La Loi du marché

La loi du marché est une œuvre forte et magistrale portant un regard pleine d’humanité sur la classe moyenne défavorisée. Le co-scénariste (épaulé par Olivier Gorce) et réalisateur Stéphane Brizé nous livre un film sans concession sur un chômeur de longue durée devant non seulement subvenir aux besoins de sa famille avec notamment un enfant autiste et surtout garder un minimum d’amour propre. Si La loi du marché est aussi efficace et nous touche profondément c’est par sa manière de traiter une histoire propre à notre société moderne. Le chômage continue à progresser, la plupart des personnages à vivre difficilement tandis que certains profitent de la crise économique persistante que nous traversons pour s’enrichir. Cette idée est parfaitement mise en valeur par la scène dans laquelle le personnage principal, Thierry (incarné par Vincent Lindon) et sa campagne veulent vendre leur mobil home.

Ce cinéma social très présent en Angleterre avec des réalisateurs comme Ken Loach, Mike Leigh et Peter Mullan trouve avec Stéphane Brizé son plus digne représentant français. Dès la première scène dans laquelle nous découvrons Thierry en pleine réunion au pôle emploi le ton du film est clairement donné. L’approche du réalisateur mi documentariste mi fictionnelle montre que le cinéma n’est pas qu’un vecteur de divertissement il se doit aussi d’interloquer les spectateurs et les pousser à la réflexion. Une nouvelle fois comme dans Discount de Louis-Julien Petit on découvre de manière sidérante l’envers du décor d’un petit supermarché dans lequel tout le monde semble espionner tout le monde. Face à sa propre responsabilité, Thierry va devoir choisir entre continuer à travailler ou prendre sa position contre un système capitaliste en quête permanente de profit.

Une nouvelle fois, le film repose non seulement sur un scénario et une réalisation sobre et efficace mais surtout sur un immense comédien (couronné à Cannes du prix d’interprétation pour ce film), Vincent Lindon. Le casting met ainsi en avant des comédiens professionnels et d’autres non- professionnels. Véritable centre du film, le personnage de Thierry se doit d’être attachant et réussit à capter l’attention du public. Totalement investi dans son rôle, Vincent Lindon s’impose tout simplement comme l’un de nos meilleurs comédiens actuels. Dans ce monde impitoyable son personnage doit garder constamment son juste équilibre. En cela ce personnage réussi donne au film toute sa force brute et son rythme certes lent mais en adéquation avec le sujet traité.

Pour son sixième film (depuis Le bel instant (1996)), le réalisateur a pu laisser libre court à son inspiration et livrer son constat alarmant d’une banalité quotidienne sans fard. Les nombreuses humiliations psychologiques que traverse le personnage principal sont autant de mots permettant de mieux appréhender la condition prolétaire. Une image est souvent plus forte que des mots, La loi du marché s’impose comme un des meilleurs films français de cette année. Nous ne pouvons que vous encourager à le découvrir en DVD si votre cinéma ne proposait pas cette œuvre autant intelligente qu’alarmante.

Vu le 27 septembre 2015 en DVD

Note de Mulder: