Frappe (La)

Frappe (La)
Titre original:Frappe (La)
Réalisateur:Yoon Sung-hyun
Sortie:Cinéma
Durée:116 minutes
Date:07 mai 2014
Note:

Les adolescents Ki-tae et Dong-yoon sont les meilleurs amis depuis le collège. Au lycée, Hee-june, surnommé Becky, se joint à eux. Cette bande paraît inséparable, jusqu’au jour où Becky devient le souffre-douleur de Ki-tae. Il décide alors de changer d’école. Peu de temps après, Dong-yoon met un terme à sa scolarité et Ki-tae se suicide. Un geste incompréhensible pour son père, qui va à la rencontre de ses anciens copains.

Critique de Tootpadu

Normalement, les rares films de fin d’études qui réussissent à percer sur le marché professionnel ressemblent à des exercices de style prometteurs, des ébauches d’un cinéaste en herbe, qui pourra créer quelque chose de plus personnel et abouti grâce à cette carte de visite. Quant à Yoon Sung-hyun, il réussit d’emblée un petit coup de maître avec La Frappe ou la plongée dans l’âge difficile de l’adolescence, qui se distingue par sa cruauté émotionnelle certaine. Le jeune réalisateur coréen s’attaque en effet sans la moindre inhibition à un sujet épineux dont il arrive à sonder les différentes implications psychologiques et sociales avec une adresse rarement rencontrée dans ce genre de film d’un débutant. Il n’y a point de salut dans cet univers oppressant. Et pourtant, le récit se démarque par une justesse de ton profondément touchante.

Face à une violence omniprésente, qui se manifeste dès les premières minutes du film et qui viendra attiser périodiquement la pression et la peur qui pèsent sur les personnages, ces derniers réagissent par une stratégie de survie forcément prédestinée à échouer. Quand les codes de la vie en communauté hérités de l’enfance ne fonctionnent plus, chacun est appelé à se forger sa propre personnalité, quitte à privilégier les traits monstrueux de son caractère au détriment d’une sensibilité que le scénario a raison de seulement effleurer. Le malheur affectif de Ki-tae et de ses camarades de classe ne provient pas nécessairement d’une différence concrète, comme pourrait l’être la découverte de l’homosexualité à cet âge fragile, mais d’un changement de comportement irrévocable, qui n’est que l’avant-goût de la dure réalité de la vie d’adulte. Il existe certes différentes façons de se soustraire à cette période obligatoire de la formation de l’individu que nous serons pour le restant de notre vie. Mais aucune d’entre elles n’est sans inconvénient, que nous traînerons tous comme une casserole derrière nous, à moins d’oser une rupture radicale des années plus tard.

La narration de ce film poignant touche sans ménagement au nerf vital de cette période de transition de laquelle pas tout le monde ne sortira indemne. A partir du sort de trois copains, qui deviennent pratiquement des ennemis au fur et à mesure qu’ils grandissent, il raconte l’histoire universelle d’un vague à l’âme plus ou moins aigu, qui peut mener dans des cas extrêmes à l’irréparable. Et même devant cette issue fatale, le scénario ne rechigne pas. Bien au contraire, il l’intègre dans une structure narrative complexe, qui élargit l’envergure du récit jusqu’à la génération des parents, par le biais de cette figure paternelle d’une tristesse à fendre le cœur. Nous sommes donc confrontés avec ce film fort au plus constructif des dilemmes : en vouloir au réalisateur de nous avoir lessivés émotionnellement avec ce drame très avare en rayons de soleil ou bien saluer sans réserve le talent et le courage de Yoon Sung-hyun qui – on l’espère – saura transformer ce début éprouvant en une longue carrière de réalisateur sans concessions formelles ou thématiques.

 

Vu le 29 avril 2014, au Reflet Médicis, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: