Inexorable

Découvert dans le cadre du festival du cinéma américain de Deauville, le film co-écrit et réalisé par Fabrice du Welz se révèle être un thriller érotique parfaitement dosé et retrouvant tout le charme des grands films américains des années 80. Impossible en découvrant Inexorable de ne pas penser à l’empreinte d’Alfred Hitchcock par cette mise en place inquiétante et parfaitement dosée et surtout par un casting parfait capable de retenir l’attention du public sans aucune fausse note.  Le huitième film de Fabrice du Welz après Quand on est amoureux c'est merveilleux (A Wonderful Love (1999), Calvaire (The Ordeal) (2004), Vinyan (2008), Colt 45 (2014), Alleluia (2014), Message from the King (2016) et Adoration (2019) s’impose assurément comme l’un de ses plus réussis et montre la volonté d’un réalisateur de chercher constamment de nouvelles pistes pour construire ses films. Alors que le cinéma des grands studios français nous surprend guère par sa manière et se complaint trop souvent dans la facilité et des modèles préétablis, il y a encore des réalisateurs capables d’embraser leur sujet librement et de donner vie à des films réussis et prenant.

Certes le scénario semble être classique dans sa forme. Nous découvrons ainsi comment la vie d'une riche éditrice Jeanne (Mélanie Doutey) de son mari romancier, Marcel (Benoît Poelvoorde et de leur fille Lucie (Janaina Halloy Fokan)  est bouleversée par l'arrivée d'une mystérieuse jeune femme, Gloria (Alba Gaia Bellugi), dans leur manoir de campagne mais le traitement fait qu’Inexorable s’impose comme une mécanique parfaitement huilée, un jeu du chat et de la souris dans lequel les apparences sont souvent trompeuses et les hommes décrits comme des usurpateurs ou des lâches. Le trio de comédiens principaux, Benoît Poelvoorde, Mélanie Doutey et Alba Gaïa Bellugi se révèle être un excellent choix tant ils apparaissent dans des contre-pôles évidents. Alors que Benoît Poelvoorde s’est fait une réputation indéniable dans les comédies, il compose ici un homme au passé douteux qui a réussi à cacher un secret sacrément enfoui qui va revenir à la surface et briser une famille vivante tranquillement. De la même manière l’attirance sexuel de son personnage pour la nouvelle baby-sitter fait exploser une autre face de lui-même.

Impossible de ne pas voir non plus dans ce film, une critique d’un milieu aisé français dans lequel ce couple au centre du récit semble profiter d’argent qu’ils n’ont pas gagné réellement mais en bénéficiant des avantages de leur famille que cela soit Jeanne qui hérite de son richissime père ou de Marcel dont le best-seller qui a fait son nom semble entouré d’un réel mystère qui va être révélé. Gloria quant à elle malgré son apparence innocente se révèle être une toute autre femme. La seule personne innocente est la fille Lucie même si elle va être sous la mauvaise influence de Glorai.

Le travail aussi bien sur la photographie et le son du film fait qu’Inexorable est assurément un film parfaitement maitrisé et pour lequel le réalisateur Fabrice du Welz n’a rien perdu de son caractère provocateur et qui semble trouver un vrai plaisir à faire exploser le cocon familial. Certes l’influence du cinéma américain est omniprésente dans le film et rappellera aussi lors d’une scène d’anniversaire l’ambiance du film La malédiction (The omen) (1976) de Richard Donner. Derrière cette histoire de vengeance, Inexorable aborde aussi le monde littéraire sous un angle guère envieux et dénonce ainsi le pouvoir que certaines personnes bénéficient sans réellement le mériter. Assurément, Inexorable est un film marquant de Fabrice du Welz qui révèle une véritable maturité dans l’écriture et la mise en scène. 

Alors que le dernier acte semble être un hommage au Giallo et nous rappellera aussi le film Liaison Fatale (Fatal Attraction) (1988), Inexorable est assurément un thriller violent et réussi qui nous a conquis et surtout impose Fabrice du Welz comme l’un des réalisateurs toujours capables de nous étonner et de faire des films marquants.

Inexorable 
Réalisé par Fabrice du Welz
Produit par Jean-Yves Roubin, Manuel Chiche et Violaine Barbaroux
Ecrit par Fabrice du Welz, Aurélien Molas & Joséphine Darcy Hopkins
Avec Benoît Poelvoorde, Mélanie Doutey, Alba Gaïa Bellugi, Janaina Halloy Fokan, Jackie Berroyer, Anael Snoek
Musique : Vincent Cahay
Directeur de la photographie : Manuel Dacosse
Montage : Anne-Laure Guégan 
Sociétés de production : A Frakas Productions, The Jokers Films production
Distribué par The Jokers Films (France)
Date de sortie : 6 avril 2022 (France)
Durée du film : 99 minutes

Vu le 7 septembre 2021 au Centre International de Deauville

Note de Mulder: