Titre original: | Toute une nuit |
Réalisateur: | Chantal Akerman |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 90 minutes |
Date: | 27 octobre 1982 |
Note: |
Lors d’une nuit caniculaire et orageuse, une multitude d’hommes et de femmes s’agitent dans une ville quelconque. Du crépuscule jusqu’à l’aube, ces personnages anonymes se rencontrent, se séparent, se retrouvent, se perdent, s’aiment, et se laissent guider par leurs sentiments.
Dans le cinéma de Chantal Akerman, les nuits sont décidemment bien mouvementées. Au fil de Toute une nuit, des couples se brisent et d’autres naissent. Eclairés par la lueur de la lune, des individus préfèrent prendre la fuite, telle cette femme qui semble ne plus supporter la vie morne qu’elle mène aux cotés de son mari, ou bien cette petite fille qui décide de fuguer en n’emmenant avec elle que son chat. Certains tentent tant bien que mal de trouver le sommeil, tandis que d’autres dorment à poings fermés. Quelques heures d’une nuit apparemment comme les autres, lors de laquelle s’agitent une multitude d’êtres solitaires animés par un sentiment qui nous échappe.
Qui sont ces gens ? Quel est leur passé, leur histoire, qu’est-ce qui motive leurs actions ? Tant de questions auxquelles le film n'apporte pas de réponse, car Toute une nuit est une mosaïque constituée de fragments de la vie d’individus dont on ne connait, pour la plupart, même pas le nom. Si de nombreux long-métrages nous présentent une journée ordinaire débutant par le réveil au matin et s’achevant à la tombée de la nuit, la cinéaste fait ici preuve de plus d’originalité, puisqu’elle choisit au contraire de conter une histoire nocturne en commençant à tourner au crépuscule pour finir à l’aube. Cette nuit si banale devient, filmée par la caméra de Chantal Akerman, véritablement extraordinaire.
Toute une nuit n’est clairement pas le film le plus connu de la réalisatrice belge. Pourtant, ce long-métrage est assez représentatif du style qu’elle a adopté au cours de son œuvre. Par sa certaine radicalité, il rejoint d’autres films moins confidentiels tels que Je, tu, il, elle (1974) ou encore Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), ou encore ses différents travaux documentaires. En effet, on y retrouve ce même goût pour les plans fixes, pour les plans d’une durée conséquente, et également pour un rythme très lent. Ces éléments nous laissent percevoir la forte influence qu’a pu avoir un réalisateur comme l'artiste canadien Michael Snow sur Chantal Akerman. Si la dimension expérimentale de Toute une nuit peut facilement dérouter le spectateur non habitué à un tel style, il faut toutefois admettre que le travail d’Akerman permet une mise en valeur de chaque plan, car ce dernier existe simplement pour lui-même : il n’est plus limité à sa fonction narrative.
Toute une nuit est ponctué d’images qui se font écho, similaires aussi bien par ce qui est filmé que par la manière dont cela est filmé, et qui apparaissent finalement comme des motifs récurrents. Prenons pour exemple les scènes de danse qui reviennent à plusieurs moments dans le film, d’abord un premier slow sur Ma Révérence de Véronique Sanson, puis un second, magnifique, avec Aurore Clément sur fond d’une belle chanson italienne.
Une atmosphère très particulière se dégage de Toute une nuit, notamment grâce à l’obscurité qui caractérise la plupart des plans. Seul bémol : la moiteur et la chaleur écrasante de cette belle nuit n’est pas vraiment manifeste à l’écran. Pour autant, on se laisse facilement entrainer par le doux et lent rythme de ce film profondément intimiste, et puisque l’on en sait si peu sur tous ces individus, c’est notre imagination qui prend le dessus.
Vu le 9 Avril, au Magic cinéma, à l’occasion du festival Bande(s) à part de Bobigny.
Note de Noodles: