiblissent jamais dans Oppenheimer. Le récit complexe, ponctué par son approche non linéaire caractéristique, maintient l'engagement du public du début à la fin. La longueur du film n'est pas un problème, grâce à son rythme sans faille et à son art de la narration.
Au fur et à mesure que le film progresse vers ses scènes d'audience, Christopher Nolan gère habilement la tension et les révélations, propulsant le récit vers un final qui donne à réfléchir. À travers ces audiences, il tisse magistralement les luttes personnelles d'Oppenheimer avec les forces sociétales plus larges en jeu, laissant le public s'interroger sur la nature de la responsabilité, de la moralité et des conséquences durables du progrès scientifique.
Oppenheimer est une extraordinaire réussite cinématographique qui transcende les limites conventionnelles d'un film biographique. L'attention méticuleuse de Christopher Nolan pour les détails, associée à des performances exceptionnelles, fait de cette œuvre une exploration stimulante de la complexité humaine et de l'interaction complexe entre la création et la destruction. Dans un monde en constante évolution, Oppenheimer est un rappel poignant de l'équilibre délicat entre la lumière et l'obscurité en chacun de nous. Une fois de plus, Nolan confirme son statut de réalisateur visionnaire en créant une expérience cinématographique qui captive les sens tout en stimulant l'intellect. Un chef d’œuvre incontournable qui donne envie d’aller et d’aimer le Cinéma….
Oppenheimer
Écrit et réalisé par Christopher Nolan
D'après le livre American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (2005) de Kai Bird, Martin J. Sherwin
Produit par Emma Thomas, Charles Roven, Christopher Nolan
Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon, Robert Downey Jr, Florence Pugh, Josh Hartnett, Casey Affleck, Rami Malek, Kenneth Branagh
Directeur de la photographie : Hoyte van Hoytema
Montage : Jennifer Lame
Musique : Ludwig Göransson
Sociétés de production : Syncopy Inc, Atlas Entertainment
Distribué par Universal Pictures
Date de sortie : 19 juillet 2023 (France), 21 juillet 2023 (Etats-Unis)
Durée du film : 181 minutes
Vu le 30 juillet 2023 au Gaumont Disney Village, Salle Imax place E19
Note de Mulder: