Famille Bélier (La)

Famille Bélier (La)
Titre original:Famille Bélier (La)
Réalisateur:Eric Lartigau
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:17 décembre 2014
Note:

Dans la famille Bélier, tout le monde est sourd sauf Paula, 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Un jour, poussée par son professeur de musique qui lui a découvert un don pour le chant, elle décide de préparer le concours de Radio France. Un choix de vie qui signifierait pour elle l’éloignement de sa famille et un passage inévitable à l’âge adulte.

Critique de Marty

Ancien assistant d'Emir Kusturica, le réalisateur Éric Lartigeau est un habitué des comédies sentimentales et dramatiques. Après avoir réalisé trois comédies potaches ; la saison 3 de H en 2000, Mais qui a tué Pamela Rose et un ticket pour l'espace ; il s'était alors lancé sur la comédie sentimentale avec Prête-moi ta main (avec Alain Chabat et Charlotte Gainsbourg) en 2006. En 2012, sa comédie des Infidèles avec, entre autres, Jean Dujardin et Gilles Lellouche, il s'offrait une renommée nationale en proposant un film choc sur les relations sentimentales et extraconjugales. Un film à polémique pour lequel une série d'affiches explicite avait dévoilée et avait suscité l'indignation de certaines associations.

En cette fin d'année, il dévoile une nouvelle comédie dramatique aux critiques dithyrambiques dans lequel il apporte une vision comique et chantée des difficultés d'adaptations d'une famille de sourd, sauf leur fille. Celle-ci est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Poussée par son professeur de chant, elle s'inscrit pour poursuivre ses études sur Paris, loin de sa famille. 

Il y a quelques semaines, à la diffusion de la première bande-annonce, je m'étais demandé ce que c'était que ce film. Je ne suis pas un grand adepte des comédies françaises mais étrangement, la bande-annonce avait su capté mon attention. Outre l'histoire intéressante, j'avais été attiré aussi par la bande-originale, chantée par la jeune demi-finaliste de The Voice, Louane Emera. Et pourtant, je suis loin d'être fan des musiques de Michel Sardou mais sa voix m'a transporté et m'a donné envie de voir le film ! Rappelons, par ailleurs, que les bandes-originales sont un élément important des films et dans le cas de La Famille Bélier, la bande-originale colle au film comme l'histoire nous colle à la peau. 

En effet, le film est beau, surprenant, émouvant, triste, jovial, séduisant et épatant. On sort du film conquis, souriant et sifflotant les mélodies de Michel Sardou. Tant d'adjectifs qualificatifs pour une réelle surprise. On y suit le destin croisé de cette famille sourde, confrontée à la dure réalité des agriculteurs et collationnée à son handicap dans un monde non adapté à leur mode de vie, et à celui de leur fille entendante et chanteuse talentueuse, qui doit prendre son destin en mains en acceptant de délaisser sa famille au profit de son avenir. Certes, Éric Lartigeau offre quelques répliques emplies de naïveté pour accentuer les difficultés du quotidien d'un tel handicap mais il offre surtout une vision de le handicap de la France face aux handicapés. A l'instar d'Intouchables, le réalisateur mélange la bonne humeur ambiante à un handicap difficile. J'ai, personnellement, dans mes proches, des gens qui ont vécu ce que les Bélier vivent ; tous sourd sauf l'un d'entre eux ; et ils se sont sentis touchés par ce qui a été évoqué, ici. Les difficultés de leur vie par le manque de souplesse du monde de fonctionnement des infrastructures. 

Quant au casting. Que dire ? Je suis surpris du pari de prendre une introvertie pour le rôle d'une extravertie et le rôle d'un extraverti pour un rôle introverti. François Damiens et Karine Viard sont les opposés de leurs rôles. Viard est toujours calme, sereine et timide alors que Damiens est plutôt jovial et plein d'humour. Ici, les deux protagonistes jouent leur opposé et sont déroutants au possible pour les habitués des salles obscures. Le langage des signes est un des langages les plus difficiles à assimiler et les acteurs ont eu 4 mois pour apprendre le langage et être le plus crédible possible. Les acteurs étaient d'ailleurs sous la supervision de sourds afin que les malentendants puissent, aussi, profiter du film. Il est d'ailleurs intéressant de noter que ces deux acteurs ont communiqué exclusivement en signes durant le tournage pour accroître leur technique. Encore une fois, je suis admiratif du talent d'Eric Elmosnino. Toujours juste et toujours parfait, il joue à merveille ce professeur de chant rêvant d'une autre gloire, loin de la campagne. Crédible et sérieux, il confirme tout le bien qu'on pense de lui avec quelques répliques sympathiques. Reste la jeune (Anne Peichert de son vrai nom) Louane Emera. Certes, elle n'est pas actrice de métier et se retrouve catapulter au-devant d'un rôle aussi difficile à jouer qu'à signer. Mais, elle s'en sort avec un certain brio. Elle sait captiver les salles... et à ce jour, c'est déjà près de 1.000.000 de spectateurs qui ont vu le film, en une semaine. Sa pré-nomination pour les Césars est déjà une belle reconnaissance pour cette fille de 18 ans.

Même si le film est prévisible au possible, on y passe un agréable moment, agrémenté des musiques de Michel Sardou et des mélodies chantées par la jeune Louane. C'est d'ailleurs dans la scène finale qu'elle arrache les larmes des spectateurs dans une interprétation bluffant de la chanson "Je vole", qu'elle signe, en même temps. Même si à l'origine, la chanson est écrite pour un enfant décédé... Une prestation hors norme quand on sait qu'en langue des signes, la syntaxe est inversée ; je lui tire mon chapeau ! On félicitera aussi Éric Lartigeau pour une des scènes du film où il nous place des sourds... Une scène intense qui touche au plus profond les spectateurs et qui fait prendre, aussi, conscience du vide sidéral que les handicapés peuvent vivre. 

Le film est un succès pour cette fête de fin d'année (et mon coup de coeur de décembre) et j'espère, vraiment, que le film saura capter les attentions d'un maximum de spectateurs, car il mérite d'être vu pour l'histoire et ses protagonistes.

Vu le 20 décembre, au Pathé Conflans.

Note de Marty:

Critique de Mulder

« Le langage le plus énergique est celui où le signe a tout dit avant qu'on parle. Ainsi l'on parle aux yeux bien mieux qu'aux oreilles. » Jean-Jacques ROUSSEAU, Essai sur l’origine des langues
 
Le langage des signes exerce sur moi une attirance irréductible. Celui-ci direct sans fioriture me plait par sa beauté, sa gestuelle symbolique et sa manière de communiquer autrement pour pallier à un handicap. Le cinéma a souvent mis en scène des personnages sourds et muets dans des seconds rôles importants (Quatre mariages et un enterrement (1993), La leçon de piano (1993), Les Enfants du silence (1986) mais il manquait souvent une approche pédagogique permettant de montrer l’importance de ce langage utilisé entre sourds et muets. Par la même approche que l’excellent film d’Olivier Nakache et Éric Toledano Intouchables (2011) de ne chercher à aucun moment à apitoyer les spectateurs face à cet handicap, le réalisateur Eric Lartigau (Prête-moi ta main (2006), L'Homme qui voulait vivre sa vie (2010)) nous livre un message universel rempli d’une tendresse profonde et de scènes magnifiques trop rares actuellement dans notre cinéma hexagonale.
 
Les scénaristes Stanislas Carre de Malberg et Victoria Bedos ont donc construit un récit semblable par certains de ses éléments au film de Caroline Link (Jenseits der Stille, 1996) et mettant en scène une famille de sourds et muets dont seule l’un des deux enfants n’est ni sourde ni muette. Celle-ci occupe une place importante au sein de cette famille d’exploitants d’une petite ferme car elle sert de traductrice auprès de ses parents et de son jeune frère pour les aider à communiquer plus facilement avec leur entourage. En découvrant son talent  de chanteuse et aidée par un professeur de musique, elle va développer son don et se préparer à passer le concours de la Maîtrise de Radio France. Le scénario du film très ancré dans une volonté de réalisme nous présente donc une famille atypique d’un petit village de la région de Basse-Normandie. Nous sommes donc loin du cinéma français trop ancré sur notre capitale et appliquant des formules préconçues pour maximiser leur efficacité et plaire à un public. Le réalisateur nous propose donc un sujet original traité avec justesse et parfaitement mis en scène. Le soin pris à la direction se ressent également au niveau de la direction des comédiens. Les comédiens Karine Viard et François Damiens ont dû spécialement apprendre le langage des signes pour interpréter leur personnage. Aidé par deux professeurs de langue des signes (Alexeï Coïca et Jennifer) ils sont tout simplement parfaits et donnent à leur personnage une réelle profondeur. Ces deux parents apprenant que leur fille prépare un concours important et ayant comme conséquence le départ de leur fille pour Paris vont voir leurs repères s’effondrer et surtout se remettre en cause. En cela, le film nous touche par sa justesse, sa manière universelle de nous parler de la vie d‘une famille agricole contemporaine. Le réalisateur maîtrise totalement son sujet et peut s’appuyer sur un excellent scénario mais également l’investissement total de ces deux grands comédiens.
 
Loin de vouloir faire de son film, une histoire déchirante sur les difficultés de communication, des rapports entre des parents et leurs enfants, le réalisateur a réussi à injecter une vraie fraîcheur en donnant le rôle principal à une jeune chanteuse passée par la case des émissions musicales de la télévision (Ecole des stars (2008), The Voice (2013, demie finaliste)), Louane Emera. Non seulement pour son premier film, cette jeune comédienne s’impose comme la révélation de l’année 2014 mais surtout possède une voix magnifique et profondément émouvante et une présence digne des grandes comédiennes actuelles. Les nombreux morceaux musicaux du film nous touchent totalement tandis que les nombreuses scènes qu’elle a avec son professeur de musique (Éric Elmosnino, parfait une fois de plus) témoignent d’un talent rare. La dernière scène du film, celle de l’audition au sein de Radio France où le personnage interprété par Louane Emera reprend en signant et chantant Je vole (chanson de Michel Sardou) est un instant de pur grâce comme on aimerait en voir plus souvent au cinéma.
 
Alors que le cinéma français semble trouver difficilement son public, un film comme La Famille Bélier est un film trop rare et si réussi que l’on ne peut que vous encourager à le découvrir en salle. Celui-ci aura également permis de montrer l’importance de Michel Sardou par les reprises de ses vieilles chansons comme une part importante de notre patrimoine musical français.
 
Vu le 20 décembre 2014 au Gaumont Disney Village, Salle 02

Note de Mulder: