Mascarade

« c’est l’adaptation du livre que j’ai vainement tenté d’écrire pendant 1 an et qui relatait de façon très romancée une période assez navrante de ma vie, vers l’âge de 23 ans, quand je me noyais dans l’oisiveté et l’argent des autres. Disons que c’est l’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées et qui va tomber raide dingue d’une paumée entretenue par des types plus âgés, leur aventure débouchant sur une vaste manipulation amoureuse. C’est aussi l’histoire d’une guerre sourde entre les sexes et les générations. Et puis c’est le portrait très subjectif que je voulais faire de la Côte d’Azur, dont le nom s’associe dans mon esprit aussi bien à Francis Scott Fitzgerald et l’excentricité d’une élite décadente qu’à l’omniprésence il y a peu, des oligarques russes, leur magnum de champagne au soleil et leur compétition de vulgarités immobilières. »

Le cinéma a un pouvoir de fascination et d’évasion sans limite s’il est fait avec soin et une volonté de sortir des sentiers rabattus des films populaires et commerciaux qui manquent trop souvent de la vision d’un véritable réalisateur. Assurément Nicolas Bedos a réussi à se construire une filmographie pratiquement parfaite (on oubliera OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire (2021)) avec des films écrits avec soin et des véritables moments mémorables de cinéma comme dans Monsieur et Madame Adelman (2017), La Belle Époque (2019). L’influence du cinéma américain se ressent dans chacun de ses films et on imagine ce réalisateur qui a grandi en découvrant de nombreux films dont il s’est abreuvé pour écrire ses propres textes et venir à l’écriture de scénarios puis à la réalisation. Son nouveau film Mascarade est assurément son meilleur à ce jour. Son écriture s’est affinée, la maturité de sa mise en scène l’impose comme l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération et surtout son film déborde d’un véritable amour du cinéma moderne. Il y a dans Mascarade une approche moderne qui reflète en quelque sorte une adaptation revisitée des Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos.

Sur la côte d’Azur la classe aisée semble parader sans fin et dépenser sans compter et surtout montrer qu’avec l’argent tout peut s’acheter. Pourtant dans ce monde luxueux des personnes semblent jouer un jeu selon leur propre règle pour gagner eux aussi une position dans laquelle ils peuvent avoir accès à tout quitte à manipuler les gens de leur entourage. Il y a d’un côté un gigolo qui est devenu le jouet d’une grande comédienne qui vit sur son mythe en ne pouvant plus que jouer des pièces aux théâtres loin des plateaux de cinéma qui ont fait sa richesse et sa gloire. Il y a aussi une call -girl de luxe qui semble mener par sa grande beauté les hommes à la baguette. Lorsque ces deux êtres se rencontrent nait une véritable relation amoureuse et aussi la promesse de mettre sur pied une belle arnaque avec l’aide de l’ex de ce gigolo qui tient aussi à régler quelques comptes personnels avant de partir loin de la côte d’Azur. Les principales victimes de leur plan machiavélique seront cette comédienne de renom et un riche agent immobilier qui a toujours voulu rester intègre.

Le réalisateur et scénariste Nicolas Bodas a porté un grand soin à écrire un scénario tenant de la perfection des grands thrillers et comédies américaines et a su s’entourer comme ses précédents films d’un casting parfait que cela soit Pierre Niney en gigolo (on ne dira jamais à quel point il représente l’avenir du cinéma français et est assurément l’un des meilleurs comédiens actuels), Marine Vacth en femme fatale, Isabelle Adjani en comédienne vivant sur son mythe, François Cluzet en riche agent immobilier (parfait dans chacun de ses rôles) et dans les seconds rôles importants Emmanuelle Devos, Laura Morante et Charles Berling. Nicolas Bedos a conçu son film comme une partie d’échecs à taille réelle dans lequel il avance  ses deux pions principaux dans un terrain dans lequel les illusions sont nombreuses et démontrent en beauté que c’est l’argent et le sexe qui gouvernent le monde actuel et que certains sont prêts à tout pour se faire leur place au soleil.

Après la nostalgie de l’âge d’or du cinéma dans La Belle époque (2019), le nouveau film de Nicolas Bedos tourné en pleine pandémie se révèle nettement plus sombre et pointe du doigt les travers de notre société. Ce réalisateur a su développer à travers ses premiers films un regard critique important envers une société dans laquelle il semble par moment être un électron libre. Il tire son scénario d’un roman qu’il avait ébauché et d’une partie de son expérience personnelle, il en ressort un film qui sonne constamment juste malgré une satire indéniable du milieu aisé de la Cote d’Azur. En découvrant son film, on se rappellera aussi certains classiques des années 50 comme To Catch A Thief (1955) d'Alfred Hitchcock. Ce n’est donc pas non plus un hasard fortuit que ce film commence par une citation de Somerset Maugham sur le monde artificiel de la Côte d’Azur. 

La structure du film revient aussi à une partie d’échecs ayant comme trame de fond un procès qui se veut autant une manière de montrer les travers de la classe aisée de la Cote d’Azur et le fait que pour savoir survivre dans un tel monde il faut savoir mettre par moment son égo de coté voir utiliser ses atouts dont la nature nous a fait grâce. Le plaisir pris à l’écran par les comédiens est clairement visible et une fois de plus le comédien Pierre Niney s’affirme comme un brillant comédien capable de tout jouer tout en restant vrai.  Entouré d’excellentes comédiennes, Isabelle Adjani, Marine Vacth, Emmanuelle Devos et Laura Morante, il donne à son personnage de gigolo une réelle consistance marqué par des dialogues parfaitement amenés. 

Mascarade
Ecrit et réalisé par Nicolas Bedos
Produit par François Kraus, Denis Pineau-Valencienne
Avec Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet, Marine Vacth, Emmanuelle Devos, Laura Morante, Charles Berling , Christiane Millet, James Wilby, Nicolas Briançon, Bruno Raffaelli, Philippe Uchan, Daniel Hanssens, Bérangère McNeese, Marie Zabukovec, Yann Lerat, Jean Vincentelli 
Musique : Nicolas Bedos, Anne-Sophie Versnaeyen
Directeur de la photographie : Laurent Tangy
Montage : Anny Danché
Sociétés de production : Les Films du kiosque, Orange Studio, Pathé
Distribué par Pathé Distribution (France), Orange Studio (international)
Date de sortie : 1er novembre 2022 (France)
Durée du film : 134 minutes

Vu le 20 octobre 2022 au Gaumont Disney Village, Salle 3 place A19

Note de Mulder: