Un peu, beaucoup, aveuglément

Un peu, beaucoup, aveuglément
Titre original:Un peu, beaucoup, aveuglément
Réalisateur:Clovis Cornillac
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:06 mai 2015
Note:

Lui est inventeur de casse-têtes. Investi corps et âme dans son travail, il ne peut se concentrer que dans le silence. Elle est une pianiste accomplie et ne peut vivre sans musique. Elle doit préparer un concours qui pourrait changer sa vie. Ils vont devoir cohabiter sans se voir...

Critique de Mulder

Ce premier Film est tout simplement magnifique, émouvant et amène à la découverte d'un grand réalisateur. Il est pourtant difficile de découvrir cette envie de passer derrière la caméra dans la filmographie dense du comédien caméléon Clovis Cornillac. Aussi à l’aise dans une comédie (Brice de Nice (2004)..), un thriller (Le Serpent (2006)..), un film de science-fiction (Eden Log (2007)..) qu’une dramatique (Bellamy (2009)), il sait parfaitement s’adapter face à des réalisateurs expérimentés même novices.

L'histoire paraît simple au premier abord. Un mur faisant passer le bruit entre deux appartements va amener une jeune pianiste et un inventeur coupé volontairement du monde extérieur à s'apprivoiser, à se connaître et finalement à découvrir qu'ils sont faits tout simplement l'un pour l'autre. Nous ne sommes pas pourtant dans une de ses comédies mécaniquement créées pour répondre à la demande d'un public. Loin de ces films sans âme, Un peu, beaucoup aveuglément est plutôt un hommage à un cinéma qui savait être inspiré .

On pense par moment aux grands films des années 30 de Charlie Chaplin (Les Temps modernes (1936), Les Lumières de la ville (1931)). Machin (on ne connaîtra jamais son vrai nom) est un artiste qui ne pense qu’à son travail et préfère nettement être seul chez lui pour avancer sur son œuvre. On reconnaît ainsi aisément le clin d’œil à ses films muets où tout passait par le regard et l’expression du corps. Clovis Cornillac est confondant de vérité dans son premier film. Il ne cherche à aucun moment à se mettre en avant. Il disparaît complètement derrière son personnage et réussit à capter parfaitement le bon angle pour booster l’effet de chaque scène.

Par ces excellents dialogues, on pense également souvent aux films de Woody Allen. C'est-à-dire à un cinéma fait par de véritables artistes avec un vrai regard d’auteur et surtout des comédiens parfaitement dirigés. Le cinéma de Woody Allen a surtout réussi à réunir à chaque film des comédiens accomplis et à livrer avec une vision assez acerbe un état de notre société actuelle. On retrouve ainsi ici avec un véritable plaisir Mélanie Bernier (L'Assaut (2010), Populaire (2012), Au bonheur des ogres (2012)..), Lilou Fogli (également co-scénariste), Philippe Duquesne (Les Brigades du Tigre (2005), Gainsbourg (Vie héroïque) (2010), 9 mois ferme (2012), Baby sittin (2013)..) et Manu Payer dans deux scènes irrésistibles dans le rôle d’un caissier d’un magasin Picard. Pour son premier film, Clovis Cornillac a su parfaitement trouver le casting adéquat pour donner vie au scénario qu’il a co-écrit avec Lilou Fogli et Tristan Schulmann.

Derrière l’utilisation de la musique classique par l’intermédiaire du personnage Machine, on sent la volonté du réalisateur de jouer avec les règles de la comédie romantique formatée. De la même manière que Machin explique à Machine comment interpréter réellement un morceau de musique, on pense également à ce que le réalisateur attend réellement d’une comédie romantique et comment celle-ci devrait être vivante et vraie. En cela Un peu, beaucoup aveuglément est à l’image de son réalisateur parfaitement sincère, surdoué et humble à la fois. Son film exprime réellement sa volonté d’exprimer un désir artistique d’un cinéma authentique. Rarement un premier film a été autant intéressant que comique et dramatique à la fois. Loin d’être une simple succession de scènes, il y a dans ce film une véritable évolution des personnages, des thématiques chères au réalisateur comme l’amitié, le respect de l’autre et surtout une envie de dénoncer l’utilisation abusive dans nos vies actuelles d’outil de communication tendant finalement à nous éloigner (les téléphones portables, les jeux-vidéos phagocytant les jeux de sociétés).

Le réalisateur sait également être comme son héroïne un véritable mélomane dans la manière de construire un film comme une partition de musique. Le montage du film par le chef monteur Jean-François Elie sait parfaitement trouver la tonalité juste dans chacune des scènes du film. Le réalisateur a su ainsi parfaitement s’entourer pour garder un regard entier envers son œuvre. La scène du bar mettant en avant Machine et Charlotte aurait pu tomber dans le schéma classique des rencontres des comédies romantiques mais pourtant, le réalisateur brouille les pistes et nous étonne par sa manière permanente de réécrire la partition de son film comme une véritable symphonie. Le réalisateur devient ainsi le véritable homme-orchestre de son œuvre. Une telle virtuosité pour un premier film est tellement rare que cela retient toute notre attention et impose le respect.

Ce film est surtout celui d’un comédien enfin en paix avec lui-même qui a trouvé sa moitié en la présence de Lilou Flogi, ici comédienne, co-scénariste et ayant fourni l’idée de départ du film. Si Clovis Cornillac lui dédie son premier film c’est bien pour montrer que de la même manière que Machin et Machine devaient inexorablement se rencontrer que ce film est un accomplissement, un pas de plus pour l’un des meilleurs comédiens français. Une comédie humble, d’un réalisateur toujours resté à l’écoute de son public et ayant trouvé le parfait équilibre entre cinéma d’auteur et cinéma populaire, comédie romantique et drame sentimental. Ce film est l’un de nos gros coups de cœur de ce premier semestre.

Vu le 04 mai 2015 au Gaumont Opéra Capucines, Salle 01

Note de Mulder:

Critique de Marty

Passé de devant la caméra à derrière la caméra est l'un des rêves de tous les acteurs, qu'ils soient issus du cinéma comme des séries télévisées. Angelina Jolie, Natalie Portman, Richard Berry ou Ryan Gosling en ont été la preuve, ces dernières semaines et cette originalité touche aussi les acteurs français. La première réalisation est souvent un moment difficile où il faut pouvoir gérer la réalisation, le scénario, la musique, la photographie, la lumière tout en s'octroyant un rôle... Un pari aussi osé que fou pour tout à chacun mais qui doit être grisant pour l'acteur qui se lance dans le bain de réalisation.

Clovis Cornillac, connu pour ses rôles dans la saison de Chefs ; succès de France 2 en 2015 ; et pour ses films comme Radiostars, L'Amour c'est mieux à deux, Scorpion, l'excellent Le Nouveau protocole et bien sûr son rôle d'Astérix dans Astérix aux Jeux Olympiques, s'est offert, la réalisation de son premier long métrage, Un peu, beaucoup, aveuglément. Une comédie romantique tournée sous forme de huit clos où un homme et une femme vont devoir cohabiter en qualité de voisins d'un immeuble où l'isolation laisse à désirer. Comme son nom l'indique, le film tourne sur la relation amicale puis sentimentale autour des deux protagonistes, avec la particularité, de ne pas se montrer à l'autre. Une histoire aussi novatrice que rafraichissante.

Côté casting, Clovic Cornillac s'offre le premier rôle, celui d'un inventeur investi dans son travail, asocial, stressé, aimant le silence et agoraphobe contraint de devoir supporter sa nouvelle voisine, pianiste de talent, ne pouvant vivre sans musique, jouée par la divine Mélanie Bernier (Gibraltar, Populaire ou encore Au bonheur des ogres). Ces deux talents bruts sont associés à des seconds rôles, aussi important à l'histoire qu'anodin au quotidien, la pulpeuse Lilou Fogli (Braquo ; femme de Clovis Cornillac à la vie), Philippe Duquesne (Bienvenue chez Les Chtits), Grégoire Oestermann (Intouchables), Manu Payet (Les Gorilles) et la participation exceptionnelle du massif Jérôme Le Banner.

Pour une première réalisation, Clovic Cornillac fait face à plusieurs défis. Le premier, bien sûr, est de passer à la réalisation et devoir gérer un projet d'envergure. Le second est d'en être le rôle principal ; qui l'oblige à assurer sa prestation devant la caméra tout en dirigeant sa troupe pour que le film s'orchestre à merveille. Il construit un scénario solide et amusant dans lequel il laisse libre court aux acteurs, en jouant sur l'aspect théâtrale des scènes où les voisins vivent en vis à vis sans se voir  et n'avoir que très peu de scènes en commun ; un troisième défi audacieux. Il profite, aussi, de semer le doute sur les protagonistes, dont ils ne dévoilent pas les noms et attribuent des sobriquets, sur les relations sentimentales, en offrant une nouvelle vision : l'amour peut-il être vécu sans se voir ? Une question qui apporte des réponses au travers de cette comédie sentimentale habillement menée...

L'acteur/réalisateur aurait, malgré tout, pu approfondir certaines scènes ou donner un peu plus de consistance à ses personnages principaux. Ceux-ci sont stéréotypés, l'un est célibataire endurci par le décès de sa compagne, un espèce d'hirsute de mauvaise composition et l'autre est une jeune femme, intello, coincée, timide et fleur bleue. Le talent est certes là mais apparaît, somme toute, sur jouer pour un final aussi prévisible qu'inabouti... Le nouveau réalisateur tente d'offrir un final comme celui de la Famille Bélier avec cette scène musical, qui malgré son interprétation parfaite, n'offre pas la petite larme attendue. Au final, le film manque un peu de magie, de poésie ou d'insouciance, malgré l'envie de bien faire avec ce repas improvisé à quatre, qui offre un réel divertissement, remontant globalement la note du film.

Malgré ces quelques reproches personnels, Un peu, beaucoup, aveuglément est une première réalisation agréable à visionner et on se délecte de l'humour brut de Cornillac et de la douceur de Bernier, charmante et charmeuse.

Vu au Pathé Conflans, le mercredi 14 mai, en salle 11.

Note de Marty: