Titre original: | Disjoncté |
Réalisateur: | Ben Stiller |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 96 minutes |
Date: | 13 novembre 1996 |
Note: |
La demande de mariage de Steven Kovacs à sa copine Robin a provoqué une des pires réponses imaginables : elle lui a demandé de quitter l’appartement commun, afin de lui laisser le temps de réfléchir. Contraint de déménager, Steven a tout pour s’installer dans son nouveau chez soi, sauf le câble. Le technicien qui était censé lui installer le service se fait attendre plus de quatre heures. Quand il arrive enfin, c’est pour le moins un drôle d’oiseau. Chip Douglas est un personnage extravagant avec un humour particulier, qui ne veut pourtant qu’une seule chose : devenir le meilleur ami de Steven. Et gare à celui-ci, s’il n’accepte pas cet assaut de sa vie privée.
Lorsqu’il était à l’apogée de sa gloire, au milieu des années 1990, le comique Jim Carrey commençait à explorer le côté sombre de son humour grandiloquent. Cette plongée dans les abîmes du rire déclenché au forceps a pu déboucher sur un film aussi réfléchi, voire visionnaire comme Truman show de Peter Weir. Ou bien, elle s’est vautrée plutôt lamentablement, comme dans cette comédie qui joue avec les peurs de la respectabilité à l’américaine, sans jamais en ébranler sérieusement les fondations. Le premier défaut de Disjoncté, dans une longue série de faux pas qui se termine laborieusement en apothéose, est que le scénario évite toute prise de position pour l’un ou l’autre des deux participants à ce duel des névroses.
Le poids principal d’identification repose sur les épaules de Steven, un employé de bureau typique, effacé et un peu maladroit, qui a dû revoir ses ambitions existentielles à la baisse, à cause de l’échec cuisant de sa demande en mariage. Alors que la narration adopte essentiellement son point de vue, le véritable héros de l’intrigue est bien sûr Chip, qui agace beaucoup et amuse très peu. Les manifestations de plus en plus envahissantes de son besoin d’attention et d’amitié maladif finissent par contre à provoquer de la pitié, mêlée très faiblement à une vague inquiétude quant aux excès de comportement à venir. Sa présence nullement sollicitée dans le quotidien morne de son meilleur ami récalcitrant n’y suscite que de la gêne. Il y prend la place d’un parasite inoffensif dont on ne peut se débarrasser, en dépit de l’application de tout un florilège de stratégies d’éviction.
Hélas, lorsque la paranoïa chez Steven a enfin été supplantée par un harcèlement en bonne et due forme de la part de Chip, le ton du film a déjà sombré depuis longtemps dans le genre de surenchère irraisonnable de rigueur à cette époque-là. On ne s’en souvient plus forcément aujourd’hui, mais bon nombre de films hollywoodiens des années ’90 affichaient une fâcheuse tendance à partir en roue libre au moment de la conclusion, faute de savoir renouer convenablement les différents fils de l’intrigue. La réalisation faiblarde de Ben Stiller ne fait pas exception à la règle, puisque elle laisse le récit s’égarer dangereusement pendant la dernière partie du film. Les emprunts aussi directs que risibles au thriller hitchcockien dans la séquence d’affrontement décisif au-dessus de l’antenne parabole en témoignent autant que le rôle secondaire que le réalisateur s’est lui-même attribué.
L’histoire parallèle de l’ancien enfant vedette qui a tué son frère jumeau et dont le procès est suivi par la nation toute entière à la télévision était probablement censée agir comme reflet de l’état d’esprit schizophrène de la société américaine, soi-disant bienveillante et éclairée mais en même temps friande de spectacles morbides. Elle y échoue aussi ennuyeusement que le dessein global du film, qui prétend être une satire cinglante, mais qui n’est au fond qu’un thriller désagréablement mou et bancal.
Vu le 17 septembre 2014, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois, en VO
Note de Tootpadu: