Titre original: | Un homme très recherché |
Réalisateur: | Anton Corbijn |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 121 minutes |
Date: | 17 septembre 2014 |
Note: |
Alors que la crainte d’un attentat terroriste dans une métropole occidentale sévit après le 11 septembre 2001, les renseignements internationaux adaptent leurs méthodes à cette menace d’un nouvel ordre. L’agent secret Günther Bachmann est à la tête de la cellule antiterroriste de Hambourg en Allemagne. L’arrivée par voie clandestine de Issa Karpov, un ancien mercenaire tchétchène, éveille les suspicions de son service. Sa surveillance rapprochée ne peut pourtant pas établir sans l’ombre d’un doute que Karpov planifie une attaque terroriste. Tout en gardant à l’écart la police locale, Bachmann cherche à détourner les intentions vagues de sa proie pour mieux piéger un terroriste présumé encore plus important.
L’agent suprême James Bond a beau adapter ses aventures filmiques au contexte géo-politique respectivement d’actualité au fil de sa glorieuse Histoire, longue d’un demi-siècle, le vrai travail des agents secrets n’a jamais été si spectaculaire et prestigieux. La description de leur quotidien terne et frustrant est davantage la spécialité de l’écrivain John Le Carré, dont les romans dressent un tableau décidément moins glamoureux de la guerre dans l’ombre qui est censée empêcher des conflits armés d’une plus grande envergure. La nouvelle adaptation de l’un de ses romans récents se distingue donc sans surprise par sa volonté de ne rien embellir dans la chasse usante d’un ennemi, qui se dérobe à la moindre catégorisation. Le passage au nouveau millénaire a en effet brillamment réussi à l’auteur, toujours aussi perspicace quant aux conflits d’intérêt rendant chaque action entreprise en catimini hautement politique. Ses thèmes de prédilection ont trouvé un allié de choix en la personne du réalisateur Anton Corbijn, qui échange l’esthétique magistralement contemplative de son film précédent contre un monde fonctionnel et dépourvu de moyens de rédemption.
Dans Un homme très recherché, l’ancien équilibre des forces entre l’Est et l’Ouest est détraqué depuis longtemps. Les enjeux de cette nouvelle guerre larvée sont devenus indéchiffrables. Celui qui était considéré comme un ennemi infréquentable peut soudainement devenir un complice précieux, si tant est que sa zone d’influence s’exerce jusqu’à la frontière avec le prochain représentant d’un ordre mondial contraire à l’hégémonie occidentale. Dans un contexte d’allégeances aussi fluides, la manière brutale américaine n’a plus tellement cours. D’où sans doute aussi le point de vue allemand, qui devient encore plus impartial à cause de l’expérience du protagoniste, un vieux renard des services secrets, qui en a trop vu pour se faire encore des illusions sur le rôle qu’il joue sur l’échiquier meurtrier et cynique de sa profession. Son double jeu stratégique fonctionne même jusqu’à un certain point, puisque il parvient à retourner même ses antagonistes les plus coriaces.
Pourtant, toute cette doigté psychologique peine à porter ses fruits. Le climat nihiliste du récit, tout comme l’aspect plutôt froid et inhospitalier de la plus grande ville du nord de l’Allemagne, achèvent le dessein désespérant d’un organisme régulateur, qui ne sait plus comment répondre efficacement aux défis de notre époque. Günther Bachmann a parfaitement compris les rouages des petites combines et des grands complots qui risquent à tout moment de faire exploser le statu quo en mille morceaux. Il va même jusqu’à imaginer un nouveau modèle opérationnel pour exercer plus subtilement le contrôle des éléments indésirables. C’est hélas beaucoup de peine prise pour rien, puisque l’insécurité mentale des forces de l’ordre régresse inextricablement au niveau d’une manière forte archaïque, sans plan constructif pour un avenir commun réellement plus sûr.
Il n’y aura donc aucun mort dans ce thriller d’espionnage prenant. Les dommages collatéraux ne seront pas pour autant moins importants. Bien au contraire, par sa narration sans effet d’embellissement superflu, le ton du film démontre magistralement l’impuissance des esprits les plus ingénieux et éclairés face à une menace abstraite, qui est forcément surestimée ou sous-évaluée selon la vieille grille d’appréciation des amis et des ennemis potentiels. En tant que chant de cygne, certes très sombre, mais néanmoins conscient de l’avenir instable, plein de promesses et d’horreurs, Philip Seymour Hoffman aurait difficilement pu tomber mieux.
Vu le 6 septembre 2014, au C.I.D, Deauville, en VO
Note de Tootpadu:
Un homme très recherché est le troisième film du réalisateur Anton Corbijn (Control (2007), The American (2010)). Epaulé par le scénariste Andrew Bovell (Hors de contrôle (2010)) le film est l’adaptation du roman homonyme de John Le Carré (2008). Dix ans après les attentats du 11 septembre 2001, la ville de Hambourg est sous haute surveillance après avoir abrité une cellule terroriste importante à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Dans ce contexte, un immigré d’origine russo-tchéchène est activement recherché par les services secrets allemands et américains..
Loin de la vision de l’espionnage présentée par de nombreux films comme ceux de l’agent secret britannique James Bond, le romancier John Le Carré a toujours présenté le monde de l’espionnage tel qu’il était réellement. En oubliant le côté action, l’accent est plus souvent mis sur les pressions psychologiques et les relations tendues entre les différentes cellules de contre-espionnage. Ainsi le personnage Günther Bachmann ressemble plus à un bureaucrate qu’à un ersatz de James Bond. C’est à ce niveau que le réalisateur Anton Corbijn ancien photographe et réalisateur de vidéoclips (U2, Depeche Mode, Metallica.) se révèle être un excellent choix car son nouveau film réussit à capter parfaitement l’ambiance tendue entre les différentes personnes. Dans la lignée de son film précédent, le réalisateur s’attache plus à définir ses nombreux personnages et s’appuie sur l’excellent travail du directeur de la photographie Benoît Delhomme pour nous livrer un grand film d’espionnage aux nombreux rebondissements.
Un homme très recherché trouve facilement sa place dans les meilleures adaptations du romancier John Le Carré. Ainsi, on pense évidemment aux films La Maison Russie (1990), The Constant Gardener (2005) et plus récemment au film La Taupe (2011). Le réalisateur Anton Corbijn a pu bénéficier des nombreux conseils de l’écrivain afin de présenter un réalisme confondant et se dégager de cette vision glamour de l’espionnage.
Le cadre de la ville de Hambourg permet d’apporter également un certain renouveau dans les films d’espionnage et surtout montre une nouvelle fois l’influence dans la manière de réaliser que la saga Jason Bourne a apporté au cinéma actuel. Le film bénéficie ainsi de la présence de comédiens aguerris et plus habitués à être présents dans des films d’auteur que de films de grands studios hollywoodiens. On retrouve ainsi pour son dernier rôle Philip Seymour Hoffman. Une nouvelle fois parfait dans son rôle, il donne une réelle épaisseur à son personnage rongé par son travail et les nombreux dilemmes qu’il doit affronter. A ses côtés, on retrouve les comédiennes Rachel McAdams et Robin Wright mais aussi des comédiens appréciés comme Daniel Brühl et Willem Dafoe.
Le festival de Deauville nous a donc permis dès le premier jour de découvrir en compétition officielle un film aussi réussi qu’ intriguant et surtout un réalisateur passionné comme le montre notre vidéo de la conférence de presse.
Vu le 06 septembre au C.I.D., Deauville, en VO
Note de Mulder: