Belle

Belle
Titre original:Belle
Réalisateur:Mamoru Hosoda
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:29 décembre 2021
Note:
Dans la vie réelle, Suzu est une adolescente complexée, coincée dans sa petite ville de montagne avec son père. Mais dans le monde virtuel de U, Suzu devient Belle, une icône musicale suivie par plus de 5 milliards de followers. Une double vie difficile pour la timide Suzu, qui va prendre une envolée inattendue lorsque Belle rencontre la Bête, une créature aussi fascinante qu’effrayante. S’engage alors un chassé-croisé virtuel entre Belle et la Bête, au terme duquel Suzu va découvrir qui elle est.

Critique de Marianne Velma

Si Hayao Miyazaki a le don de nous transporter dans des univers extraordinaires à dos de chat bus, de château à pattes d’oiseau ou de balais magique névrosé, Mamoru Hosoda préfère lui explorer les possibilités merveilleuses de notre monde réel. Comment ? En voyageant dans le temps (La Traversée du temps), en inventant des mondes virtuels (Summer Wars), ou des créatures plus humaines que nous (Les Enfants Loup, Le Garçon et la bête). Après avoir longuement sondé les affres de la famille, ce conteur de talent revient au récit initiatique avec Belle.

En apparence, Belle semble cheminer dans la même direction que Summer Wars, puisque les spectateurs découvrent comme dans le long métrage de 2009, un univers virtuel grandeur nature peuplé d’avatars « kawaii ». La beauté de certains plans dépasse le simple hommage, Hosoda semblant repousser les limites de l’animation à chaque nouveau film. Sauf que les créatures qui arpentent les recoins de cet espace numérique reflètent le moi intérieur des humains qui se dissimulent derrière. L’héroïne Suzu, introvertie dans la vraie vie, se retrouve ainsi transformée en chanteuse ensorcelante dans ce monde artificiel. Seules les taches de rousseur qui constellent son visage laissent entrevoir l’ADN originel de la lycéenne.

Toutefois, cette dualité ne constitue pas le thème principal de Belle. Le long métrage se concentre au contraire sur l’altérité. Hosoda s’aventure ainsi sur une réinterprétation du conte de la Belle et la Bête. Visuellement d’abord avec la multiplication, en faux semblant, de références graphiques à la version de Disney. Métaphoriquement ensuite avec la reprise de motifs narratifs comme l’étude du traumatisme, la capacité à voir au-delà des apparences ou encore l’empathie. Le chemin de la découverte de soi conduit également à la compréhension des autres.

La morale de l’histoire, moins romantique que prévue, s’inscrit parfaitement dans la pysché collective de la société japonaise. Une bonne action désintéressée constitue une vraie richesse pour les individus, même si elle peut parfois avoir des conséquences malheureuses pour soi-même. Le film aborde en plus un sujet d’actualité brulante autour de la violence auxquelles malheureusement toutes les nations doivent faire face. Si cette pureté est indéniable, elle ne parvient pas autant à nous toucher au cœur que certains des anciens films de Hosoda. La connexion sera au final plus cérébrale qu’émotionnelle, pour autant Belle reste un spectacle fascinant dont l’humanité vous gardera bien au chaud pour les fêtes de fin d’année.

Belle
Écrit et réalisé par Mamoru Hosoda
Produit par Nozomu Takahashi, Yuichiro Saito, Toshimi Tanio, Genki Kawamura
Avec Kaho Nakamura, Ryō Narita, Shōta Sometani, Tina Tamashiro, Lilas Ikuta, Kōji Yakusho, Takeru Satoh
Édité par Shigeru Nishiyama
Musique par Taisei Iwasaki, Ludvig Forssell, Yuta Bandoh, Miho Sakai
Société de production : Studio Chizu
Distribué par Toho (Japon), Wild Bunch (France)
Date de sortie : 15 juillet 2021 (Cannes), 16 juillet 2021 (Japon), 29 décembre 2022 (France), 14 janvier 2022 (États-Unis), 
Durée du film : 124 minutes

Vu le 14 octobre 2021 à la salle Pathé.

 

Note de Marianne Velma:

Critique de Mulder

« Belle est le film que j'ai toujours rêvé de créer et que je peux enfin faire aujourd’hui grâce à l'aboutissement de mes films passés. Dans ce film, j'explore la romance, l'action et le suspense ainsi que des thèmes plus profonds tels que la vie et la mort. J’espère que ce sera un grand spectacle de divertissement »  - Mamoru Hosoda

Le cinéma d’animation japonais ne cesse de se renouveler et de nous émerveiller. Loin de n’être qu’une simple mécanique parfaitement huilée comme les différents films d’animations des studios hollywoodiens actuels et ne possédant pas les mêmes ressources humaines et financières pour s’imposer comme des œuvres promues à un succès incontournable à chaque sortie d’un nouveau film, le cinéma d’animation japonais réussit à tenir tête aux mastodontes américains et à nous proposer des films originaux, aussi intelligents par leur manière de proposer des histoires fortes et prenantes qu’esthétiquement beaux, le cinéma d’animation japonais a non seulement été souvent la source d’inspiration de nombreux studios américains mais aussi permis de mettre en avant des thématique fortes. Assurément le nouveau film écrit et réalisé par Mamoru Hosoda s’impose comme un véritable chef d’œuvre et a la même portée émotionnelle que la découverte d’Akira de Katsuhiro Ōtomo.

Belle (Ryū to sobakasu no hime) est à ce jour le film le plus ambitieux et novateur de Mamoru Hosoda non pas que ses précédents films n’étaient pas également des réussites indéniables comme La Traversée du temps Toki o kakeru shōjo) (2006), Summer Wars (Samā wōzu) (2009), Les Enfants loups, Ame et Yuki (Ōkami kodomo no Ame to Yuki) (2012), Le Garçon et la Bête (Bakemono no ko) (2015), Miraï, ma petite sœur (Mirai no Mirai) (2018) mais Belle lui permet d’illustrer de la meilleure manière possible des thématiques qui lui tiennent à cœur. De la même manière on ressent au niveau de l’animation une véritable révolution par rapport à ses films précédents en juxtaposant le monde réel et un monde virtuel qui permet à de nombreuses personnes d’être virtuellement ce qu’ils aimeraient être dans la vie réelle. L’animation de Belle est juste impressionnante par sa qualité et force émotionnelle qui en ressort que cela soit dans ses nombreuses scènes d’action mais aussi des moments plus intimistes. Par sa forme, Belle est la réponse du Japon aux nombreux blockbusters américains qui sont mondialement omniprésents.  Ce n’est donc pas un hasard fortuit que Belle soit présenté mondialement lors du festival de Cannes et plus récemment au festival Animation  film à Los Angeles en présence de Mamoru Hosoda.

Suzu est une lycéenne refermée sur elle-même qui a du mal à s’intégrer dans son école et qui vit dans un village rural. Suite à un terrible accident qui a couté la mort de sa mère alors que celle-ci tentait de sauver la vie d’un enfant d’une noyade, Suzu a perdu confiance en elle. Alors qu’elle prenait un véritable plaisir à chanter avec sa mère et à composer des chansons dans son passé. La mort de sa mère qui selon elle a préféré donner sa vie pour sauver un jeune enfant inconnu que rester avec elle et son père a changé à jamais sa vie. Lorsqu’elle apprend l’existence d’un immense monde virtuel du nom de U, elle s’invente un personnage virtuel du nom de Bell (dont le nom deviendra Belle) et qui est une chanteuse aussi belle qu’à la voix envoutante. Elle rencontre ainsi un succès énorme et devient l’un des personnages virtuels les plus adulés. Pourtant, un jour l’un de ses concerts est interrompu par une créature animale monstrueuse qui s’avère être pourchassée par de nombreux éléments des forces de l’ordre dignes des super-héros. Suzu va alors tenter de comprendre qui est cette créature monstrueuse et sa motivation.

Belle trouve son inspiration aussi bien dans le conte de la belle et la bête mais aussi dans le roman Ready Player One d'Ernest Cline et d’autres films traitant des univers virtuels (comme celui de Matrix). Il en ressort un film mélangeant scènes se déroulant dans le monde réel d’un petit village proche de Tokyo et dans l’univers de U dont l’immensité et la beauté font de Belle un divertissement inoubliable. Véritable expérience d’immersion cinématographique avec différents niveaux de lecture, Belle porte un regard intéressant sur le développement et la place dans notre vie aussi bien des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. Impossible de ne pas voir aussi dans ce film la volonté du réalisateur Mamoru Hosoda d’aboder de nouveaux des thématiques qui lui tiennent à cœur comme l’intégration dans notre société des personnes ayant du mal à croire en elle ou blessées émotionnellement par un passé tragique. 

Alors que Belle n’aurait pu être un simple blockbuster d’animation japonais, le réalisateur Mamoru Hosoda préfère orienter son film mais un troisième acte d’une force émotionnelle rare dans laquelle Suzu va devoir aider deux enfants maltraités par leur père et dont l’un d’eux. Mamoru Hosoda révèle bien ainsi une volonté de ne pas sombrer dans le sensationnalisme à tout prix et fait ainsi de cette fable virtuelle une réflexion intelligente sur notre société actuelle. Impossible de ne pas voir non plus dans ce film, un véritable film d’aventure nous rappelant l’Histoire sans fin (The NeverEnding Story) (1984) de Wolfgang Petersen. Belle se veut aussi une continuité des films précédents de Mamoru Hosoda et ce n’est donc pas un hasard comme dans Ready player one de voir des allusions visuelles aussi bien à Summer Wars que d’autres de ses films.

On se doute également que Belle est pour Mamoru Hosoda une manière de rendre hommage aux films Disney qui ont nourri son imagination et lui ont donné envie de devenir réalisateur. Après avoir travaillé au sein de Toei Animation, Madhouse et avoir créé son propre studio d’animation Studio Chizu, Belle est à ce jour son meilleur film et surtout un des événements cinématographiques incontournables de cette année dont on n’a pas fini d’entendre parler nous pouvons déjà parier sur l’Oscar du meilleur film d’animation.. En attendant on ne peut que vous encourager à découvrir ce film au cinéma en France dès le 29 décembre prochain et aux Etats-Unis le 14 janvier prochain.

Belle
Écrit et réalisé par Mamoru Hosoda
Produit par Nozomu Takahashi, Yuichiro Saito, Toshimi Tanio, Genki Kawamura
Avec Kaho Nakamura, Ryō Narita, Shōta Sometani, Tina Tamashiro, Lilas Ikuta, Kōji Yakusho, Takeru Satoh
Édité par Shigeru Nishiyama
Musique par Taisei Iwasaki, Ludvig Forssell, Yuta Bandoh, Miho Sakai
Société de production : Studio Chizu
Distribué par Toho (Japon), Wild Bunch (France)
Date de sortie : 15 juillet 2021 (Cannes), 16 juillet 2021 (Japon), 29 décembre 2022 (France), 14 janvier 2022 (États-Unis), 
Durée du film : 124 minutes

Vu le 04 décembre 2021

Note de Mulder: