Titre original: | Beau monde (Le) |
Réalisateur: | Julie Lopes Curval |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 95 minutes |
Date: | 13 août 2014 |
Note: |
Oppressée par sa vie en province, la jeune Alice ne voit qu’une issue à son existence : intégrer une école d’arts plastiques à Paris où elle pourrait perfectionner ses créations en laine. Pour y arriver, elle fait appel à Agnès, une cliente de la pâtisserie où elle travaille. Grâce aux conseils judicieux de cette femme familière du milieu de la mode, Alice réussit son concours d’entrée. En guise de remerciement, elle lui fabrique une écharpe qu’elle dépose dans sa demeure. Alice y rencontre une première fois Antoine, le fils d’Agnès. Leurs chemins se croisent à nouveau à Paris et une passion amoureuse en résulte, basée sur une appréciation partagée de l’art et en dépit de la différence des milieux sociaux dont sont issus les deux étudiants.
Parler d’une bonne surprise au sujet du quatrième film de Julie Lopes Curval, cela laisserait sous-entendre que cette dernière nous aurait déjà déçus. Or, tout le contraire est le cas, puisque nous apprécions de plus en plus, film après film, la sensibilité singulière avec laquelle la réalisatrice s’approprie des histoires de femmes qui ne pourraient pas être plus différentes l’une de l’autre. Entre le roman-photo, les vieilles histoires de famille et cette entrée délicate dans la vie d’adulte, le seul fil rouge à peine perceptible serait le destin de femmes face à des situations qui les obligent à sortir de leur zone de confort. Quant à la mise en scène de ces trois films, chacun subjuguant à sa façon personnelle, elle procède d’une subtile mise à fleur de peau, dans un contexte dramatique qui se prêterait normalement aux pires poncifs. Avec Le Beau monde, il s’agit donc pour nous de la confirmation ferme du talent indiscutable d’une réalisatrice à l’œuvre pas aussi soutenue, en termes de quantité, qu’on le lui souhaiterait.
Le parcours d’initiation d’une jeune provinciale dans les secrets de l’amour et de l’art contient certes son lot de pièges prétentieux et vains. Mais en dépit des propos trop théoriques, voire alambiqués de la réalisatrice pour expliquer son propre film dans le dossier de presse, ce qui en apparaît à l’écran est animé d’un naturel désarmant. Tandis qu’Alice aspire d’abord à un monde qui la dépasse, elle saura petit à petit en dévoiler les failles et les artifices pour mieux s’y intégrer. Son périple romantique et artistique trouve intuitivement le juste milieu entre la soumission aveugle à ce milieu sophistiqué et son rejet préprogrammé par une éducation populaire. Car ce ne sont pas les clichés éculés sur la bourgeoisie provinciale et l’intelligentsia parisienne que le récit met en avant – pas plus d’ailleurs que les passages obligés vers l’âge adulte et la perte de l’innocence qui les accompagne –, mais un ressenti personnel à l’image de ce personnage fragile et pourtant déterminé.
Dans le rôle principal, Ana Girardot interprète brillamment cette femme-enfant. Ses balbutiements devant les commissions d’admission à la vie universitaire représentent peut-être la clé essentielle à la compréhension de son personnage. Celui-ci ressent infiniment plus qu’il ne sait exprimer et se heurte néanmoins aux exigences d’abstraction que lui demande par exemple son cursus, comme lors de l’exercice sur la liberté aérienne en première année à laquelle Alice répond avec un grossier oiseau en laine. C’est grâce au jeu tout en finesse de l’actrice que le film sait préserver une fraîcheur pragmatique, qui dément sans peine toutes les appréhensions que l’on pouvait cultiver à l’égard d’une énième histoire sur un amour voué à l’échec. Il est alors difficile à dire qui nous enthousiasme le plus dans ce film : la réalisatrice avec sa narration doucement fascinante ou bien sa comédienne qui donne réellement une âme à cette histoire convenue seulement en apparence.
Vu le 23 juillet 2014, au Club Marbeuf
Note de Tootpadu: