Conte de la princesse Kaguya (Le)

Conte de la princesse Kaguya (Le)
Titre original:Conte de la princesse Kaguya (Le)
Réalisateur:Isao Takahata
Sortie:Cinéma
Durée:137 minutes
Date:25 juin 2014
Note:

Il était une fois un vieux coupeur de bambous, qui était attiré dans la forêt par une pousse de bambou qui luisait d’un éclat étrange. Il découvrait à l’intérieur du tronc une minuscule princesse, qu’il considérait comme un don du ciel. Quand il présentait cette créature féerique à sa femme, la princesse se transformait en un bébé dont le couple s’occupait avec dévouement. Pendant que l’enfant grandissait, la forêt pourvoyait à ses besoins en révélant au coupeur d’autres troncs magiques remplis d’argent ou de tissus précieux. A l’issue de l’enfance de la princesse, ses parents l’emmenaient à la capitale où elle devenait la princesse Kaguya, convoitée par tous les notables du royaume.

Critique de Mulder

De la même manière que découvrir pratiquement chaque année un nouveau long métrage d’animation Disney est synonyme de divertissement familial de qualité, pouvoir continuer à voir les films d’animation du studio Ghibli revient à assister à des films signés par des maîtres de l’animation actuelle. Un fois de plus Le Conte de la princesse Kaguya s’impose comme un véritable chef d’œuvre signé par Isao Takahata. Celui-ci est l’un des deux cofondateurs du studio Ghibli (avec Hayao Miyazaki). Ce grand metteur en scène a connu une véritable reconnaissance de la critique et du public dès 1988 avec le magnifique film d’animation Le Tombeau des lucioles. Le réalisateur a fait son apprentissage au sein de la Toei Animation en signant plusieurs longs métrages tels Horus, prince du soleil (1968) mais aussi des séries d’animation comme Heidi (1974). Ce n’est qu’en 1985 que ce réalisateur créé la société Ghibli afin de pouvoir donner réellement libre cours à son inspiration. Son avant dernier film fut en 1999 Mes voisins les Yamada, il y a donc quinze ans.

En s’inspirant d’un personnage d’un conte folklorique japonais du X ème siècle, le film nous présente une petite fille découverte dans une plante de bambou et adopté par un couple de vieux paysans, le réalisateur donne naissance à un vrai conte reposant sur l’interaction de l’homme et de la nature. Il co-signe ainsi le scénario de ce film d’animation avec Riko Sakaguchi et nous présente une histoire attachante. Chaque scène du film semble correspondre à une peinture prenant vie devant nos yeux et renforce ainsi notre attirance vers cette œuvre autant originale par la forme que par son cadre. Nous sommes donc loin ici de l’animation assistée par ordinateur mais plutôt à une animation sommaire rappelant par moment la méthode de Bill Plympton mais en étant plus accessible et plus réaliste. Ce film tranche ainsi avec l’animation actuelle des grands studios cherchant toujours à nous présenter une animation parfaite malgré un scénario souvent trop simpliste et visant un public très large. On sent ici que le réalisateur met plutôt en avant l’histoire racontée et semble vouloir revenir à une animation nettement plus sommaire et traditionnelle. Celle-ci correspond parfaitement à la poésie se dégageant de cette histoire.

Il aura ainsi fallu huit longues années avec un budget de 49 millions pour que le réalisateur puisse donner vie à un projet lui tenant cœur depuis plusieurs décennies.  Le réalisateur souhaite à travers son film à dresser le portrait d’une société trop éloignée de la nature et de sa préservation et recherchant la célébrité, la richesse. Ainsi, seule la princesse Kaguya semble rester en totale harmonie avec la nature. Le réalisateur fait ainsi de son film un moyen d’expression pour traiter de sujets qui le fascinent tels la nature, l’enfance, l’innocence. On reconnaît ainsi dans son œuvre ce sentiment de liberté créatrice propice à donner vie à un conte qui se présente comme étant en opposition graphique aux mouvements actuels de représentations des films d’animations. Le spectateur aura donc un temps d’adéquation nécessaire pour s’adapter à cette forme plus proche des films d’animation des années 70/80 que celle actuelle. Reste que le pari risqué du réalisateur est parfaitement gagné et nous charme totalement par ce monde magique mettant en scène des personnages de la lune et des humains. Le réalisateur fait également de son personnage principal féminin une femme indépendante, forte et courageuse. Celle-ci résistera ainsi à ses différents prétendants à l’éducation d’une princesse qu’une gouvernante engagée par ses parents adoptifs tente lui faire assimiler.

On reconnaît ainsi la vision d’un grand réalisateur de nous présenter un monde original, une manière différente de faire un film d’animation, comme un retour à une source créatrice pure et possédant une âme contrairement aux nombreux films d’animation dans lesquels la machine remplace de plus en plus les dessinateurs. C’est en préservant l’héritage d’un cinéma ancien que ce film gagne fièrement ses lettres de noblesse et que nous pouvons que vous encourager à le découvrir en salles.

Vu le 26 mai 2014 au siège Disney Quai Panhard et Levassor, en VO

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

La tradition ancienne des contes de fées s’est largement perdue ces derniers temps. Pour émerveiller les enfants du XXIème siècle, il ne suffit apparemment plus d’évoquer des princes et des princesses dans des contrées hors du temps. L’influence de Harry Potter du côté littéraire et les effets numériques dans le cinéma d’animation ont réorienté les histoires enchantées vers une exubérance, qui les rend certes plus attrayantes aux yeux d’un public adulte, mais qui les prive simultanément de leur raison d’être principale, l’innocence. L’ironie propre au second degré, ainsi que la religion de substitution du fantastique remplacent dès lors la naïveté, qui rendait autrefois les contes de fées si attachants et intemporels. L’accomplissement majeur du nouveau film du maître Isao Takahata est par conséquent de restaurer cette approche des origines, qui nous permet de retourner virtuellement en enfance, sans pour autant nous sentir infantilisés.

Les moments « Ratatouille », d’après la production Pixar du même nom à la fin de laquelle le critique aigri retrouve les sensations délicieuses de son enfance, abondent au début du Conte de la princesse Kaguya. Avec juste quelques touches savamment dosées de magie, la narration réussit à nous entraîner dans une intrigue consistant essentiellement en une fille portée aux nues par ses parents, qui est de surcroît très réticente à l’idée du mariage. L’insouciance fragile de l’enfance traversée trop rapidement et son reflet plus sombre de l’adolescence sans joie soumise à l’apprentissage des règles rigides de la haute société japonaise constituent les deux parties essentielles d’un récit, qui nous subjugue parfaitement par son ton enchanteur. Pour renforcer encore subtilement ce dernier, l’esthétique du trait approximatif de l’animation laisse une part non négligeable à l’imagination, à l’encontre des productions calibrée visuellement du début jusqu’à la fin, qui cherchent à impressionner le spectateur, passif malgré l’immersion dans un univers en relief, au lieu de le faire participer activement à l’aventure.

Notre adhésion à ce beau film aurait été parfaite, s’il n’y avait pas eu ce basculement dramatique tardif, qui explique la présence de la princesse sur Terre et qui confère en même temps une finalité à son périple. Le retour à une certaine réalité, celle qui a besoin de tout clarifier et de trouver une raison pour tout, enlève l’aspect enchanteur au film, pour ne laisser que la désillusion d’une conclusion inéluctable. Bien que la musique céleste, qui accompagne le retour au bercail de la princesse, soit empreinte d’une quiétude divine susceptible de balayer nos réserves face à ce dénouement pessimiste, elle est pourtant incapable d’effacer l’arrière-goût presque amer que nous a laissé cette dernière partie plus triste et défaitiste d’un film autrement empreint d’une poésie cinématographique à la hauteur des chefs-d’œuvre passés de Isao Takahata.

 

Vu le 16 juin 2014, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu: