Under the skin

Under the skin
Titre original:Under the skin
Réalisateur:Jonathan Glazer
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:25 juin 2014
Note:

Une extraterrestre, fraîchement arrivée sur Terre, prend l’apparence d’une femme belle et sensuelle. Au volant d’une camionnette blanche, elle se promène seule à travers l’Ecosse, dans le but de séduire des hommes avant de les faire disparaître.

Critique de Tootpadu

A quoi ressemblera le cinéma du futur ? Il est aussi impossible de répondre avec certitude à cette question hypothétique qu’il n’est de prévoir ce que nous réserve l’avenir. Néanmoins, d’un point de vue rétrospectif, certains changements formels et thématiques peuvent indiquer une évolution lente et progressive vers une autre forme de création et de réception des images animées. Classer d’ores et déjà le troisième film du réalisateur Jonathan Glazer parmi ceux qui étonnent par leur volonté d’innovation peut par conséquent paraître prématuré. Ce qui est sûr par contre, c’est que Under the skin est une œuvre atypique et inclassable, une bizarrerie cinématographique qui nous laisse davantage perplexes qu’enchantés par sa façon abstraite et curieuse de conter l’histoire d’une invasion sournoise d’extraterrestres.

Le ressenti prévaut clairement sur la compréhension au sein d’une histoire très rudimentaire, qui consiste en gros en les tournées de prédateur du personnage principal, avant l’inévitable retournement de situation qui fait de lui la proie. C’est surtout le fond sonore nourri par la musique de Mica Levi qui confère une étrangeté fascinante à une histoire sinon trop distante. L’humanité toute relative de la femme fatale, qui n’attire que des hommes seuls et sans lien social dans son piège, reste en effet aussi énigmatique que le liquide dans lequel ils sont appelés à se décomposer. Les balbutiements d’érotisme et d’un commentaire sur la récupération des carcasses éventrées, qui nous rappelle vaguement le recyclage des hommes dans Soleil vert de Richard Fleischer, ne suffisent pas pour donner chair à un récit, qui a fâcheusement tendance à se perdre dans son détachement froid de toute émotion.

La séquence à la plage est tout à fait symptomatique de la cruauté qui sous-tend le film dans son ensemble. La femme y a repéré un nageur tchèque, qui correspondrait parfaitement au profil de ses victimes passées. Sauf que celui-ci se soustrait temporairement à son influence vénéneuse pour voler au secours d’une famille en détresse. Insensible au drame qui se joue devant ses yeux, l’extraterrestre mène à bien sa mission, avec un sang froid qui accentue encore notre difficulté à nous engager de quelque façon que ce soit dans cette histoire à la morale douteuse. De même, la rencontre avec un homme au visage fortement défiguré ne suscite aucun sursaut de compassion, mais juste une échappée qui rend la prémisse du film encore plus incompréhensible.

Bref, après trois films qui ne pourraient pas être plus différents l’un de l’autre, nous ne savons toujours pas trop à quoi nous en tenir avec Jonathan Glazer, qui est sans doute un réalisateur intéressant, mais qui nous semble en quelque sorte figé au stade de tâtonnement pour tenir compte au cinéma de la monstruosité de l’homme.

 

Vu le 3 juin 2014, au MK2 Grand Palais, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Jonathan Glazer, réalisateur de clips géniaux tels que Karma Police de Radiohead ou encore Karmacoma de Massive Attack, mais aussi des long-métrages Sexy Beast (2000) et Birth (2004) qui n'ont pas manqué de diviser la critique, revient avec son nouveau film Under the skin. Scarlett Johansson y tient le rôle principal et parvient de manière épatante à interpréter une créature non-humaine ayant l'apparence d'une envoûtante tentatrice. Ce sont donc à travers les yeux artificiels de cet être envoyé en mission par des extraterrestres que l'on observe une humanité confrontée à une grande solitude frappant particulièrement la gente masculine qui devient rapidement la proie du mystérieux personnage.

Pourtant, si le scénario très nébuleux mais finalement extrêmement basique semble faire pencher Under the skin du côté de la science-fiction, il est clair que ce n'est dans les codes de ce genre que ce film curieux puise son inspiration. Ceux qui sont utilisés ici sont davantage typiques du film d'angoisse voire d'horreur, tant l'ambiance qui se dégage est inquiétante. L'utilisation d'une bande-son effrayante au possible accompagne les déambulations de cette femme qui opère avec une froideur clinique et une incroyable sensualité. Une sorte de routine meurtrière se met alors peu à peu en place dans ce film au mouvement répétitif. Ce sont justement ces répétitions au sein de la structure narrative, couplées à un rythme privilégiant la lenteur, qui permettent de créer une atmosphère absolument hypnotisante.

Cependant, c'est bien l'aspect formel du film qui présente le plus d'intérêt à nos yeux. Un générique d'ouverture au visuel à la fois magnifique et très abstrait nous averti : Under the skin est un ovni cinématographique bénéficiant d'une esthétique épurée et très travaillée. Avec beaucoup d'audace et une réelle maîtrise, Jonathan Glazer introduit une dimension expérimentale à son oeuvre, et ainsi il n'hésite pas à enchainer les trouvailles visuelles intéressantes telles que cette superposition d'un grand nombre de plans qui donne un résultat étonnant. Le réalisateur parvient même à atteindre un niveau d'excellence avec ces scènes où Scarlett Johansson entraine lascivement ses victimes à la suivre jusqu'à ce qu'elles se noient dans d'étranges abîmes. Ces séquences aussi perturbantes que fascinantes font d'Under the skin une véritable expérience sensorielle, à travers laquelle le spectateur ne manquera pas de perdre tous ses repères.

Malheureusement, cette ambiance si atypique a du mal à se maintenir jusqu'au bout, et le rythme lent et répétitif qui faisait toute la réussite d'une bonne première moitié du film perd en puissance. Le changement brutal du comportement de l'extraterrestre qui semble se questionner sur son identité après avoir laissé échapper l'une de ses victimes ne fait que dévoiler les failles d'un récit trop simple et pas assez maîtrisé. Malgré tout, cela n'empêche nullement d'apprécier cette œuvre captivante à bien des égards.

 

Vu le 3 juin 2014, au MK2 Grand Palais, en VO.

Note de Noodles: