Titre original: | Planète des singes L'Affrontement (La) |
Réalisateur: | Matt Reeves |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 131 minutes |
Date: | 30 juillet 2014 |
Note: |
Dix ans après que la grippe simienne a anéanti la race humaine, les singes vivent paisiblement dans la forêt. Leur tranquillité est perturbée par l’arrivée d’un groupe d’hommes, venus d’une colonie à San Francisco, afin d’inspecter l’état d’un barrage hydraulique. En effet, les rares survivants génétiquement immunisés contre le virus se trouvent face à une pénurie d’énergie, qui risque de compromettre leur projet de reconstruction. César, le chef des singes, voit d’un mauvais œil cette renaissance de la race humaine et cherche à maintenir la paix en affichant sa force. Mais Malcolm, en charge de ramener l’électricité à l’enclave humaine, tente de le convaincre d’autoriser le redémarrage du barrage.
Note de Mulder:
Le roman de science-fiction La Planète des singes publié en 1963 est décidément bien prolifique cinématographiquement parlant. En effet, cette œuvre de l’écrivain français Pierre Boulle a donné lieu à pas moins de huit long-métrages. Le premier (1968), devenu culte, était une adaptation plutôt fidèle à sa source littéraire, dans laquelle l’acteur à succès Charlton Heston y tenait le rôle principal.
Avec La Planète des singes : l'Affrontement, nous nous sommes quelque peu éloignés de l’œuvre originale de Pierre Boulle étant donné que ce nouvel épisode de la saga est la suite directe de la production des studios Fox La Planète des singes : Les Origines (2011). Cette dernière, réalisé par Ruppert Wyatt, mettait en scène les prémices de la domination des singes à travers un scénario intelligent mais toutefois quelque peu gentillet (en tout cas, comparé à celui très similaire mais beaucoup plus sombre de La Conquête de la planète des singes (1972)). Cette fois-ci, c’est Matt Reeves, à qui l’on doit notamment Cloverfield (2008) et Laisse-moi entrer (2010) qui prend le relais en assurant la réalisation de ce nouveau blockbuster estival.
La Planète des singes : l'Affrontement s’ouvre sur une séquence d’introduction réussie, nous présentant ce qu’il en est désormais de la civilisation humaine et de celle des singes. Tandis que la première succombe lentement à la grippe simiesque qui décime une grande partie de la population et ne laisse qu’une poignée de survivant, les seconds se développent et s’organisent de manière époustouflante. Lors des premières scènes, on assiste ainsi à une véritable naissance d’une nation, avec ces singes qui apprennent le langage humain, ou encore qui chassent et apprivoisent d’autres animaux.
Evidemment, la rencontre et l’opposition entre ces sociétés est au centre de ce nouvel opus. Le film pose alors des enjeux narratifs particulièrement intéressants : la cohabitation entre ces deux espèces (l’une sur le déclin, l’autre en ascension) est-elle possible, ou la guerre est-elle inévitable ? La réponse nous est bien vite donnée. La Planète des singes : l'Affrontement se présente également comme une réflexion sur la notion d’humanité. Pourtant, il s’agit ici d’un long-métrage qui n’accorde finalement pas beaucoup d’importance aux humains, menés par un Jason Clarke peu enthousiasmant. En réalité, la présence des Hommes ici permet surtout de faire un parallèle intéressant entre ces deux espèces, et de rendre compte que le singe perd de ses qualités morales lorsqu’il se met justement à ressembler aux humains.
Nul doute que le spectateur sera nettement plus captivé par les intrigues qui entourent les singes que par les Hommes qui sont voués à connaitre un futur peu reluisant. Une identification si forte à des personnages simiesques est rendue possible grâce à la qualité des effets spéciaux, bien supérieurs à ceux du précédent opus. La qualité de la mise en scène se fait clairement ressentir, dans ce film qui sait faire preuve d’un dosage juste en termes d’action.
Si La Planète des singes : l'Affrontement ne saurait certainement pas non plus prétendre au titre de meilleur film de l’année, ce nouvel opus réussi remplit parfaitement son contrat et s’avère tout de même être le blockbuster le plus intelligent de l'été 2014.
Vu le 16 Juillet 2014, à La Courneuve, dans un hangar désaffecté redécoré spécialement pour le film, en VO.
Note de Noodles:
Contrairement aux James Bond qui ont pour ambition indirecte de refléter l’actualité des préoccupations géo-politiques avec chaque nouvelle aventure, l’univers de La Planète des singes évolue plutôt hors du temps. Et les suites assez bon marché du classique de Franklin J. Schaffner sorties dans les années 1970, et le remake laborieux de Tim Burton du début du siècle ne cherchaient à tenir compte explicitement des époques qui les ont vu naître. La donne a quelque peu changé avec cette nouvelle incarnation, plus prestigieuse bien que l’essentiel du budget aille du côté des effets spéciaux pour créer les singes. Depuis désormais deux films, elle tente le grand écart entre le divertissement qui fait appel aux instincts primaires de la préservation de l’espèce et une mise en garde plus sophistiquée sur ce qui nous attend, si nous continuons dans la voie du mépris borné de l’environnement. Ni ce film-ci, ni son prédécesseur ne sont certes des pamphlets brûlants en faveur de la cause écologique. Ils poursuivent néanmoins le genre de réflexion qui fait sinon cruellement défaut aux grosses productions hollywoodiennes.
Dans La Planète des singes L’Affrontement, la question des sources d’énergie qui s’amenuisent passe rapidement à l’arrière-plan, au profit du traitement lucide des étapes successives de la guerre. L’élément déclencheur des hostilités y a beau être la quête de la manne électrique dans un territoire interdit, c’est surtout la confiance maintes fois trahie entre les deux forces adverses qui a l’air d’intéresser le scénario. Par les temps qui courent, avec tous les points critiques du fragile équilibre international qui s’embrasent simultanément, il y a donc plus à tirer de ce film très solide qu’un simple spectacle au premier degré. La lente montée de la violence, avec la bonne volonté de part et d’autre qui ne résiste pas à l’engrenage alimenté par de vieilles rancunes, pourrait presque nous faire croire en un film sincèrement pacifiste, s’il n’y avait pas la séquence de l’assaut principal de la colonie des hommes, au lourd arsenal formel, y compris le ralenti, qui procède à une glorification contre-productive. Mais dans l’ensemble, l’intrigue aux multiples rebondissements nous renvoie forcément à l’instabilité entre les deux forces de la Guerre froide, qu’on croyait appartenir au passé, alors qu’il suffirait peut-être d’une étincelle pour déclencher les hostilités.
Tandis que le film de Matt Reeves donne une fois de plus le beau rôle aux personnages simiens, notamment à César qui traverse tout un processus de désenchantement envers ses responsabilités de leader entre le plan qui ouvre et qui ferme son périple, les humains se rapprochent hélas de plus en plus des stéréotypes qu’il vaudrait même mieux d’éliminer. La distribution humaine ne fait guère le poids face aux singes animés sans le moindre faux pas par ordinateur, contrairement aux autres animaux aux mouvements sensiblement moins bien maîtrisés. On se retrouve alors confronté au même dilemme que dans l’univers de Jurassic Park : l’excellence des effets y bute sur la médiocrité des interprétations et plus généralement sur la pauvreté des personnages humains. Nous ne sommes alors pas sûrs que la voie choisie apparemment par La Planète des singes, c’est-à-dire d’enrichir presque artificiellement les enjeux narratifs par des observations sociales et historiques, soit la plus adaptée pour rendre ce monde fictif plus attrayant à long terme.
En tout cas dans l’immédiat, la différence de qualité entre ce film et celui de Rupert Wyatt n’est pas assez notable pour que nous désenchantions d’ores et déjà d’un univers toujours aussi fascinant.
Vu le 4 août 2014, au Max Linder, en VO
Note de Tootpadu: