Next door

Next door
Titre original:Next door
Réalisateur:Daniel Brühl
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:29 décembre 2021
Note:
A Berlin, Daniel est un acteur célèbre qui vit dans un bel appartement avec sa charmante compagne, leurs deux enfants et la nounou. Il s’apprête à décoller pour Londres où l’attend le casting d’un film de superhéros. En attendant son chauffeur, Daniel se rend au bar du coin sans savoir qu’il est suivi par son mystérieux voisin, Bruno. Cette rencontre préméditée va emmener Daniel vers les recoins sombres de son intimité. Bruno est bien décidé à lui faire vivre un enfer.

Critique de Mulder

Il est toujours intéressant de découvrir un premier film d’un comédien car celui-ci révèle non seulement son regard de réalisateur mais surtout de nouvelles facettes de sa personnalité. En livrant un film plus personnel, un comédien peut laisse éclater sur l’écran ses frustrations mais aussi sa vision d’un système mettant le comédien au centre de l’industrie du cinéma mondiale. On peut donc aisément comprendre la volonté de l’excellent comédien Daniel Brühl qui a pu se construire une très belle filmographie en alternant productions indépendantes et productions hollywoodiennes. Good Bye, Lenin! (2003), Joyeux Noël (2005), Two Days in Paris (2007), La Vengeance dans la peau (The Bourne Ultimatum) (2007), Inglourious Basterds (2009), Intruders (2011), Rush (2013), Le Cinquième Pouvoir (Fifth Estate) (2013), Captain America: Civil War (2016), Otages à Entebbe (Entebbe) (2018),  la série Faucon et le soldat d’hiver (2020) et prochainement The King's Man : Première mission (The King's Man) (2021)).

 Le fait que le comédien Daniel Brühl parle couramment plusieurs langues lui a ainsi permis d’alterner des productions allemandes, françaises mais aussi américaines. Son premier film Next door marque non seulement des débuts prometteurs comme réalisateur mais aussi lui permet de livrer une composition marquante. Le souci des premiers films est qu’ils montrent en général une volonté de trop bien faire et ainsi de prendre pratiquement aucun risque mais aussi de donner au comédien devant et derrière la caméra un rôle trop parfait pour non seulement jouer de sa popularité mais aussi prendre un minimum de risque. Pourtant le réalisateur et comédien Daniel Brühl casse volontairement son image mais corrobore une nouvelle fois à quel point il est un excellent comédien de stature mondiale.

En découvrant Next door on pense notamment au film The player de Robert Altman dans sa volonté d’aborder le métier des comédiens et de l’image de marque que ceux-ci construisent quitte à donner au public une image guère représentative de leur véritable personnalité. Nous découvrons ainsi, Daniel (Daniel Brühl) une star de cinéma mondiale qui s’est construit une très belle carrière et qui a semble t’il aussi réussi sa vie privée. Tout lui réussit et témoigne de la richesse amassée en alignant des succès mondiaux. Reconnu dans la rue, apprécié par ses talents indéniables de comédien, ce personnage semble être une prolongation du comédien Daniel Brühl lui-même. Tout semble être sous son contrôle et lui permettre ainsi de passer des auditions dans différents pays notamment pour un blockbuster américain de super-héros (clin d’œil évident aux Studios Marvel). Marié, deux enfants, tout aurait pu continuer à se dérouler notamment pourtant lorsqu’il qu’il s’apprête à partir à Londres pour une audition importante, son train-train habituel va être à jamais changé en faisant une rencontre dans un bar café proche de son domicile. En effet, son voisin Bruno (Peter Kurth) qui l’a non seulement observé avec attention va non seulement changer à jamais sa vie mais aussi lui apprendre de manière forte le sens des responsabilités. 

Alors que Next door aurait pu s’orienter vers une pièce de théâtre filmée et statique, il n’en est rien. Le scénario de Daniel Kehlmann est non seulement totalement maitrisé mais présente des dialogues parfaitement amenés et un affrontement verbal entre deux hommes, Daniel et Bruno et une interrogation sur l’image publique et celle-privée, des responsabilités d’un comédien mais aussi d’un code moral à tenir afin d’être irréprochable et non jeter en pâture à des paparazzis pouvant ruiner la carrière de comédiens célèbres par des débordements peu orthodoxes. Next door bénéficie d’un rythme parfait et présente une musicalité indéniable telle un métronome battant la mesure à allure constante sans s’arrêter. Loin de s’aventurer sur les terres conquises d’un film à grand budget, le premier film de Daniel Brühl est un thriller intimiste dont pratiquement toute l’action se déroule dans un bar. Ce contexte n’est pas sans rappeler par certains côtés le film très réussi de Mabrouk El Mechri  JCVD (2008). Les deux films mettent l’accent sur le métier d’acteur, le fait qu’ils doivent capturer l’attention du public, parader à différents événements et jouer un rôle dans leur vie publique.

Le personnage de Daniel semble être égocentrique et  ainsi vivre dans son propre monde qu’il s’est forgé aves ses habitudes, le fait de ne plus faire attention à son entourage et de penser qu’à sa carrière au détriment de sa vie privée. Daniel Brühl omniprésent à l’écran signe ici un film très réussi et montre qu’en travaillant avec des réalisateurs très doués comme notamment Paul Greengrass , Quentin Tarantino , Ron Howard , Bill Condon, Anton Corbijn , Michael Winterbottom , Anthony et Joe Russo : Helmut Zemo et José Padilha, il  a pu acquérir une expérience indéniable pour maitriser un film tant sur son rythme que sur la direction de comédiens et le voir affronter verbalement Peter Kurth est un grand plaisir.  De la même manière, ce film nous renvoie aussi par son approche à la force émotionnelle qui se dégage de séries comme Twilight Zone ou plus récemment Black mirror. Les nombreux niveaux de lecture du film renforcent aisément son assise et capture totalement notre attention. 

Le caractère social de Next door est clairement également affiché. Le film oppose ainsi deux milieux sociaux, l’un privilégié et l’autre qui doit tenter de vivre décemment mais qui commence à en avoir assez de voir ceux privilégiés ne plus se rendre compte de leur chance et de la difficulté de la vie. Le film aborde aussi le lien fort entre des spectateurs et des comédiens de réputation mondiale pouvant bénéficier de nombreuses facilités en étant en relation avec des marques luxueuses. Même si certains comédiens veulent se donner bonne figure sur les tapis rouges, interviews et semblent montrer leur volonté de s’engager dans le social cela semble par moment être qu’une manière de se forger une image de marque qui n’est souvent guère représentative de la réalité. Daniel Brühl est un comédien surdoué qui a su garder les pieds sur terre et l’image de son personnage ici semble être un autre reflet de lui guère flatteur. Cette manière de déconstruire son propre mythe montre bien que ce comédien a compris que l’importance n’est pas d’aligner des superproductions à ne pas finir mais s’investir dans des projets qui lui tiennent à cœur que cela soit des films de super héros mais aussi des films indépendants allemands dans lesquels il confirme qu’il est un immense comédien qui prend un véritable plaisir tel un caméléon à rentrer dans de rôles différents. 

Il y aussi dans ce premier film l’ombre indéniable de réalisateurs comme Michael Haneke et la fin que l’on ne révèlera amènera réellement à la réflexion. De la même manière on pourrait se demander si ce film ne serait pas simplement un film fantastique dans le sens que Bruno semble être comme une petite voix de Daniel lui demandant de reprendre le contrôle de sa vie et d’assumer ses erreurs. Cette lecture intéressante du film lui apporte une force émotionnelle indéniable.  Assurément Next door révèle que Daniel Brühl a réussi son passage derrière la caméra et nous attendons donc son prochain film 

Next Door
Réalisé par Daniel Brühl
Écrit par Daniel Kehlmann
Produit par Daniel Brühl, Malte Grunert
Avec Daniel Brühl, Peter Kurth
Cinématographie : Jens Harant
Montage : Marty Schenk
Musique : Moritz Friedrich, Jakob Grunert
Sociétés de production : Amusement Park Films, Erfttal Film, Gretchenfilm, Warner Bros. Film Productions Germany
Distribué par Warner Bros. Pictures (Allemagne), Eurozoom (France)
Date de sortie : 1er mars 2021 (Berlinale), 2 janvier 2021 (France)
Durée du film : 92 minutes

Vu le 29 septembre 2021 (screener presse)

Note de Mulder: