Stillwater

Titre original:	Stillwater
Réalisateur:	Tom McCarthy
Sortie:	Cinéma
Durée:	140 minutes
Date:	22 septembre 2021
Note:

Travaillant sur des plateformes pétrolières, Bill Baker est un homme calme et taciturne qui a longtemps négligé sa famille. Il décide de se rendre de l'Oklahoma à Marseille pour rendre visite à sa fille Allison, dont il n'a jamais été proche, mais qui est incarcérée pour un meurtre qu'elle prétend ne pas avoir commis. Lorsqu'Allison lui parle d'un nouvel indice qui pourrait la disculper, Bill est confronté à la barrière de la langue et à un système juridique complexe qu'il ne comprend pas. Avec l'aide de Virginia, une actrice qu'il a rencontrée par hasard, il entreprend de s'occuper lui-même de l'affaire et de prouver l'innocence de sa fille.

Critique de Mulder

Après avoir été présenté au festival de Cannes, le nouveau film de Tom McCarthy a fait l’ouverture du festival du cinéma américain de Deauville et nous avons ainsi pu le découvrir au Centre International de Deauville. Il faut reconnaitre que ce film fut un excellent choix pour ouvrir le festival tant il permet d’appuyer sur le contraste fort entre la vie aux Etats-Unis (Oklahoma) et celle en France (Marseille). Ce film rappellera à certain l’ambiance du film Frantic de Roman Polanski dans lequel un américain enquête avec l’aide d’une française sur une affaire personnelle. Un nouvelle fois la ville de Marseille se révèle haute en couleur et est parfaitement utilisée en toile de fond pour nous proposer un thriller parfaitement maitrisé et interprété principalement par le duo composé par Matt Damon et Camille Cottin.

Nous découvrons ainsi Bill Baker (Matt Damon) lequel au chômage quitte son Oklahoma natal pour se rendre à Marseille pour essayer de faire sortir sa fille Allison (Abigail Breslin) de prison. Ne parlant ni français et pas adapté à la vie en France, il va devoir tenter de libérer sa fille qui a été incarcérée pour un meurtre qu’elle prétend ne pas avoir commis et sa seule chance de tenter de prouver son innocence est de retrouver une personne qui s’est vantée le temps d’une soirée d’avoir commis ce meurtre. Bill voit dans le fait de pouvoir aider sa fille un moyen de se racheter et de renouer avec elle et de retrouver sa confiance. Pourtant les différences sociales et culturelles entre les USA et la France ne vont pas aider Bill pour pouvoir aider de manière convenable sa fille. Il va se heurter à un système judiciaire différent des Etats-Unis et ne pourra pas compter sur l’avocate de sa fille qui pense qu’aucun nouvel élément probant permet de rouvrir son dossier. La seule personne qui va accepter d’aider Bill est une comédienne française de théâtre, Virginie (Camille Cottin), mère de la petite Maya (Lilou Siauvaud). La rencontre de Bill et Virginie va changer leur vie et aider Allison.

Le scénariste et réalisateur Tom McCarthy a toujours conçu son cinéma comme une approche de notre société actuelle que cela soit dès son premier film The Station Agent (2003) mais aussi à travers ses films The Visitor (2008), Les Winners (Win Win) (2011), The Cobbler (2014) et Spotlight (2015). Il aura fallu attendre six ans pour découvrir son nouveau film sur lequel il a voulu mettre en avant l’importance des liens familiaux mais aussi les nombreuses différences marquantes entre la société française et américaine. La ville de Marseille se révèle être de nouveau au centre même de l’histoire du film comme ce fut le cas récemment dans l’excellent film français Bac Nord de Cédric Jimenez. De nouveau il est intéressant de voir la vision d’un réalisateur américain sur cette ville qui de nouveau met en avant une police corrompue prête à accepter des pots de vin et des quartiers dangereux dans lesquels des gangs imposent leur propre loi. Loin du calme de Paris retranscrit dans de nombreux films, la ville de Marseille semble être une ville dans laquelle la violence est omniprésente comme Bill va en faire les frais.

Ceux qui s’attendent à un nouveau film d’action dans la lignée de la saga cinématographique culte Jason Bourne risque d’être assez déçus tant le film tend à une étude de caractères et vers un drame social parfaitement campé. Une nouvelle fois Matt Damon montre qu’il est un excellent comédien et Camille Cottin se révèle une nouvelle fois une grande comédienne qui choisit parfaitement ses rôles et semble préférer s’orienter comme ici vers des drames que des comédies. La grande qualité de Stiillwater est de s’éloigner du simple blockbuster estival mettant en scène une star hollywoodienne pour s’orienter vers la même orientation que le cinéma indépendant c’est-à-dire un film à l’histoire plutôt simple et qui cherche constamment à être réaliste et non à vouloir en mettre plein la vue aux spectateurs.

La famille est au centre même du récit que cela soit celle de Bill et d’Allison mais aussi celle qui va se former entre celui-ci et Virginie et sa fille Maya. Père de substitution pour Maya, Bill voit ici le fait d’avoir une seconde chance et réussir à reconstruire sa vie personnelle après un drame du passé. Matt Damon s’impose ici comme l’un des meilleurs comédiens actuels et donne à Stillwater toute sa force et sa fragilité. Assurément Stillwater est une réussite indéniable et devrait permettre à Camille Cottin de pouvoir se faire un nom à Hollywood tant elle se révèle être une nouvelle fois une excellente comédienne

Stillwater
Réalisé par Tom McCarthy
Produit par Steve Golin, Tom McCarthy, Jonathan King et Liza Chasin
Écrit par Tom McCarthy, Marcus Hinchey, Thomas Bidegain & Noé Debr
Avec Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin, Lilou Siauvaud, Deanna Dunagan, Idir Azougli, Anne Le Ny, Moussa Maaskri
Musique : Mychael Danna
Directeur de la photographie : Masanobu Takayanagi
Montage : Tom McArdle
Sociétés de production : Participant, DreamWorks Pictures, Slow Pony, Anonymous Content, 3dot Productions, Supernatural Pictures
Distribué par Universal Pictures (France)
Date de sortie : 8 juillet 2021 (Cannes), 30 juillet 2021 (États-Unis), 29 septembre 2021 (France)
Durée du film : 140 minutes

Vu le 3 septembre 2021 au Centre International de Deauville

Note de Mulder:

Critique de Marianne Velma

Les faits divers n’en finissent pas d’inspirer les auteurs. Avec Stillwater, Tom McCarthy (Spotlight, The Louder Voice) s’inspire librement de la célèbre affaire Amanda Knox, qui avait vu une étudiante américaine être accusée du meurtre de sa colocataire en Italie. Pas question ici de reprendre l’imbroglio juridico-médiatique qui avait fasciné le monde entier et surtout les américains abasourdis par l’idée que derrière les yeux bleus de l’étudiante pouvait se cacher une implacable meurtrière. Tom McCarthy s’intéresse lui au drame humain derrière l’histoire tragique.

Le film nous raconte le parcours de Bill, foreur au fin fond de l’Oklahoma, longtemps père absent, dont la fille Allison purge une lourde peine dans la prison des Beaumettes à Marseille. Persuadé de son innocence, il va tout tenter pour retrouver le vrai meurtrier. Avec un pitch pareil, McCarthy convoque immédiatement les imaginaires littéraires de ces polars situés dans les villes côtières méditerranéennes, où la lumière omniprésente ne dissimule qu’un temps l’âme sombre de certains de ses habitants. Pourtant, à l’image, McCarthy préfère les effets naturalistes à une imagerie trop marquée « film de genre ».

S’il fait de Marseille un vrai personnage du long métrage, jamais il ne tombe dans les clichés faciles à l’attention de spectateurs avides de pop corn et d’idées surannées. Au contraire, le choc culturel entre les deux pays prend forme de manière assez inattendue. Comme si la cité phocéenne cristallisait quelque chose de profondément plus universel que la capitale. Entre Bill, le col bleu et les habitants des quartiers populaires, la ligne de démarcation se révèle finalement assez ténue. Le cœur sensible du long métrage se situe justement dans la relation entre le taiseux américain et la pétillante française. Matt Damon et Camille Cottin jouent une partition pleine de nuances qui fonctionne à merveille.

Dans sa partie purement thriller, Stillwater réserve également quelques surprises aux spectateurs. Son écriture précise révèle des indices sans que jamais ils ne s’en rendent compte. Son suspense et ses rebondissements ne sont jamais installés de manière factice ou au détriment des personnages. Cette cohérence quasi documentaire du cinéma de McCarthy se prête finalement très bien aux méandres du genre. Sans doute parce qu’il assume pleinement son caractère hybride. Une jolie réussite.

Vu le 18 septembre 2021 au Club Marbeuf

Note de Marianne Velma: