Un couple

Un couple
Titre original:Un couple
Réalisateur:Jean-Pierre Mocky
Sortie:Cinéma
Durée:87 minutes
Date:02 décembre 1960
Note:

Au bout de trois ans de mariage, le couple des Chenard bat de l’aile. Pour raviver leur amour, Anne et Pierre se rendent au musée où ils s’étaient rencontrés la première fois. Mais la tentative de réanimation échoue. Anne préfère rentrer seule, alors que Pierre retourne à son travail chez Gratteloup, un marchand de jouets. Ce dernier entraîne son employé dans une soirée bien arrosée, à laquelle Pierre finit par se dérober. Bien qu’il passe la nuit à l’hôtel, il espère retrouver son épouse le lendemain. Après cette séparation ponctuelle, leur relation ne sera plus jamais la même.

Critique de Tootpadu

Jean-Pierre Mocky n’a pas toujours été l’enfant terrible du cinéma français, un individualiste boudeur et frondeur qui se contente de faire des films pour et par lui-même. La dernière période de sa carrière n’est en effet nullement représentative d’un parcours riche en rebondissements et en approches variées. Car avant de devenir un démagogue populiste – à moins que ce ne soit tout bêtement l’image fabriquée que Mocky veut bien se donner –, il était l’un des jeunes espoirs d’un cinéma sérieux, voire adulte. Un comble si l’on pense aux farces pour lesquelles il a su préserver une certaine notoriété ! Or, ce film-ci est là pour prouver le contraire, c’est-à-dire pour montrer sans lourdeur que l’amour institutionnalisé par les liens du mariage n’est qu’une illusion, livrée aux attaques inévitables du temps et de la libido. Ce n’est point de la mauvaise volonté qui est à l’œuvre pour séparer les deux amants, usés par la routine que d’autres trouvent au contraire rassurante. Il n’empêche que leur entourage est tellement porté sur les petites infidélités qui se soldent par l’adultère, que leur idéalisme romantique devra céder sa place à un pragmatisme au goût amer.

La vie s’apparente en effet à un enfer dans Un couple, avec la monstruosité des enfants en point d’orgue et le comportement plus ou moins abject de leurs parents en finalité scénaristique nullement indulgente. En somme, tout le monde y trompe tout le monde ou se complaît au moins à s’imaginer l’acte sexuel avec des vedettes de cinéma, comme Marilyn Monroe, Marlon Brando ou Yul Brynner, plutôt que de se contenter d’un quotidien infiniment moins excitant. Cette quête du plaisir comprend très rarement sa dose de bonheur, puisque la mise à l’épreuve des différentes relations s’emballe surtout dans un mouvement perpétuel de destruction affective. Rares sont les cas où la flamme se laisse rallumer, comme chez la sœur d’Anne, et même la mécanique répétitive du voisin à la salade ne tient qu’au fil d’un interrupteur de lumière. Quant au couple central, il se débat tant qu’il peut contre l’effet d’usure, en partant par exemple en vacances. Mais il ne s’agit là que d’une résurrection avec sursis dans une logique narrative, qui observe stoïquement le déclin laborieux d’une relation condamnée d’emblée par des paroles lourdes de suspicions.

Ainsi, la guerre sans vainqueur que se livrent les personnages est surtout de l’ordre du psychologique. Ils s’adonnent à une provocation constante des nerfs, empêtrés qu’ils sont dans leur propre médiocrité sentimentale. Car si le constat sur l’état des foyers français au début des années 1960 est si accablant, c’est aussi parce que personne n’ose interrompre réellement cette charade mensongère. Jean-Pierre Mocky a beau avertir avant le générique qu’il ne cherche pas à représenter une quelconque réalité, c’est justement par son réalisme sans fard que son deuxième film séduit. Encore qu’il s’agit d’une forme de fascination, qui résulte avant tout de la noirceur du propos, dans un film sans leçon de morale particulière à donner.

 

Vu le 26 juin 2014, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju

Note de Tootpadu: