Titre original: | Documenteur |
Réalisateur: | Agnès Varda |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 65 minutes |
Date: | 20 janvier 1982 |
Note: |
A Los Angeles, une Française, Emilie, séparée de l'homme qu'elle aime, cherche un logement pour elle et son fils de 8 ans, Martin. Elle en trouve un, y installe des meubles récupérés dans les déchets jetés à la rue. Son désarroi est plus exprimé par les autres qu'elle observe que par elle-même, vivant silencieusement un exil démultiplié. Elle tape à la machine face à l'océan. Quelques flashes de sa passion passée la troublent et elle consacre à son fils toute son affection.
Documenteur est très certainement le film le plus triste d'Agnès Varda, et détonne quelque peu dans une filmographie autrement moins déprimée. Comme l'explique la cinéaste, son désir ici était de tourner un film d'ombre à Los Angeles, juste après avoir réalisé Murs, murs (1980), un documentaire coloré et ensoleillé sur les nombreuses peintures murales qui décorent la ville. On retrouve d'ailleurs de nombreuses traces de ce précédent travail dans Documenteur, ne serait-ce que par l'utilisation des belles images de murals qu'Agnès Varda sait si bien filmer. Mais, comme son titre l'indique, ce long-métrage est trompeur : son aspect purement documentaire aurait presque tendance à nous faire oublier qu'il s'agit avant tout d'une œuvre de fiction, basée sur la propre vie de la réalisatrice qui habitait alors à Venice.
Le récit fictionnel de Documenteur met donc en scène deux personnages attachants mais surtout très attachés l'un à l'autre, une mère française et son enfant. La première est interprétée par Sabine Mamou qui n'est autre que la monteuse du film possédant une beauté triste, tandis que le jeune garçon est interprété par le fils de la réalisatrice, Mathieu Demy. C'est le désarroi de ce duo en exil qu'Agnès Varda parvient magnifiquement à capter, tout en filmant également le quotidien des êtres paumés qui peuplent la ville. Ici, la Cité des Anges n'est pas dépeinte comme un paysage paradisiaque, mais plutôt comme un lieu morose où les gens ont le visage marqué par la misère et fouillent dans les poubelles. La cinéaste parvient à insuffler à Documenteur une impression d'authenticité, de vérité que l'on ne trouve habituellement pas autre part que dans le cinéma documentaire.
Le style de Varda se reflète parfaitement dans ce film ou chaque plan témoigne de ses talents de photographe et de sa capacité à montrer le réel. Les yeux du personnage d'Emilie sont la caméra qui observe ces visages d'anonymes, s'oubliant un peu sauf lors de cette belle scène dans laquelle elle se contemple nue dans un miroir. Une poésie du verbe se superpose à la poésie de l'image, dans ce film où une grande importance est accordée à la voix-off récitant des textes et des petits bouts de phrases, s'apparentant aux pensées qui traversent Emilie. Ces phrases, qui sont débitées comme s'il s'agissait d'un flot de réflexions ininterrompu et improvisé, sont l'occasion de jeux sur les mots et leur sens, comme cet amusant « dodo, cucul, maman, vas-tu te taire? ».
Finalement, de ce mélange de fiction et de documentaire, cette mosaïque de visages et de mots, se dégage un style très personnel dont poésie et sincérité sont les maitre-mots.
Vu le 11 Juin 2014, à l'occasion du Champs-Elysées Film Festival, au cinéma le Lincoln.
Note de Noodles: