Chocolat

Chocolat
Titre original:Chocolat
Réalisateur:Roschdy Zem
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:03 février 2016
Note:

Du cirque au théâtre, de l'anonymat à la gloire, l'incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu'il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l'argent facile, le jeu et les discriminations n'usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l'histoire de cet artiste hors du commun. 

Critique de Mulder

Le monde du cirque a souvent été abordé au cinéma américain à travers des films d’animation (Dumbo (1941), Madagascar 3 (2012)), des dramatiques (Freaks (1932), Sous le plus grand chapiteau du monde (1952) et des comédies (Big Fish (2003)..) et très rarement dans notre cinéma hexagonale. Le nouveau film de Roschdy Zem apporte ainsi un véritable souffle nouveau dans les sorties cinéma récentes. Sur la base du scénario de Cyril Gely (L’autre Dumas (2009), Diplomatie (2014)), Chocolat adapte donc le parcours de Rafael Padilla qui fut le premier artiste noir à se produire sur scène et qui est à l’origine du duo clown noir et clown blanc avec George Footit. Pourtant le film n’est pas un simple biopic car le réalisateur et le scénariste ont décidé de prendre du recul avec la véritable histoire de ces deux clowns. Ces différences voulues servent ainsi à rendre ce biopic plus cinématographique et surtout plus convaincant. Ainsi par exemple on pourra retenir que ce n’est pas George Footit qui a appris le métier de clown à Rafael Padilla mais Tony Grice un clown britannique. De la même manière, Chocolat (son nom de scène) n’a jamais fait de prison et sa compagne n’était ni veuve ni infirmière. Ces légers changements apportent au film des personnages plus complexes et surtout renforcent le rythme qui aurait pu être trop linéaire pour pouvoir convaincre un public habitué à un cinéma préformaté et populaire.

Le film suit donc le parcours intéressant de Rafael Padilla de ses débuts sur scène, sa consécration et ses nombreux échecs qui firent qu’il finit sa vie pauvre et dans des conditions difficiles. Impossible de ne pas voir dans ce parcours celui de certains comédiens ayant connu le succès avant de disparaître des grands écrans et trouvé pour les plus chanceux une seconde carrière dans des séries (américaines) et autres métiers loin des projecteurs. A bien regarder ce personnage, les ressemblances entre Omar Sy et Rafael Padilla sont nombreuses et impose ce comédien dans un de ses meilleurs rôles à ce jour. On pense ainsi au duo que format Omar Sy avec le comédien Fred Testot et sa volonté de trouver sa place aussi bien dans le cinéma français qu’américain. De la même manière que Rafael Padilla souhaiter jouer Othello sur scène. Pourtant là où Chocolat échoue, Omar Sy remporte notre adhésion totale.

La volonté du réalisateur de revenir à une forme de cinéma académique se ressent à chacune des scènes. Chocolat tranche ainsi au niveau de l’approche des précédents films de Roschdy Zem. On pense ainsi notamment à Bodybuider (2013) et Omar m’a tuer (2010). La reconstitution historique de ce début du 19ème siècle est très convaincante et remporte autant notre attention que renforce la véracité de cette histoire. Aussi bien le soin apporté aux nombreux décors qu’aux costumes nous ramène à une époque oubliée dans laquelle les médias n’étaient pas omniprésents ,que le succès ne reposait que sur le travail et l’originalité. C’est du côté de la volonté du réalisateur d’aborder des nuisances du racisme déjà abordées dans ses précédents films que R.Zem trouve un vecteur parfait dans cette amitié entre deux hommes. De la même manière que dans Bodybuilder on sent réellement l’implication du réalisateur dans sa volonté de faire des recherches pousser pour apporter des histoires cohérentes et pouvoir trouver l’attention du public.

Chocolat marque donc la consécration d’Omar Sy comme véritable comédien et l’éloigne ainsi de ses rôles populaires (Safari (2009), De l'autre côté du périph (2012)). On découvre ainsi que derrière l’humoriste il y a un véritable comédien engagé et prêt à donner toute l’attention possible à la création de ses rôles. Pourtant c’est le comédien James Thiérrée, petit-fils de Charlie Chaplin qui nous affecte le plus profondément. Face au succès grandissant de Chocolat et sa volonté de devenir populaire et reconnu, son personnage lui préfère continuer à vivre sa passion pour son travail de clown et d’amuseur. Pour son personnage, la réussite est plutôt la reconnaissance par son public que par l’obtention d’un salaire plus important. Ce grand comédien nous émeut dans plusieurs scènes. Il est la révélation du film et risque de refaire parler de lui très régulièrement. Le duo qu’il forme avec Omar Sy est la grande réussite de ce film qui s’éloigne des biopics classiques pour nous livrer une grande aventure humaine.

Vu le 1er février 2016 au Gaumont Champs-Elysées Marignan, Salle 01

Note de Mulder: